Du nouveau sur Simenon

Simenon, le Voleur de Maigret, 1967, couverture

L’Oreille tendue s’en doutait depuis quelques années : Georges Simenon (1903-1989) était québécois. La preuve ? Son vocabulaire, bourré de mots et d’expressions propres au Québec.

Dans La neige était sale (1948), il y a des «bancs de neige» (éd. 2003, p. 89) et un personnage déclare péremptoirement : «Cela n’a pas de bon sens» (p. 83).

Auprès de quoi se chauffe-t-on dans l’Affaire Saint-Fiacre (1932) ? D’un «calorifère» (éd. 2003, p. 162). Que porte-t-on aux pieds par mauvais temps ? Des «caoutchoucs» (Maigret et l’Affaire Nahour, 1967, éd. 1990, p. 318; le Chat, 1967, éd. 1990, p. 452, 460, 477).

Le romancier, comme c’est si fréquent au Québec, semble confondre pamphlet et brochure; c’est le cas dans Maigret a peur (1953, éd. 2006, p. 66). Pire : il lui arrive d’utiliser un verbe transitif sans complément d’objet, par exemple dans «J’ai quitté deux ans avant…» (le Voleur de Maigret, 1967, p. 49).

Les «ici dedans» (p. 51) et les «hier au soir» (p. 61) du Chien jaune (1936) sont chères au cœur de la mère de l’Oreille. Son grand-père disait lui aussi que quelque chose était écrit «sur le journal» (la Veuve Couderc, 1942, éd. 2003, p. 1163).

Voilà des signes qui, ajoutés les uns aux autres, ne sauraient mentir.

Des esprits pinailleurs vous diront que, dans certains cas, il ne s’agit pas seulement de québécismes, mais aussi de belgicismes, voire que des emplois, après 1945, peuvent avoir été inspirés à Simenon par sa rencontre avec la Canadienne Denyse Ouimet, qui sera sa compagne jusqu’en 1964. Ce serait trop simple. L’Oreille ne l’entend pas de cette oreille.

 

[Complément du jour]

Promis juré craché : l’Oreille tendue, au moment de mettre ce billet en ligne, ignorait que Simenon était mort, en 1989, un… 4 septembre.

 

[Complément du 10 avril 2019]

Chez Emmanuelle Jimenez, dans Centre d’achats (2019) : «ici d’dans» (p. 70).

 

Références

Jimenez, Emmanuelle, Centre d’achats, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 18, 2019, 127 p. Ill. Suivi de David Robichaud, «Contrepoint. Chercher le bonheur, trouver une robe jaune à paillettes».

Simenon, l’Affaire Saint-Fiacre, dans Romans. I, édition établie par Jacques Dubois, avec Benoît Denis, Paris Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 495, 2003, p. 105-212 et 1354-1365. Édition  originale : 1932.

Simenon, le Commissaire Maigret. Le chien jaune, Paris, Le livre de poche, coll. «Le livre de poche policier», 869, 1963, 20 p. Présenté par Marcel Aymé. Édition  originale : 1936.

Simenon, la Veuve Couderc, dans Romans. I, édition établie par Jacques Dubois, avec Benoît Denis, Paris Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 495, 2003, p. 1043-1169 et 1458-1471. Édition  originale : 1942.

Simenon, La neige était sale, dans Romans. II, édition établie par Jacques Dubois, avec Benoît Denis, Paris Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 496, 2003, p. 1-199 et 1503-1519. Édition  originale : 1948.

Simenon, Maigret a peur, Paris, Librairie générale française, coll. «Le Livre de poche», 14245, 2006, 188 p. Édition  originale : 1953.

Simenon, Maigret et l’affaire Nahour, dans Œuvre romanesque, Libre expression et Presses de la Cité, coll. «Tout Simenon», 1990, p. 315-424. Édition  originale : 1967.

Simenon, le Chat, dans Œuvre romanesque, Libre expression et Presses de la Cité, coll. «Tout Simenon», 1990, p. 425-540. Édition  originale : 1967.

Simenon, le Voleur de Maigret, Paris, Presses de la cité, coll. «Maigret», 44, 1967, 182 p. Édition  originale : 1967.

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