Une fois n’est pas coutume

Casquette «Ciboire»

 

Les voyageurs européens qui débarquent au Québec n’ont pas toujours l’oreille heureuse; c’est l’objet des textes de la rubrique «Ma cabane au Canada». Il arrive pourtant qu’un étranger ait meilleure oreille que les autochtones.

Soit les quatre citations suivantes.

Calice de ciboire d’hostie ! (Roch Carrier, la Guerre, yes sir !, p. 77)

maudit ciboire de Christ ! (Roch Carrier, la Guerre, yes sir !, p. 78)

Criss de tabarnak d’hostie de calice de ciboire d’étole de viarge, oussé kié le sacramant de calice de morceau de casse-tête du tabarnak ! (François Blais, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, p. 124).

Cindy. — As-tu écouté l’estie de grande finale hier soir ? Sarah. — Crissement, ciboire. (Simon Boudreault, Sauce brune, p. 9)

Si l’on se fiait à Roch Carrier, à François Blais ou à Simon Boudreault, on pourrait croire que le juron québécois ciboire rime avec le verbe boire. Or il n’en est rien, comme l’ont bien vu (entendu) André-Paul Duchateau et Christian Denayer dans leur album les Casseurs (1988, p. 42).

André-Paul et Christian Denayer, les Casseurs, page 42, caseCiboire ? Non. Cibouère ? Oui. (Merci.)

P.-S. — Cela dit, tout n’est pas également réussi dans cet album; voir ici.

 

[Complément du 8 août 2019]

Le dramaturge Jean-Claude Germain est du même avis dans Un pays dont la devise est je m’oublie (1976) : «sibouère» (p. 21), «SSI-BOU-WERRE» (p. 22), «cibouères» (p. 35) et «cibouère» (p. 51).

 

Références

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

Boudreault, Simon, Sauce brune, Montréal, Dramaturges éditeurs, 2010, 137 p.

Carrier, Roch, la Guerre, yes sir ! Roman, Montréal, Éditions du Jour, coll. «Les romanciers du Jour», R-28, 1970, 124 p. Rééditions : Montréal, Stanké, coll. «10/10», 33, 1981, 137 p.; Montréal, Stanké, 1996, 141 p.; dans Presque tout Roch Carrier, Montréal, Stanké, 1996, 431 p.; Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, coll. «10/10», 2008, 112 p. Édition originale : 1968.

Duchateau, André-Paul et Christian Denayer, les Casseurs. Match-poursuite. Une histoire du journal Tintin, Bruxelles et Paris, Éditions du Lombard, coll. «Les casseurs», 15, 1988, 48 p. Repris dans Denayer & Dûchateau, les Casseurs. L’intégrale, Bruxelles, Le Lombard, 2010, vol. 5.

Germain, Jean-Claude, Un pays dont la devise est je m’oublie. Théâtre, Montréal, VLB éditeur, 1976, 138 p.

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10 réponses sur “Une fois n’est pas coutume”

  1. Qu’est-ce qui rend l’orthographe de « cibouère » plus représentatif de mon « cibouâre » ou d’un « ciboire » à la Edgar Fruitier? Rien.

    Il est impossible de lexématiser des traits de prononciation de mots qui sont déjà lexicographiés: imaginer le pauvre étranger francophone qui voudrait trouver le sens de « cibouère ». AUCUN dictionnaire de langue ne pourrait l’aider.

    Parlons de pommes « vartes » et de virage à « drette » au feu rouge. Parlons aussi du « yâbe » qui est aux vaches et des autres choses qui ont pas de bon « sang »!

    Bref, ce n’est pas aux québécois d’adapter leur orthographe à leur prononciation, mais bien aux outils qui nous sont accessibles d’en rendre compte.

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