La clinique des phrases (nnn)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Le Fonds de solidarité FTQ se félicite de son rendement. Son Président et chef de la direction écrit à ses actionnaires, anaphore à l’appui.

On veut saluer le courage des entrepreneurs et des dirigeants d’entreprise qui s’adaptent et même grandissent dans l’adversité. On veut remercier nos épargnants qui conservent leurs bonnes habitudes d’épargne-retraite pour soutenir la relance des entreprises d’ici. On veut souligner le travail exceptionnel de nos responsables locaux et de nos employés qui ont à cœur de vous accompagner.

On croit que la solidarité est plus nécessaire que jamais pour relever les défis qui attendent le Québec, et on est fiers de dire, que tous ensemble, on s’investit pour une meilleure société.

«On», répété six fois ? Non, répété six fois. Le «je» ou le «nous» feraient parfaitement l’affaire.

Je veux / Nous voulons saluer le courage des entrepreneurs et des dirigeants d’entreprise qui s’adaptent et même grandissent dans l’adversité. Je veux / Nous voulons remercier nos épargnants qui conservent leurs bonnes habitudes d’épargne-retraite pour soutenir la relance des entreprises d’ici. Je veux / Nous voulons souligner le travail exceptionnel de nos responsables locaux et de nos employés qui ont à cœur de vous accompagner.

Je crois / Nous croyons que la solidarité est plus nécessaire que jamais pour relever les défis qui attendent le Québec, et je suis / nous sommes fiers de dire, que tous ensemble, nous nous investissons pour une meilleure société.

Il est vrai que ce n’est pas la première fois que le pronom indéfini on est utilisé étrangement au Québec. Cela n’excuse rien.

La clinique des phrases (mmm)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

J’ai choisi de parler de ce restaurant dans notre section sur la cuisine du temps des Fêtes, car on sert ici de la cuisine qui pourrait devenir la source de nouvelles traditions de Noël, ancrées à la fois dans notre terroir et notre mémoire gustative et la réalité moderne qui font une belle place aux plantes.

La fin en est bien confuse, n’est-ce pas ?

Essayons d’y voir plus clair, en commençant par l’ajout d’une virgule et d’une préposition :

J’ai choisi de parler de ce restaurant dans notre section sur la cuisine du temps des Fêtes, car on sert ici de la cuisine qui pourrait devenir la source de nouvelles traditions de Noël, ancrées à la fois dans notre terroir et notre mémoire gustative, et dans la réalité moderne qui font une belle place aux plantes.

Ça va déjà un peu moins mal, mais on devrait pouvoir faire mieux, la fin de la phrase tournant toujours en eau de boudin.

J’ai choisi de parler de ce restaurant dans notre section sur la cuisine du temps des Fêtes, car on sert ici de la cuisine qui pourrait devenir la source de nouvelles traditions de Noël, ancrées à la fois dans notre terroir et notre mémoire gustative, et dans la réalité moderne, traditions qui feraient une belle place aux plantes.

À défaut d’être élégant, c’est, espérons-le, un peu plus compréhensible.

À votre service.

P.-S.—Oui, c’est de la langue de margarine.

La clinique des phrases (lll)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit cette courte biographie, tirée d’un quotidien montréalais :

«Doctorante en travail social à l’Université McGill, sa recherche porte sur le rôle des proches aidants en santé mentale.»

C’est ce qui s’appelle souffrir des articulations : une «recherche» ne peut pas être «doctorante».

Il existe pourtant une façon simple de régler ce problème d’apposition :

«Doctorante en travail social à l’Université McGill. Sa recherche porte sur le rôle des proches aidants en santé mentale.»

À votre service.

La clinique des phrases (kkk)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Prenons, au hasard, le compte Twitter d’un grand diffuseur radiophonique national. Retenons dix tweets.

Pourrez-vous repérer ce qui cloche dans chacun d’entre eux ? (Réponse demain dans les commentaires.)

«L’association négaWatt travaille a élaboré un scénario de transition énergétique pour la France.»

«Femme de tête et de cœur, le public n’a jamais cessé de l’aimer.»

«Chefs militaires, hommes d’État, mais aussi écrivains, ces deux grandes figures du XXe siècle ont laissé derrière elles des mémoires de guerre éclairantes.»

«La question est posée mais même si digitalisation pousse vers les nouveaux moyens de paiement […].»

«La jeune norvégienne a complètement transformé sa pratique, autrefois mondaine et en jupe longue, pour en faire une véritable discipline artistique !»

«Il a mis sur les rails la bande-dessinée française.»

«Le 1er février, l’Abbé Pierre lance un appel vibrant sur les ondes de Radio-Luxembourg […].»

«Édouard Philippe, couteau Suisse de la Macronie ?»

«Dans “Bouvelards de la mort”, le dialogue y est étiré jusqu’à ce que la brutalité et l’incongruité d’une action puisse soudain exploser à la face du spectateur.»

«Longtemps relégué au second plan, voire même diabolisé, il faudra attendre 2017 pour qu’un manuel scolaire propose un schéma scientifiquement exact du clitoris.»

La clinique des phrases (jjj)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Vous ouvrez un roman québécois récent et l’envie vous prend de poser quelques questions à vos fidèles bénéficiaires. Allons-y.

P. 36 : «cheveux bruns cirés, rasé de près, chemise aux manches roulées, cravate savamment dénouée, montre dispendieuse». P. 144 : «tout en mangeant des hot-dogs criminellement peu dispendieux». P. 229 : «puis esquisse une petite danse de la victoire qui fait tinter sa breloque dispendieuse avant de retourner à sa place».

Dans ces trois phrases, quel québécisme aurait-il peut-être mieux valu ne pas utiliser ?

P. 39 : «Confronté à sa soif de sens, Internet ne parvient pas à le satisfaire.»

Comment «Internet», mis en apposition, pourrait-il être «confronté» à la «soif de sens» du personnage principal du roman («le satisfaire») ?

P. 50 : «Cependant, Claude est à des lieux de ces préoccupations de rendement humain […].»

Ces «lieux» sont-ils bien des «lieux» ?

P. 54 : «Dans un coin du paquet, à peine entamée, la petite butte de wasabi brunit doucement, en voie devenir pierre tout à fait.»

Quel est le mot manquant dans cette phrase ?

P. 58 : «Aude, j’ai quelque chose à te demander, demande Claude […].»

Cette répétition est-elle bien nécessaire ?

P. 166 : «l’appel que Claude a logé à La Presse canadienne demeure sans réponse».

Peut-on vraiment loger un appel ?

P. 191 : «La politesse canadienne intime l’étranger à ne pas rudoyer son interlocuteur en consultant l’objet qu’il lui tend.»

N’attendrait-on pas «intime à l’étranger de ne pas» ?

P. 193 : «un compte-rendu sportif». P. 266 : «des comptes-rendus sportifs»; «mon compte-rendu».

Pourquoi diantre ces traits d’union ?

P. 203 : «il avait dosé l’information et alludé les liens».

«Alludé» comme, en anglais, to allude ?

P. 216 : «payeur de taxe diligent».

S’agirait-il d’un contribuable ? Par ailleurs, est-il «payeur» d’une seule «taxe» ?

P. 226 : «L’inquisition du criminel le désarçonne. À moins que ce soit son étrangle franglais bilingue.»

Certaines personnes, dont l’Oreille tendue, s’interrogent sur l’existence même de cette chose qui s’appellerait le franglais. En revanche, tout le monde semble s’entendre sur le fait qu’il s’agirait d’un mélange d’anglais et de français. Comment, dès lors, le «franglais» pourrait-il ne pas être «bilingue» ?

P. 263 : «lui répond l’homme dans un français impeccable, mais qu’une oreille exercée y dénoterait pourtant une ombre anglophone».

L’Oreille, toute bienveillante qu’elle souhaite être, ne comprend guère la syntaxe de cette phrase. Remettons-la d’aplomb : «mais où / dans lequel une oreille exercée dénoterait pourtant».

À votre service.

P.-S.—L’incohérence pronominale de la p. 167 serait trop longue à expliquer. Passons notre chemin.