Les livres sont des lettres

Oublie un livre quelque part, septembre 2014

Cela s’appelle «Oublie un livre quelque part». C’est né sur Facebook, à l’instigation de Julie Patenaude et Kim Vincent :

Durant toute la semaine [du 8 septembre au 14 septembre 2014], laisse un livre dans un lieu public (parc, autobus, café, métro, salle de cours…) dans le but de faire un échange de livres à grande échelle. On a tous un livre qu’on aimerait faire découvrir à quelqu’un ou qui ne nous sert plus; un roman, un livre de cours, une bande dessinée, un album, une biographie… peu importe !

Le fait de partager un de tes livres te donne le droit d’en prendre un que tu trouveras. Ceci peut être répété autant de fois que tu le désires durant la semaine.

**** Le but, c’est de partager… Et de découvrir… Il y a des gens qui ont plein de bonnes idées et qui l’inscrivent sur la page de l’événement ! Si vous ne voulez pas le laisser traîner, vous pouvez l’offrir a quelqu’un, le glisser dans une boîte aux lettres… C’est comme vous voulez ! ***

*** Aussi, il serait intéressant de laisser un petit mot à l’intérieur, invitant la personne qui le trouve à partager sa découverte sur #Partagelitt avec les détails et idéalement une photo !! Exemple : «voici un livre que j’ai déposé ici dans le but que tu le découvres et le partages à ton tour…» Avec le lieux et la date et ton nom si tu veux ! Ça peut être sur un post-it, l’autre personne recolle un autre post-it par dessus et le redépose quelque part ! ***

En espérant que cet échange hors de l’ordinaire te fasse faire de belles découvertes.

Amusez-vous !!!

Ce genre d’échanges existe depuis quelques années, par exemple sous le nom «Passe-Livre» ou «Bookcrossing». En 2005, l’Oreille tendue leur consacrait un bout d’article, dans le cadre d’une réflexion sur les bouteilles à la mer (reprise, depuis, ici). Pour elle, un livre qui circule ainsi, c’est une lettre.

Accouplements 07

Jean-Marc Huitorel, la Beauté du geste, 2005, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

L’Oreille tendue aime les curiosités épistolaires, ces présences de la lettre là où on ne l’attendrait pas. Elle a même publié un recueil de textes sur le sujet.

Pensez aux chapitres 95 et 96 de Tarmac (2009) de Nicolas Dickner. Dans une enveloppe, le narrateur reçoit un emballage vide. Après la réception de cette lettre d’amour, il part au Japon retrouver celle qu’il aime, Hope Randall.

Puis imaginez un ballon de foot, celui que décrit Jean-Marc Huitorel dans la Beauté du geste (2005) :

On signalera encore le travail de Priscilla Monge, dont certains des objets ont à voir avec l’univers du sport. Elle a ainsi fait réaliser un ballon de football aux pentagones noirs découpés dans des cuirs très élégants, ceux utilisés pour les vêtements et les chaussures de luxe, et dont les pentagones blancs sont constitués de serviettes hygiéniques. Dans cette intrusion du féminin, y compris dans ce qu’il a de plus intime, dans un univers largement dominé par les hommes, et en particulier dans cette symbolique implicite du sang, on peut lire une volonté d’opposer le sang des menstrues au sang des guerriers. On peut aussi y voir une dénonciation de l’usage sanguinaire que les dictatures d’Amérique du Sud (l’artiste est née au Costa Rica), au Chili ou en Argentine, ont pu faire des stades (p. 173).

Le Michel «Mickey» Bauermann de Nicolas Dickner ne reçoit pas un morceau de cuir.

 

Références

Huitorel, Jean-Marc, la Beauté du geste. L’art contemporain et le sport, Paris, Éditions du regard, 2005, 214 p. Ill.

Dickner, Nicolas, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p. Ill.

Melançon, Benoît, Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, 165 p.

Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture

Le zeugme du dimanche matin et de Nicolas Dickner

Nicolas Dickner, Tarmac, 2009, couverture

«Nous sommes descendus vers le rez-de-chaussée, emportés par le flot d’étudiants qui s’engouffraient dans les escaliers. À certains moments, nos pieds ne touchaient pas le sol : nous formions une seule masse d’hormones, de muscles et d’insouciance.»

Nicolas Dickner, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p., p. 106.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Citation révolutionnaire du jour

«Du jour au lendemain, les mœurs se font démocratiques. Rien ne subsiste des anciennes distinctions sociales. […] Les formules de cérémonieuse politesse font place au tutoiement; l’ouvrier et le patron, le député et l’électeur, le soldat et l’officier, les hommes et les femmes se tutoient; et, remarque Pigault-Lebrun, comme en France l’administration est toujours la même, on lit en entrant dans tous les bureaux possibles : “Ici on se tutoie. Fermez la porte, s’il vous plaît.”»

André Le Breton, le Roman français au XIXe siècle. I, Avant Balzac, Paris, Société française d’imprimerie et de librairie, 1901, 315 p., p. 71.

Gainsbourg du jour

Le jour où l’Oreille tendue se cherchera un indicatif musical, elle pourrait le trouver chez le Serge Gainsbourg de la chanson, de 1961, «Les mots inutiles», aussi appelée «De Vienne à Vienne» ou «Le dernier souvenir».

Refrain :

Les mots sont usés jusqu’à la corde
On voit l’ennui au travers
Et l’ombre des années mortes
Hante le vocabulaire
Par la main, emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l’idée
Que tu ne peux t’exprimer
Que par des clichés