Autopromotion 085

L’Oreille tendue, à l’invitation de Bertrand Laverdure (@Lectodome), causera de la lettre à la télé ce soir.

C’est dans le cadre de l’émission Tout le monde tout lu de MaTV à 21 h.

 

[Complément du jour]

On peut (re)voir l’émission ici.

Merci

En 2005, en compagnie de Yan Hamel et de Geneviève Lafrance, l’Oreille tendue dirigeait la publication d’un ouvrage collectif intitulé Des mots et des muscles ! Représentations des pratiques sportives. (Pour en savoir plus, c’est ici.)

Volume collectif, Des mots et des muscles !, 2005, couverture

Aujourd’hui paraît le plus récent numéro de la revue les Libraires (numéro 81, février-mars 2014). On y trouve un dossier : «Des mots et des muscles. Sports et littérature.»

Magazine les Libraires, dossier «Des mots et des muscles», 2014, couverture

L’Oreille remercie sincèrement les Libraires de cette publicité, même si elle est indirecte. En effet, dans «Des mots et des muscles », il n’est jamais question de Des mots et des muscles !

 

Référence

Hamel, Yan, Geneviève Lafrance et Benoît Melançon (édit.), Des mots et des muscles ! Représentations des pratiques sportives, Québec, Nota bene, 2005, 274 p. Ill.

Trois questions périhockeyistiques

Samedi dernier, grâce à sa structure familiale latérale, l’Oreille tendue, accompagnée de l’Oreille tendue cadette, assistait au Centre Bell à la dégelée des Canadiens de Montréal contre les Capitals de Washington — c’est du hockey.

(Pour décrire ce genre de défaite honteuse, un journaliste de la Presse, Richard Labbé, parle de rince, au féminin.)

Comme d’habitude, l’Oreille se demandait pourquoi le niveau sonore était si élevé. Elle s’est cependant posé aussi trois nouvelles questions.

Ça sert à quoi les reprises vidéo des bagarres sur écran géant, sinon à perpétuer une pratique cromagnonesque ? (Sur les bagarres au hockey, dans la Presse+ d’hier, le joueurnaliste Maxime Talbot est cromagnonesque.)

Les arénas sont-ils les derniers endroits où l’on chante avec cœur l’hymne national canadien ?

Quand des dizaines de personnes viennent de mourir dans un incendie et qu’on demande aux spectateurs de leur consacrer un moment de silence, pourquoi refuser de le faire ?

 

[Complément du 11 novembre 2021]

S’agissant des reprises vidéo de bagarres sur écran géant au Centre Bell, l’Oreille tendue a écrit au président de l’équipe, Geoff Molson, le 1er juin 2021. Elle n’a pas eu, pour l’instant, de réponse.

Portrait anthume et portrait posthume

Jean Echenoz, Je m'en vais, 1999, couverture

«Malgré les qualités professionnelles de Delahaye, ses apparences jouaient contre lui. Delahaye est un homme entièrement en courbes. Colonne voûtée, visage veule et moustache en friche asymétrique qui masquait sans régularité toute sa lèvre supérieure au point de rentrer dans sa bouche, certains poils se glissant même à contresens dans ses narines : trop longue, elle a l’air fausse, on dirait un postiche. Les gestes de Delahaye sont ondulants, arrondis, sa démarche et sa pensée également sinueuses, et, jusqu’aux branches de ses lunettes étant tordues, leurs verres ne résident pas au même étage, bref rien de rectiligne chez lui. […] Il est, chacun peut l’observer, des personnes au physique botanique. Il en est qui évoquent des feuillages, des arbres ou des fleurs : tournesol, jonc, baobab. Delahaye, quant à lui, toujours mal habillé, rappelle ces végétaux anonymes et grisâtres qui poussent en ville, entre les pavés déchaussés d’une cour d’entrepôt désaffecté, au creux d’une lézarde corrompant une façade en ruine. Étiques, atones, discrets mais tenaces, ils ont, ils savent qu’ils n’ont qu’un petit rôle dans la vie mais ils savent le tenir.»

«Non content de n’être pas mort, ce qui finalement ne surprenait Ferrer qu’à peine, Delahaye avait beaucoup changé en quelques mois. Il s’était même transformé. Le fatras d’angles obtus et flous qui avaient toujours défini sa personne avait cédé la place à un faisceau de lignes et d’angles acérés, comme si tout cela avait fait l’objet d’une excessive mise au point. / Tout n’était plus à présent chez lui […] que traits impeccablement tirés : sa cravate dont on avait toujours connu, quand il en portait une, le nœud décalé sous un angle ou l’autre de son col de chemise, le pli de son pantalon qu’on n’avait perçu qu’évanoui car poché à hauteur des genoux, son sourire même qui dans le temps ne tenait pas la route et s’amollissait vite, s’arrondissait, s’érodait comme un glaçon sous les tropiques, sa raie aléatoire sur le côté, sa ceinture diagonale, les branches de ses lunettes et jusqu’à son regard même — bref tous les segments ébauchés, brouillés, inachevés et confus de son corps avaient été redressés, raidis, amidonnés. Les poils incontrôlés de sa moustache informe avaient eux-mêmes été fauchés au profil d’une droite impeccable, fil parfait soigneusement taillé, comme tracé au pinceau fin dans un style latin au ras de la lèvre supérieure. […] Ce faisant, de dos, [Ferrer] observait les vêtements de son ancien assistant : dans ce domaine également les choses avaient changé. Son complet croisé en flanelle anthracite semblait lui servir de tuteur tant l’homme se tenait à présent droit. Comme il se retournait pour s’asseoir, Ferrer nota une cravate nuit sur chemise à fines rayures perle, aux pieds des richelieus couleur de meuble ancien, et son épingle de cravate et ses boutons de manchettes émettaient des éclats éteints, sourdes sonorités d’opale muette et d’or dépoli, en somme il était habillé comme Ferrer aurait toujours souhaité, à la galerie, qu’il le fût. Seul accroc dans le tableau quand Delahaye se laissa tomber dans un fauteuil et que les revers de son pantalon se haussèrent : les élastiques de ses chaussettes semblaient hypotendus.»

Jean Echenoz, Je m’en vais. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1999, 252 p., p. 26-27, p. 28-29 et p. 228-230.