Les gardiens, bis

Il y a un an (et quatre jours), l’Oreille tendue consacrait quelques lignes au métier de correcteur. Elle notait alors le fait qu’on trouve peu de textes sur cette figure de l’édition. Ces jours-ci, elle découvre un article de Sophie Brissaud sur cette espèce en voie de disparition, tout à la fois portrait psychologique, hommage, élégie et «grand appel au secours» (p. 38).

Qui est le correcteur ? Un «phénomène de foire» (p. 39), un «mammouth» (p. 39), un «buvard humain doté de caractéristiques psychologiques bizarres (folie de persécution, fatalisme, ironie désabusée, souci maniaque du détail)» (p. 40), un «éboueur» de l’édition» (p. 42). Être «un humble traqueur de coquilles» est «plus qu’un métier : c’est une névrose» (p. 39). En effet, le correcteur «est défini non par son savoir mais par sa psychologie» (p. 39). C’est dit : «Le vrai correcteur ne sait rien et doute de tout» (p. 40).

Sophie Brissaud évoque un «désastre» (p. 39), mais avec humour : «en tant que graphiste, j’aime aussi passionnément la belle typo, mais je veux qu’elle ait les sous-vêtements qu’elle mérite» (p. 42).

La situation de cette «corporation utile» (p. 42) ne s’est pas améliorée depuis 1998.

 

[Complément du 17 janvier 2012]

Si l’on en croit Morgan Bourven, la situation s’est même détériorée. Voir son article «À qui la faute ?».

 

Références

Bourven, Morgan, «À qui la faute ?», Que choisir, 499, janvier 2012, p. 42-44. https://www.aproposdecriture.com/wp-content/uploads/2014/06/que.choisir.janv_.2012.pdf

Brissaud, Sophie, «La lecture angoissée ou la mort du correcteur», Cahiers GUTenberg, 31, 1998, p. 38-42. Suivi d’une «Réponse d’un amateur», Jacques André (p. 43-44). http://www.numdam.org/item/CG_1998___31_38_0/

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3 réponses sur “Les gardiens, bis”

  1. «Ce larbin obscur, cette figure pâlotte, cet exécutant servile et irritable, cet être improbable et ridicule, ce raté sans intérêt, cet avorton peu montrable, ce gêneur teigneux au-delà du raisonnable, ce contrôleur infini sans aucune fantaisie, ce personnage assez repoussant qu’on voudrait cacher, avec lequel on évite d’être vu […].»

    Ainsi se décrit un correcteur dans Souvenirs de la maison des mots (p. 13).

    Assouline a parlé de cet ouvrage (anonyme) dans son blogue : http://passouline.blog.lemonde.fr/2011/05/06/nevrose-du-correcteur/

    Anonyme, Souvenirs de la maison des mots, Éditions 13 bis, Paris, 2011, 112 pages.

  2. En lisant votre texte, je me souviens d’un très bon livre de José Saramago, História do cerco de Lisboa (Histoire du siège de Lisbonne, Éditions du Seuil). Son personnage principal est un correcteur, Raimundo Silva, qui, en faisant la révision d’un livre sur l’histoire de Lisbonne, décide de faire une petite — mais très importante — modification dans son texte. Voilà un petit morceau du texte, dans une traduction libre (j’ai l’édition en portugais) : « C’est démontré, alors, que le correcteur s’est trompé, ou bien il a confondu, ou bien il a imaginé, mais qu’il vienne lui jeter la première pierre celui qui ne s’est jamais trompé, qui n’a jamais confondu ou imaginé. Se tromper, l’a dit qui le savait, est le propre de l’homme, ce qui signifie, si ce n’est pas une erreur de prendre les mots à la lettre, que ne serait-il un vrai homme celui qui ne se trompe. »

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