Accouplements 98

Anne-Renée Caillé, l’Embaumeur, 2017, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Denis Diderot à Sophie Volland, lettre du 15 octobre 1759 éditée par Jacques Chouillet dans Denis Diderot – Sophie Volland. Un dialogue à une voix, Paris, Librairie Honoré Champion, coll. «Unichamp», 14, 1986, 173 p., p. 169-173.

«Ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous qu’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent. Que sais-je ? peut-être n’ont-elles pas perdu tout sentiment, toute mémoire de leur premier état» (p. 171).

Caillé, Anne-Renée, l’Embaumeur, Montréal, Héliotrope, «série K», 2017, 102 p.

«Deux corps brûlés en même temps, cela est arrivé, malgré ce qu’on dit, leurs cendres mélangées et mises dans une seule urne» (p. 69).

P.-S.—L’Embaumeur ? Par ici.

 

[Complément du 10 janvier 2019]

Le 17 juillet 1676, Mme de Sévigné, dans une lettre à sa fille, Mme de Grignan, aborde la circulation des cendres d’un point de vue un brin différent :

Enfin c’en est fait, la Brinvilliers est en l’air : son pauvre petit corps a été jeté, après l’exécution, dans un fort grand feu, et ses cendres au vent; de sorte que nous la respirerons, et que, par la communication des petits esprits, il nous prendra quelque humeur empoisonnante, dont nous serons tous étonnés (éd. Duchêne, vol. II, p. 342-343).

 

Référence

Sévigné, Mme de, Correspondance, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 3 vol., 1972-1978. Texte établi, présenté et annoté par Roger Duchêne.

Autopromotion 319

Frontispice de l’Encyclopédie, 1772

Qu’est-ce que les Lumières ? L’Oreille tendue, entre 14 h et 15 h, en une douzaine de minutes, essaiera de répondre à la question. Ce sera à l’émission de radio Plus on est de fous, plus on lit !, au micro de Marie-Louise Arsenault.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

L’Oreille tendue a évoqué les textes suivants :

Diderot et D’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers;

Marivaux, le Jeu de l’amour et du hasard;

Marivaux, la Fausse Suivante;

Rousseau, les Rêveries du promeneur solitaire;

Rousseau, les Confessions;

Rousseau, Rousseau juge de Jean-Jacques;

Diderot, Jacques le fataliste;

Sade, les Infortunes de la vertu;

Laclos, les Liaisons dangereuses.

P.-S.—L’Oreille a dit du mal de Sade. Pourquoi ? Lisez Larry Bongie.

 

Illustration : Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1751-1772, 17 volumes de textes, 11 volumes de planches, frontispice, dessin de Cochin, gravure de Prévost, 1772.

Dans tous les sens

Au XVIIIe siècle, quelqu’un dont on ignore l’identité a composé un ensemble manuscrit de six volumes sous le titre Annecdotes littéraires. Ce curieux objet se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales de l’Université de Montréal. (L’Oreille tendue a étudié ce recueil dans un article paru en 2003.)

Dans le quatrième volume (p. 707), on peut voir une «Épigramme à double sens» : si on lit cette épigramme en deux colonnes de haut en bas, elle prend le parti des catholiques; de gauche à droite, des protestants.

«Épigramme à double sens», 1760

C’est évidemment à elle que L’Oreille a pensé en voyant la photo suivante sur Twitter.

Message à double sens, Twitter, 24 août 2017

Vous choisissez : «You don’t matter. Give up» (Tu ne comptes pas. Laisse tomber.); «You matter. Don’t give up» (Tu comptes. N’abandonne pas.).

 

Références

Anonyme, Annecdotes littéraires, manuscrit, 1760, 6 vol.

Melançon, Benoît, «Les Annecdotes littéraires : lecteurs anonymes, de 1760 à aujourd’hui», dans Jean M. Goulemot (édit.), Lecture, livres et lecteurs du XVIIIe siècle, Tours, Université de Tours, U.F.R. de Lettres, coll. «Cahiers d’histoire culturelle», 12, 2003, p. 19-40. Ill. https://doi.org/1866/14091

Jour d’éclipse

Encyclopédie, 1751-1772, «Astronomie», planche III

Citation de circonstance :

En octobre 1994, ta maîtresse d’école a fait grand cas de l’éclipse solaire totale qui allait avoir lieu le 3 novembre, un phénomène qu’on ne peut observer que de rares fois dans une vie, et elle en a profité pour joindre l’enseignement des arts plastiques à celui des sciences naturelles en vous apprenant à fabriquer une boîte à soleil pour observer l’éclipse sans endommager votre macula, cette zone ultrasensible située au fond de l’œil, et tu as été si effrayée par les histoires d’aveuglements qu’elle ne cessait de vous raconter durant vos bricolages que tu n’as pas osé utiliser ton instrument, qui attend dans ton garde-robe que tu le sortes, le 21 août 2017, pour enfin voir le soleil disparaître.

Simon Brousseau, Synapses. Fictions, Montréal, Le Cheval d’août, 2016, 107 p., p. 79.

Illustration : Encyclopédie, 1751-1772, «Astronomie», planche III. Les éléments numérotés 34 à 38 ont rapport «aux éclipses de soleil & de lune».