La visite du cousin

Il est français. Il débarque à Montréal et il tend l’oreille. Cela donne un «rap-musette», intitulé «Mots dits français» et tiré de l’album Maudits Français (2009) du groupe Java.

Le texte de la chanson repose sur le quiproquo linguistique, jusque dans son titre, les «Mots dits français» — ces mots qui ne seraient donc pas des mots français — étant interprétés laborieusement par un «Maudit Français». Le voyageur trouve son repas — poutine, burgers et «guedilles Michigan» — «écœurant» et son cicérone autochtone aussi : pour le premier, cela veut dire «dégoûtant»; pour le second, «trippant». Une fille rencontrée dans un bar utilise le verbe «capoter» («Tu capotes ?» / «Ça va ?»); il sort un préservatif. L’un «jase» quand l’autre «cause». Au risque de raconter une histoire sans queue ni tête, le groupe aime multiplier les confusions sur le sens des mots : «gelé» («drogué»), «char» («voiture»), «dépanneur» (alimentaire, pas mécanique), «dalle» («avoir la dalle» et «dalle de ciment»). Les anglicismes abondent : «cruiser» («draguer»), «smoke» («cigarette»), «joke» («blague»). Il y a évidemment le mot «quétaine», qui reste pourtant inexpliqué.

L’auditeur québécois va de découvertes étonnantes en découvertes étonnantes. Il apprend qu’on «fait un break» (au lieu de prendre un break), que «bébelle» serait masculin, que «chum» (tchomme) se prononcerait «atchoum» et que l’on pourrait confondre un «waiter» («ouéteur» / «serveur») avec les «waters» («ouatères») ou une «smoke» avec un «smoking».

Comme il se doit, le chanteur du groupe, de sa plus belle voix nasillarde, essaie d’imiter l’accent d’un des personnages. De même, il pense aussi être en mesure de sacrer. Non : on ne dit pas «tabernacle», mais tabarnak. Il y a même «des ours blancs et des orignaux» — à Montréal.

Ce ramassis de lieux communs et de moqueries se termine sur la voix de Richard Desjardins : «Quand j’aime une fois j’aime pour toujours.» Le chanteur de Java vient alors de faire l’éloge de ce pays de «résistants / Qui pratiquent avec finesse le langagement» et de lui déclarer sa flamme : «j’ai trippé comme un dingue […] La Belle Province j’suis en amour.»

La Belle Province n’en demandait pas tant.

De Jean Béliveau

Sous le titre «Le “Gros Bill” a 80 ans» (p. A7), le Devoir de ce matin publie un texte de l’Oreille tendue sur un joueur de hockey qui est aussi une icône culturelle, Jean Béliveau. Le texte est disponible ici.

Comme dans le cas de son texte sur Guy Lafleur, un complément filmo-vidéo-icono-musico-bibliographique, même partiel, s’impose bien évidemment. Les non-fans peuvent passer leur chemin.

Filmo (par ordre chronologique)

Here’s Hockey ! de Leslie McFarlane, Office national du film du Canada, 1953

Le Sport et les hommes d’Hubert Aquin et Roland Barthes, Office national du film du Canada, 1961

Un jeu si simple de Gilles Groulx, Office national du film du Canada, 1963

Vidéo

On trouve sur YouTube «Bleu, blanc, rouge» (1981) de Michel Como, avec la participation de Tierry Dubé-Bédard et Éric Dubrofsky.

Icono

Les tableaux de Benoît Desfossés et de Bernard Racicot sont visibles sur les sites Web de ces artistes.

Les œuvres de Serge Lemoyne sont reproduites dans plusieurs ouvrages, par exemple le catalogue d’exposition rédigé par Marcel Saint-Pierre, Serge Lemoyne, préface d’Andrée Laliberté-Bourque, prologue de Normand Thériault, Québec, Musée du Québec, 1988, 236 p. Ill.

Musico (par ordre chronologique)

La famille Soucy, «Le club de hockey Canadien», 1954

Oscar Thiffault et Marcel Martel, «Boom Boom», 1955

Denise Émond, «La chanson des étoiles du hockey», 1956

Oscar Thiffault, «Ils sont en or», 1957

Oswald, «Les sports», 1960

Les Jérolas, «La chanson du hockey», 1960

Les Jérolas, «La Tarantella al Canada», 1961

Les Jérolas, «Le sport», 1967

Robert Charlebois, «Demain l’hiver», 1967

Marthe Fleurant, «D’l’a gomme baloune», 1968

Georges Langford, «La coupe Stanley», 1973

Michel Como, avec la participation de Tierry Dubé-Bédard et Éric Dubrofsky, «Bleu, blanc, rouge», 1981. La version anglaise s’intitule «Red, White, Blue».

Jane Siberry, «Hockey», 1989

André Brazeau, «Ti-Guy», 2002

Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum», 2008

Loco Locass, «Le but», 2009

Biblio

Barbeau, Jean, Ben-Ur, Montréal, Leméac, coll. «Répertoire québécois», no 11-12, 1971, 108 p. Ill. Présentation d’Albert Millaire.

Béliveau, Jean, Chrystian Goyens et Allan Turowetz, Ma vie bleu-blanc-rouge, Montréal, Hurtubise HMH, 2005, 355 p. Ill. Préface de Dickie Moore. Avant-propos d’Allan Turowetz. Traduction et adaptation de Christian Tremblay. Édition originale : 1994.

Bujold, Michel-Wilbrod, les Hockeyeurs assassinés. Essai sur l’histoire du hockey 1870-2002, Montréal, Guérin, 1997, vi/150 p. Ill.

Gravel, François, le Match des étoiles, Montréal, Québec/Amérique jeunesse, coll. «Gulliver», no 66, 1996, 93 p. Préface de Maurice Richard.

Hood, Hugh, Puissance au centre : Jean Béliveau, Scarborough, Prentice-Hall of Canada, 1970, 192 p. Ill. Traduction de Louis Rémillard.

Ménard, Sylvain, «Grand comme Jean Béliveau», dans Marc Robitaille (édit.), Une enfance bleu-blanc-rouge, Montréal, Les 400 coups, 2000, p. 138-145.

Poulin, Jacques, le Cœur de la baleine bleue. Roman, Montréal, Éditions du jour, coll. «Les romanciers du jour», no 66, 1970, 200 p.

Pozier, Bernard, «Génétique 1», dans Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p., p. 30. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Richler, Mordecai, «The Fall of the Montreal Canadiens», dans Home Sweet Home. My Canadian Album, New York, Alfred A. Knopf, 1984, p. 182-209. Repris dans Dispatches from the Sporting Life, Foreword by Noah Richler, Toronto, Vintage Canada, 2003, p. 241-274. Édition originale : 2002.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey. Récit, Montréal, VLB éditeur, 1987, 142 p. Ill. Nouvelle édition : Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

Salutin, Rick, avec la collaboration de Ken Dryden, Les Canadiens, Vancouver, Talonbooks, 1977, 186 p. Ill. «Preface» de Ken Dryden.

Simard, André, la Soirée du fockey, dans la Soirée du fockey. Le temps d’une pêche. Le vieil homme et la mort, Montréal, Leméac, coll. «Répertoire québécois», 40, 1974, 92 p. Préface de Normand Chouinard.

 

[Complément du 23 septembre 2011]

Le plus récent album de Marc Déry s’intitule Numéro 4 (Audiogramme, 2011). On y trouve une chanson du même nom, où il est question de Jean Béliveau (et de Bobby Hull).

 

[Complément du 30 août 2013]

Trois ajouts à la bibliographie :

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

Ménard, L. Jacques, avec Denis et Michèle Beauregard, Réussir. Aller au bout de ses rêves, Montréal, VLB éditeur, 2011, 288 p.

«Poète et amateur de hockey. Une interview de Gérald Godin avec Roland Giguère», le Maclean, 6, 12, décembre 1966, p. 65-66.

 

[Complément du 30 juin 2016]

Jean Béliveau a désormais sa rue à Longueuil.

Rue Jean-Béliveau, Longueuil, juin 2016

Hausse de la valeur du mélange

Prenez le Devoir du 29 juillet 2011 à la page B5.

Lisez la légende de la photo du haut : «The Barr Brothers offre une musique métissée plutôt personnelle, avec une base de chanson folk.»

Lisez la légende de la photo du bas : «Les compositions d’Akido témoignent d’un présent métissé auquel s’abreuve avec intelligence ce créateur originaire de Québec.»

Investissez dans le métissé : son cours est à la hausse.

Autopromotion 009

Le prochain livre de l’Oreille tendue paraîtra en septembre chez Del Busso éditeur. En avant-première, trois choses.

La couverture

Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture

La table des matières

Écrire au pape [PDF]

Attendre, attendre, attendre

Bouteilles à la mer (première version ici, HTML)

Du pigeon voyageur

Tintin (non-)épistolier

Cher Père Noël (HTML)

Dites-le avec des timbres-poste (PDF)

L’odeur de la lettre

Des chiffres et des lettres

Sportifs épistolaires

La lettre chantée

L’économie de la confiance

L’art du pourriel (première version ici, HTML)

L’enchaînement épistolaire

Crimes épistolaires

Lettres d’outre-tombe (PDF)

Postface. L’imaginaire épistolaire

La quatrième de couverture

Vous recevez des lettres ? Le pape, Tintin et le Père Noël aussi. On vous inonde de pourriels et de chaînes de lettres ? Mademoiselle Nitouche ne vous sera malheureusement d’aucun secours; sa spécialité, c’est le langage des timbres-poste. Vous préférez utiliser le pigeon voyageur ou la bouteille à la mer, voire la lettre chantée ? Vous ne seriez pas le premier. Attendre une lettre pendant des décennies, vous enivrer de son parfum ou payer une fortune pour une missive ne vous semble pas relever du délire ? Les lettres de recommandation vous paraissent dignes d’intérêt ? Vous aimeriez mieux connaître la correspondance des sportifs et celle des tueurs en série ? Vous n’avez pas peur de recevoir des nouvelles d’outre-tombe ? Les curiosités épistolaires ici rassemblées sont pour vous.

 

[Complément du 22 septembre 2011]

ISBN : 978-2-923792-08-8

En librairie le 7 octobre 2011

19,95 $

Entendre un extrait ici.

Lire un extrait .

 

[Complément du 20 octobre 2011]

Le livre est aussi disponible en format numérique chez Numerik:)ivres.

 

[Complément du 17 janvier 2024]

Le livre, au format PDF, est désormais disponible en libre accès ici.

 

[Dans les médias]

«Un magnifique petit bouquin qui ravira les amateurs de bizarreries et d’inventivités» (Christian Vachon, site de la Librairie Pantoute, 21 octobre 2011).

«C’est un livre de fine fleur élégante où vous serez nettement plus intelligent en fin de lecture qu’à l’arrivée» (Culturehebdo.com, octobre 2011).

«L’essayiste divertit pour faire réfléchir» (Michel Lapierre, le Devoir, 12 novembre 2011, p. H4).

«a lu Écrire au pape et au Père Noël http://bit.ly/u7y1ZS par @benoitmelancon | en veut encore et espère d’autres cabinets de curiosités !» (bibliomancienne, sur Twitter, 20 novembre 2011).

«À l’ère de la communication instantanée, ces “curiosités” semblent porter un cachet nouveau. Êtes-vous allé à la malle, hier ?» (Daniel Lemay, la Presse en ligne, 21 novembre 2011).

«Dans tous ces domaines, on le suit avec plaisir […]» (Philippe Didion, Notules dominicales de culture domestique, 27 novembre 2011).

«Agréable lecture qui donne le goût de se remettre à la lettre» (AmelieGaudreau, sur Twitter, 28 novembre 2011).

«Tout en étant un livre grand public – sans notes de bas de page, imaginez ! –, Écrire au pape et au Père Noël contient une réflexion originale sur cette forme de communication. […] En tout cas, son “cabinet de curiosités épistolaires” regorge de trésors qu’il a patiemment déterrés pour nous en consultant autant Hergé que Diderot» (Mathieu-Robert Sauvé, Forum, Université de Montréal, 28 novembre 2011).

«Le résultat est une célébration de l’intelligence et de l’érudition, des bonheurs d’écriture, des histoires surprenantes qui raviront les amateurs de bizarreries et d’inventivité» (Christian Vachon, le Libraire, hors série, décembre 2011, p. 30).

«Je me suis délectée à la lecture de votre ouvrage comme un enfant qui découvre les surprises et les friandises cachées dans son bas le jour de Noël» (Marie D. Martel, blogue Bibliomancienne, 23 décembre 2011).

«Un des chapitres les plus étoffés porte sur les procédés de communication dans les albums Tintin. En tintinologue averti, Melançon recense les divers albums où il est question de lettres, de télégrammes ou de billets, tout en soulignant qu’on ne trouve nulle part trace de carte postale, ce qui est une absence pour le moins curieuse chez un artiste visuel. […] D’autres textes portent sur la place de la lettre dans la chanson, sur le pourriel, les chaînes de lettres, les lettres d’outre-tombe, etc. L’ouvrage est entrelardé de citations judicieusement choisies et se termine par quelques pages sur l’imaginaire épistolaire» (Christian Vandendorpe, @nalyses. Revue de critique et de théorie littéraire, 2012).

«Rédigé avec un mélange bien équilibré d’érudition et d’éclectisme, ce Cabinet de curiosités, fidèle à son nom, offre aux lecteurs un panorama des formes multiples et hétéroclites sous lesquelles se présentent les correspondances» (Ben Huberman, Canadian Literature, 19 juin 2012).

«Benoît Melançon entremêle les références érudites, ordinaires et populaires dans un style qui nous entraîne, tambour battant, de découvertes en redécouvertes, et de surprises en surprises» (Sonia Anton, Épistolaire, 38, 2012, p. 277).

 

Référence

Melançon, Benoît, Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, 165 p.

Écho voltairien

«The Wheel», série Mad Men, première saison, treizième épisode, illustration

L’Oreille tendue, quelques années après tout le monde, s’est mise à la série télévisée Mad Men. Elle y repère, comme tout le monde, des allusions littéraires.

Elle avait noté, dans le sixième épisode de la première saison, une allusion à Marshall McLuhan, dans la bouche de Joan Halloway : «The medium is the message», disait la curviligne secrétaire à une collègue, Peggy Olson. Par là, les créateurs de la série pensaient faire réaliste. (C’est un anachronisme, mais ne chipotons pas.) C’est également dans «Babylon» qu’on voit le personnage principal, Don Draper, lire Exodus de Leon Uris. Son patron, l’excentrique Bert Cooper, ne jure que par Atlas Shrugged d’Ayn Rand.

Dans le dernier épisode de cette première série, le treizième, «The Wheel», il y a mieux, du moins pour qui apprécie le XVIIIe siècle français. La scène réunit le jeune publicitaire Pete Campbell, qui ne parle pas, sa femme Trudy et les parents de celle-ci, Tom et Jeannie Vogel.

Tom. — I was just saying that work isn’t everything, you know. It’s like that song says : Um, tend your own garden.

Trudy. — What song is that, Daddy ?

Tom. — Uh, I don’t know. People say it. It’s true.

Jeannie. — It is true.

Tom. — Yeah. Tend to your own garden. That means… you know, start growing things.

Trudy. — Daddy ! You’re embarrassing us…

Tom, en parlant de Jeannie. — Well it’ll be the best Christmas present this one ever had.

Une chanson contiendrait donc les mots «Tend your own garden» ? L’Oreille tendue ne sait pas si cette chanson existe, mais une chose est sûre : ces mots évoquent pour plusieurs le «il faut cultiver notre jardin» du XXXe chapitre de Candide.

Voilà Voltaire à la télé américaine, à côté de McLuhan, Uris et Ayn Rand, comme adjuvant conjugal (en contexte, «start growing things» a une forte dimension générative). On pourrait être étonné à moins.

 

[Complément du 27 septembre 2013]

Ce texte a été repris en revue : Melançon, Benoît, «Enquête sur la réception de Candide (X). Coordonnée par André Magnan», Cahiers Voltaire, 11, 2012, p. 215-216.

 

[Complément du 11 juin 2020]

L’Oreille a repris ce texte, sous le titre «Mad Men et Candide», dans le livre qu’elle a fait paraître au début de 2020, Nos Lumières.

 

Référence

Melançon, Benoît, «Enquête sur la réception de Candide (X). Coordonnée par André Magnan», Cahiers Voltaire, 11, 2012, p. 215-216; repris, sous le titre «Mad Men et Candide», dans Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, p. 80-81.