Non coupable

Est dit innocent celui qui n’a commis ni crime ni délit.

Est aussi dit innocent celui qui n’est pas reconnu pour ses capacités intellectuelles. Ce sens ancien se trouve dans le Petit Robert (édition numérique de 2014) :

«(XVe) Qui a une ignorance, une naïveté trop grande. => crédule, 1. naïf, niais, simple. Il est bien innocent de croire ces balivernes.

• SPÉCIALEMENT N. Simple d’esprit. L’innocent du village. => idiot.»

Au Québec, l’expression — adjectif, substantif, interjection — est commune.

«Il me traitait d’innocent, ça voulait plutôt dire imbécile» (Mailloux, p. 64).

«Quand elle m’a demandé ce qui m’arrivait, je me suis pris pour un membre de l’ordre des avocassiers, j’ai joué à l’innocent […]» (Monsieur de Voltaire, p. 226).

«T’es vraiment un innocent, Gérard Tremblant» (Malgré tout on rit à Saint-Henri, p. 221).

«Maudit que t’es innocent» (Malgré tout on rit à Saint-Henri, p. 226).

«elle aboyait quelque chose comme : “Tu lui fais avaler une canette de Coke mélangée avec du gin, tu le laisses pas se coucher tant qu’il a pas chié, pis tu m’achales plus jamais pour une niaiserie de même, innocent !”» (Griffintown, p. 152).

«vous n’étiez pas inconscients, vous étiez innocents. Au sens québécois, comme dans l’expression “maudits innocents”, excusez mon langage» (les Caprices du sport, p. 15).

Le mot n’y est pas particulièrement récent. On le trouve (au moins) en 1960 sous la plume de Gérard Bessette :

«Donc, si M. le Curé revient, faites l’innocent» (éd. de 1977, p. 107).

L’innocent n’est pas dangereux. Pour le dire avec la mère de l’Oreille tendue, il ne serait pas assez fou pour mettre le feu, sans être pour autant être assez fin pour l’éteindre.

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Monsieur de Voltaire. Romancerie, Montréal, Stanké, 1994, 255 p. Ill. Rééd. : Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 220, 2010, 240 p.

Bérubé, Renald, les Caprices du sport. Roman fragmenté, Montréal, Lévesque éditeur, coll. «Réverbération», 2010, 159 p.

Bessette, Gérard, le Libraire. Roman, Montréal, Pierre Tisseyre, coll. «CLF poche canadien», 17, 1977, 153 p. Édition originale : 1960.

Grenier, Daniel, Malgré tout on rit à Saint-Henri. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 07, 2012, 253 p.

Mailloux, histoires de novembre et de juin racontées par Hervé Bouchard citoyen de Jonquière, Montréal, L’effet pourpre, 2002, 190 p.

Poitras, Marie-Hélène, Griffintown, Québec, Alto, coll. «Coda», 209 p. Édition originale : 2012.

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4 réponses sur “Non coupable”

  1. L’emploi de l’adjectif « innocent » dans le sens de « niais » est également courant en Belgique francophone. En wallon, on peut même interpeller quelqu’un de naïf par la formule « Inocint XIV! » (un « nouveau » pape qui devrait succéder à Innocent XIII, le dernier du nom).

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