Histoire(s) de pied(s)

Publicité pour Volkswagen, la Presse+, mai 2017

Le verbe signifie taper sur quelque chose avec son pied. C’est vrai d’un personnage d’Attaquant de puissance, de Sylvain Hotte, représenté «kickant de la garnotte» (2010, p. 22).

Dans un article récent sur le français canadien, signé par Salvatore Digesto et Shana Polack, il est question du même verbe, mais dans un sens figuré (du moins on l’espère) :

il arrive qu’en français canadien soient incorporés des mots anglais dans le discours […] : «Je ne peux pas te kicker dehors.» […] Selon l’idée reçue, ces manifestations attribuées au contact de l’anglais modifieraient la structure grammaticale du français canadien. Or, les études empiriques ont démontré le contraire. […] le mot kicker, d’origine anglaise, porte la marque d’une terminaison française contrairement à son équivalent anglais, kick. Ainsi, les mots anglais insérés dans un discours en français revêtent la grammaire française, se comportant comme n’importe quel mot français (p. 94).

Le substantif peut renvoyer à un geste sportif (un beau kick), mais aussi à l’attrait qu’une personne ressent pour une autre. C’est le cas, en quelque automobile sorte, dans la publicité ci-dessus. Ce l’est aussi dans la bande dessinée Je sais tout de Pierre Bouchard : «Sérieux, j’pense qu’a l’a un kick solide sur Reynald !» (2014, p. 11) On peut imaginer que, dans ces deux cas de béguin, le rapport au pied est moins immédiat que dans les précédents, mais il existe néanmoins : ne s’agit-il pas d’espérer prendre son pied ?

Pierre DesRuisseaux, dans son Trésor des expressions populaires (éd. de 2015, p. 185-186), indique d’autres sens pour ce mot, outre s’amouracher ou s’enticher : donner un (gros) kick (procurer un plaisir intense), être son kick (être son plaisir), faire quelque chose pour le kick (faire quelque chose par plaisir), perdre son kick (ne plus prendre plaisir à quelque chose) et se donner un kick (se donner de l’exaltation, du plaisir).

 

[Complément du 15 août 2022]

L’objet du désir — la personne pour laquelle on a le béguin — est lui-même un kick. On le voit dans un poème de Carolanne Foucher :

je voudrais vous ranger sagement
avec mes autres kicks passés
dans la pochette de mon sac à dos de cégep (p. 89)

 

Références

Bouchard, Pierre, Je sais tout, Montréal, Éditions Pow Pow, 2014, 106 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Digesto, Salvatore et Shana Polack, «Le français canadien, un français comme les autres. Tomber en amour ne vient donc pas de “to fall in love” ? Dommage !», France Forum, nouvelle série, 65, avril 2017, p. 93-94.

Foucher, Carolanne, Submersible. Poésie, Montréal, Éditions de ta mère, 2022, 133 p.

Hotte, Sylvain, Attaquant de puissance, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 2, 2010, 219 p.

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