L’oreille tendue de… Simenon

Tasse reproduisant la couverture du roman Chez Krull de Georges Simenon

«Comment Maria Krull avait-elle senti que ces pas-là n’étaient pas d’honnêtes pas de clients mais qu’ils apportaient une menace ? Il avait suffi de quelques heurts de sabots sur le sol et déjà elle abandonnait un drame pour un autre auquel elle tendait l’oreille. Son regard devenait plus aigu, elle oubliait Hans, elle courait, en esprit, vers la boutique et le corps suivait l’esprit. Hans ne devait jamais oublier cette image d’elle, aussi lourde, aussi définitive que les portraits d’album : elle avait atteint la cuisine et elle se tenait debout contre un des battants de la porte vitrée. Cette porte était tendue d’un fin rideau et la lumière auréolait les cheveux gris cependant que le visage, à contre-jour, était plus modelé et plus ferme.»

Simenon, Chez Krull, dans Tout Simenon 21, Montréal et Paris, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 877-1010, p. 964. Édition originale : 1939.

L’oreille tendue de… Alain Mabanckou

Image tirée de Refrancisons-nous, 1951 (deuxième édition), p. 97

«Le déclin de la langue française est une obsession inventée par ceux qui pratiquent la politique de la citadelle assiégée — une citadelle dans laquelle je ne me trouve pas car j’ai appris à tendre l’oreille du côté de la rumeur du monde.»

Alain Mabanckou, mai 2023

 

Illustration : J.-F., F. [Frère Jean-Ferdinand], Refrancisons-nous, s.l. [Montmorency, Québec ?], s.é., coll. «Nous», 1951 (deuxième édition), 143 p., p. 97.

L’oreille tendue de… Simenon

Georges Simenon, Félicie est là, éd. de 2011, couverture

«Elle tend l’oreille. Qu’est-ce que c’est ? Il y a quelqu’un dans la cuisine. Elle reconnaît le bruit familier du moulin à café. Elle rêve. Il n’est pas possible que quelqu’un soit occupé à moudre du café.»

Georges Simenon, Félicie est là, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 563-646, p. 641. Édition originale : 1944.

L’oreille tendue de… David Lopez

David Lopez, Fief, éd. de 2018, couverture

«Untel, lui, il aime bien entendre les moteurs, parce que souvent il arrive à dire quel genre de modèle c’est. Il a traîné avec les mecs à scooter quand il grattait les plans de Lahuiss. Il en a appris un rayon sur la mécanique. Sucré, Ixe et moi, et puis Lahuiss aussi, ce n’était pas notre délire. On en a surtout retenu une notion de carbu de douze. Pour se foutre de leur gueule, Sucré, quand il entendait un scooter passer, il faisait chut les gars, il tendait l’oreille et l’index, et il disait un truc du genre Kawasaki de couleur verte.»

David Lopez, Fief. Roman, Paris, Seuil, coll. «Points», P4874, 2019, 236 p., p. 77-78. Édition originale : 2017.