Mettons fin à la discrimination capillaire

 «calvitie. — Toujours précoce,
est causée par des excès de jeunesse
ou la conception de grandes pensées.»
Flaubert, Dictionnaire des idées reçues

Revitaliser la littérature ? «Des contes qui décoiffent» (la Presse, 18 avril 2004, cahier Lectures, p. 8).

Revivifier l’humour ? «Un frisé qui défrise» (la Presse, 6 juillet 2012, cahier Arts, p. 8).

Foi de dégarni, cette obsession du cheveu à traiter a assez duré.

N.B. L’Oreille tendue le sait : la calvitie pourrait être enrayée. Pis ?

«Cardinal Cimol», publicité capillaireSource : Gallica

 

[Complément du 9 juin 2014]

Certains journalistes sont particulièrement portés sur le décoiffant. C’est le cas de Marie-Claude Lortie à la Presse. (Merci à @machinacrire pour le tuyau.)

L’heure du débat

Même l’été, les débats font rage. Mais comment être sûr d’avoir affaire à un débat ? Comment en reconnaître un ?

Il suffit de se poser trois questions.

1. Le débat — sauf s’il s’agit d’une revue — ne vient jamais seul. Du moins au Québec, il est généralement accompagné des mots de société ou d’idées. Exemples : «Pour un débat de société sur l’agriculture» (le Devoir, 1er décembre 2003, p. A2); «Des couvents en héritage. Un colloque international sur un débat de société» (Montréal, octobre 2009); «Le Canada doit s’offrir un débat d’idées» (la Presse, 13 septembre 2000); «Enfin un débat d’idées !» (le Devoir, 14 mars 2003). Votre débat est-il accompagné de l’indispensable formule magique ?

2. Le débat doit être vrai, sinon il ne saurait être. Le faux débat inquiète. Exemple : «Une saveur de faux débat» (le Devoir, 3 avril 2008, p. A6). Votre débat est-il vrai ?

3. Le débat, par la force des choses, ne saurait être consensuel. Mieux (ou pire) : le débat est souvent, et de plus en plus, polarisé. La polarisation, pourrait-on dire, est l’essence du débat et elle mène rapidement à une rupture du dialogue. Pourtant assis à la même table, les opposants dans un débat campent sur leur position. Or ils n’en ont généralement qu’une. Exemples : «C’est cela qui polarise le débat entre libéraux et conservateurs» (la Presse, 8 avril 2011); «Ce livre risque de vieillir très vite, mais en attendant, il suscite un débat, polarise les interventions dans les médias ce qui, au final, provoque un brassage d’idées fort utile» (la Presse, 10 février 2012). Votre débat est-il polarisé ?

Si, au sujet de la discussion qui vous intéresse, vous avez répondu oui à ces trois questions, vous êtes bel et bien devant un débat. Il s’agit donc, sans aucun doute possible, d’un vrai débat de société (d’idées) où les positions sont de plus en plus polarisées.

N.B. Merci à Cartésie pour polarisation.

Merci de votre constante collaboration

Ces jours derniers, les médias ont été bons pour l’Oreille tendue. Démonstration.

Rubrique ville urbaine. Le critique théâtral du Devoir qui recense une «tragédie urbaine» (7-8 juillet 2012, p. C7) se fait damer le pion par la critique gastronomique de la Presse. Elle a pris un lunch «urbain» sur terrasse «très urbaine». Était-ce en ville ? Oui : «On est en ville et on ne se le cache pas» (7 juillet, cahier Maison, p. 13). Cette chroniqueuse fait concurrence à l’animatrice de la radio de Radio-Canada qui, jeudi dernier, parlait d’«une bande-annonce énergique, presque urbaine». «Presque» ? «Urbaine» ? «Presque urbaine» ?

Rubrique extrême. Le Devoir de la fin de semaine compare la «prédiction politique» à un «sport extrême» (7-8 juillet 2012, p. B2) et la Presse raconte des «rénovations extrêmes» (7 juillet, cahier Maison, p. 6).

Rubrique à saveur. Peut-on décrire un «Plan de campagne à saveur minière» ? Le Devoir peut (7-8 juillet 2012, p. B1).

Rubrique jupon. Si le jupon d’Amir Kadir dépasse, on ne verrait que «poindre» celui du «procédé» chez Éric Plamondon. C’est la Presse qui le dit (7 juillet 2012, cahier Arts, p. 15).

Tant de médiatics, si peu de temps.

Le zeugme du dimanche matin et de Denis Montebello

«D’aucuns y vont pour rafraîchir leur coloration, leur frange, leurs idées en bavardant avec la coiffeuse, en écoutant ses bavardages, moi je n’ai pas besoin qu’on me lise le journal, les faits divers, je me les invente en ouvrant toujours l’œil, et grand mes oreilles» (Denis Montebello, «Le jour d’après», blogue Cotojest, 6 février 2012, cité par Philippe Didion dans la livraison du 1er juillet de ses Notules dominicales de culture domestique).

 

(Une définition du zeugme ? Par .)