L’oreille tendue de… Benjamin Hoffmann

Benjamin Hoffmann, «Évaporée», 2023, titre

«Sans me regarder ni répondre à mes questions, elle s’est installée aussitôt au comptoir, elle a commandé deux whiskys à une serveuse vêtue d’un T-Shirt Nirvana alors que dans les haut-parleurs de la petite salle bondée, c’étaient les Pixies qui passaient un peu trop fort, et Namiko a dû forcer sa voix pour se faire entendre au téléphone qu’elle a sorti de sa poche, parlant en japonais avec un débit continu et, m’a-t-il semblé, un ton plaintif, presque implorant, tandis que la jeune femme apportait nos verres avec une expression trop absente pour ne pas révéler qu’elle tendait l’oreille à ce que disait Namiko et qu’incapable de rien comprendre à son propos, à ce qui se passait, je m’accrochais à la seule parole qu’il m’était possible d’identifier dans le flot continu de son discours où elle revenait régulièrement, une parole qu’elle a fini par répéter une dernière fois comme si elle était le point culminant de ce qui ressemblait fort à une plaidoirie : nikagetsu, “deux mois”.»

Benjamin Hoffmann, «Évaporée», article électronique, AOC, 7 mai 2023.

L’oreille tendue de… Simenon

Georges Simenon, Liberty Bar, couverture

«Ils tendirent l’oreille en même temps, parce qu’ils venaient de remarquer le silence qui les entourait. Quelque chose manquait à l’ambiance et ce quelque chose était le gémissement de Jaja.»

Georges Simenon, Liberty Bar, dans les Essentiels de Maigret, présentation de Benoît Denis, Paris, Omnibus, coll. «Tout Simenon», 2011, p. 201-294, p. 283. Édition originale : 1932.

L’oreille tendue de… Simenon

Georges Simenon, Maigret se trompe, couverture

«Les deux hommes avaient laissé la porte entrouverte et Maigret tendait l’oreille au bruit de l’ascenseur. La seule fois que celui-ci avait fonctionné, il s’était arrêté au second étage.»

Georges Simenon, Maigret se trompe, dans les Essentiels de Maigret, présentation de Benoît Denis, Paris, Omnibus, coll. «Tout Simenon», 2011, p. 619-732, p. 650. Édition originale : 1953.

L’oreille tendue de… Pierre Morency

Pierre Morency, l’Œil américain, 1989, couverture

«Les promeneurs qui nous frôlaient devaient bien se demander ce qui nous tenait ainsi dans l’extase, mais personne ne s’est arrêté, personne n’a tendu l’oreille vers cette plénitude qui montait en musique du fond d’un petit jardin clôturé. Personne non plus n’a levé la tête vers le ciel où criaient, bien en vue, deux engoulevents en chasse.»

Pierre Morency, l’Œil américain. Histoires naturelles du Nouveau Monde, Montréal, Boréal, 1989, 360 p. Édition numérique.