Où trouver le «jugement critique» ?

Stéphane Kelly est sociologue. Interviewé par le Devoir sur la crise sociale que traverse actuellement le Québec, il décrit, entre autres phénomènes, trois «déclassements sociaux» dont seraient victimes les grévistes : économique, disciplinaire, familial (2-3 juin 2012, p. A1 et A12).

L’Oreille tendue aimerait s’attacher au deuxième de ces déclassements :

Le deuxième étiolement est disciplinaire. Les étudiants des «humanités» (sciences humaines ou sociales, philo, arts, littérature, etc.), portent le carré rouge tandis que les disciplines plus collées au marché du travail, plus utilitaires (les sciences pures, les techniques…), n’ont pas fait grève, ou si peu.

«La vigueur du mouvement de contestation s’explique aussi par la menace sur ces disciplines. D’ailleurs, les leaders étudiants sont tous ici de cette filière, avec d’excellents dossiers scolaires en plus. Disons que beaucoup d’étudiants sont formés au jugement critique alors que les entreprises réclament autre chose.»

Si l’Oreille comprend bien, il y aurait, d’une part, les «humanités» et leur «jugement critique» et, d’autre part, les autres disciplines, «plus collées au marché du travail, plus utilitaires», où le jugement critique serait moins développé.

Pareille polarisation supposée relève de ce manichéisme dont l’existence était déplorée ici la semaine dernière et elle témoigne d’une méconnaissance fondamentale de ce qu’est le travail de la pensée, notamment à l’Université.

Le jugement critique n’est pas aussi bien partagé qu’on pourrait l’espérer.

P.-S. — Ce n’est qu’un exemple : depuis le début de la grève de certaines associations étudiantes québécoises, on a entendu semblable discours binaire sortir de la bouche de nombre de grévistes et de leurs alliés.

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