Accouplements 231

Couvertures de Denis Diderot et de David Turgeon, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Diderot, Denis, Jaques le fataliste et son maître, Paris et Genève, Droz, coll. «Textes littéraires français», 230, 1976, clxiii/501 p. Édition critique par Simone Lecointre et Jean Le Galliot.

«LE MAITRE. — Je rêve à une chose, c’est si ton bienfaiteur eût été cocu parcequ’il était écrit là-haut, ou si cela était écrit là-haut parceque tu ferais cocu ton bienfaiteur ?
JAQUES. — Tous les deux étaient écrits l’un à côté de l’autre. Tout a été écrit à la fois. C’est comme un grand rouleau qui se déploie petit à petit» (p. 10).

«LE MAITRE. — Et que fait notre consentement à une loi nécessaire ?
JAQUES. — Beaucoup. Croyez-vous qu’il soit inutile de savoir une bonne fois, nettement, clairement à quoi s’en tenir ? Toutes nos querelles ne sont venues jusqu’à présent que de ce que nous ne nous étions pas encore bien dit, vous, que vous vous appelleriez mon Maitre, et que c’est moi qui serais le vôtre. Mais voilà qui est entendu, et nous n’avons plus qu’à cheminer en conséquence.
LE MAITRE. — Mais où diable as-tu appris tout cela ?
JAQUES. — Dans le grand livre. Ah ! mon Maitre, on a beau réfléchir, méditer, étudier dans tous les livres du monde, on n’est jamais qu’un petit clerc quand on n’a pas lu dans le grand livre» (p. 230).

Turgeon, David, le Roman d’Isoline, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 186, 2024, 196 p.

«peut-être pense-t-on à ce grand livre métaphorique où, là-haut, apparemment, sont consignés les péchés et les fautes de chacun·e
peut-être trouve-t-on sa fierté à n’apparaître nulle part, ou alors si peu, dans ce grand livre» (p. 72)

Accouplements 230

Couvertures de Martin Robitaille et David Turgeon, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans le roman les Déliaisons, de Martin Robitaille (Montréal, Québec Amérique, coll. «Littérature d’Amérique», 2008, 240 p.), le narrateur travaille brièvement à la revue Parallaxe.

Dans le Roman d’Isoline, de David Turgeon (Montréal, Le Quartanier, «série QR», 186, 2024, 196 p.), la narratrice travaille brièvement à la revue Paradoxe.

À quand un roman avec des titres de revues comme Parataxe, Parallèle ou Parachute ?

Accouplements 229

Collage de couvertures de livres de Peter Handke et Jean Tortel

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

En 1980, les éditions Gallimard publient, de Peter Handke, le Poids du monde. Un journal (Novembre 1975-Mars 1977), dans une traduction de Georges-Arthur Goldschmidt. Aucune des entrées ne se termine par un point final.

En 1987, les éditions André Dimanche publient, de Jean Tortel, Passés recomposés. Tous les vers se terminent par un point final.

Accouplements 228

Portrait de Rose Ouellette, 1941

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Foglia, Pierre, «La poésie, la Poune et les phoques», la Presse, 15 mai 2008, p. A5.

RUMEURS L’autre jour, dans cette chronique, je me vantais, et c’était pour me moquer de mon grand âge, je me vantais auprès de mon ami Maxime d’être brièvement sorti avec La Poune. Ce petit mot d’un lecteur (Gilbert Jean) : Pendant des années, en rentrant à Montréal par le pont Viau, on pouvait lire un graffiti sur une bâtisse de béton, peut-être bien une station de pompage, tout près des premières maisons, du côté ouest du pont, qui disait : J’ai fourré La Poune.

C’était donc vous ?

Non, monsieur. Je ne voudrais pas partir de rumeur, mais il ne m’étonnerait pas que ce soit la Poune elle-même qui soit l’auteure de ce graffiti pour… pour faire taire une autre rumeur.

Girard, Mario, «Ben oui, La Poune était lesbienne !», la Presse+, 15 février 2024.

P.-S.—La Poune était le nom de scène de Rose Ouellette.

 

Illustration : «Moulinette Moulin Légume», 2008, photo déposée sur Wikimedia Commons

Accouplements 227

Max Weinreich, «A language is a dialect with an army and navy», en anglais et en yiddish, 1945

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Essai sur le caractère et les mœurs des François comparés à ceux des Anglois, À Londres, 1776, 284 p. Paru anonymement. Texte de Jean-Jacques Rutlidge. (Orthographe modernisée.)

«Lorsque la langue d’un peuple devient plus générale que celle d’un autre, nous n’en devons pas tant chercher la cause dans son excellence, que dans les considérations politiques qui peuvent opérer cet effet. Quand une grande nation brille avec éclat et étend sa puissance par ses conquêtes et ses établissements, il est naturel que le monde en prenne connaissance, et il s’ensuit nécessairement que l’usage de sa langue s’étende à proportion de la correspondance que ses acquisitions et la multiplicité des affaires forcent d’avoir avec elle. Ainsi, la langue latine devint universelle du temps des Romains, et l’espagnol a été aussi à la mode que le français l’est aujourd’hui : mais on ne doit pas inférer de là que les nations française ou espagnole aient été en vénération chez leurs voisins, dès qu’on voit au contraire que leur politique les a fait détester. Rien que la nécessité de négocier avec elles n’a pu obliger de parler leur langue, parce que leur interposition dans toutes les affaires la rendait la plus commune : d’où l’on peut conclure que l’extension de la langue française, ce motif si souvent plaidé en sa faveur, au lieu de nous convaincre de son excellence et de la préférence qu’elle mérite, a un effet contraire et sert plutôt à nous rappeler l’ambition et l’inquiétude qui sont la vraie et injuste origine de cette vaste extension» (p. 268-269).

Weinreich, Max, Yivo [Yiddish Scientific Institute] bleter, 25, 1, 1945.

«A language is a dialect with an army and navy.» (Pour en savoir plus, voir ici ou .)

Belleau, André, «Langue et nationalisme», Liberté, 146 (25, 2), avril 1983, p. 2-9; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 88-92; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 115-123; repris, sous le titre «Langue et nationalisme», dans Francis Gingras (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Espace littéraire», 2014 (troisième édition), p. 425-429; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 113-121. https://id.erudit.org/iderudit/30467ac

«Une langue, c’est un dialecte qui s’est doté un jour d’une armée, d’une flotte et d’un commerce extérieur…» (éd. de 1986, p. 118)

Plamondon, Éric, Oyana, Meudon, Quidam éditeur, 2019, 145 p.

«Je n’ai jamais oublié cette phrase qu’il m’avait dite : une langue, c’est un patois qui a gagné la guerre» (p. 45).

 

P.-S.—Les citations de Belleau et de Plamondon vous disent quelque chose ? C’est normal.