«Exposés sur ce silence qui n’en absorbait rien, les bruits les plus éloignés, ceux qui devaient venir de jardins situés à l’autre bout de la ville, se percevaient détaillés avec un tel “fini” qu’ils semblaient ne devoir cet effet de lointain qu’à leur pianissimo, comme ces motifs en sourdine si bien exécutés par l’orchestre du Conservatoire que, quoiqu’on n’en perde pas une note, on croit les entendre cependant loin de la salle du concert, et que tous les vieux abonnés — les sœurs de ma grand’mère aussi quand Swann leur avait donné ses places — tendaient l’oreille comme s’ils avaient écouté les progrès lointains d’une armée en marche qui n’aurait pas encore tourné la rue de Trévise.»
Marcel Proust, Du côté de chez Swann, édition de Pierre Clarac et André Ferré, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 821, 1976, 504 p., p. 46.