Autopromotion 022

Demain, le 27 janvier, de 9 h 30 à 16 h, Bertrand Gervais et Simon Brousseau organisent à l’Université du Québec à Montréal une journée d’étude intitulée «Le blogue littéraire : nouvel atelier de l’écrivain».

À 11 h, une table ronde abordera «La place du blogue dans la recherche académique». L’Oreille tendue y sera. Elle reprendra peut-être quelques-unes des choses dites en mars dernier (mais pas seulement).

Le programme de la journée est ici.

Pour suivre les activités sur Twitter : #OICBLOGUE.

 

[Complément du jour]

Pour suivre les activités en temps réel (audio) : le livestream.

Érudition religieuse, ou pas

Nuage de jurons, Francis Desharnais et Pierre Bouchard, Motel Galactic. 2. Le folklore contre-attaque, 2012, case

Dans la Presse du 21 janvier, le chroniqueur sportif François Gagnon consacre un article aux effets des nouvelles technologies sur son métier. Il y fait notamment remarquer que ses lecteurs exigent maintenant d’être informés en temps réel. Sa réaction ? «Simonac ! Il y a cinq ans à peine, ces réponses étaient offertes dans la Presse du lendemain matin» (cahier Sports, p. 2).

Simonac, donc. Il s’agit d’un de ces sacres d’inspiration religieuse dont le Québec est si friand. Pour Léandre Bergeron, en 1981, qui retient la graphie simonaque, ce serait toutefois un juron «inoffensif» (p. 151).

Simonac / simonaque pose un intéressant problème d’exégèse sacrée.

D’une part, il semble témoigner d’une solide érudition ecclésiastique. Selon toute vraisemblance, il viendrait de l’adjectif simoniaque : «Coupable ou entaché de simonie», explique le Petit Robert, la simonie étant la «Volonté réfléchie d’acheter ou de vendre à prix temporel une chose spirituelle (ou assimilable à une chose spirituelle)» (édition numérique de 2010).

D’autre part, on entend parfois saint-simonac, par exemple dans le Matou d’Yves Beauchemin (éd. de 2007, p. 143). Un saint qui pratiquerait la simonie ? Ça ferait désordre, non ?

 

[Complément du 9 janvier 2018]

Comme dans la bande dessinée Motel Galactic, le dessinateur Côté, dans la Presse+ du 7 janvier dernier, propose la graphie simonak. Ça se défend.

 

[Complément du 4 mars 2019]

La romancière Sylvie Drapeau propose une autre graphie : «C’est de l’amour, cimonaque !» (l’Enfer, p. 90)

 

[Complément du 8 août 2019]

En 1976, dans la pièce Un pays dont la devise est je m’oublie, Jean-Claude Germain écrivait «simonacque» (p. 104).

 

Illustration : Francis Desharnais et Pierre Bouchard, Motel Galactic. 2. Le folklore contre-attaque, Montréal, Éditions Pow Pow, 2012, 101 p., p. 86.

 

Références

Beauchemin, Yves, le Matou. Édition définitive, Montréal, Fides, 2007, 669 p. Édition originale : 1981.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Drapeau, Sylvie, l’Enfer. Roman, Montréal, Leméac, 2018, 94 p.

Germain, Jean-Claude, Un pays dont la devise est je m’oublie. Théâtre, Montréal, VLB éditeur, 1976, 138 p.

Autopromotion 020

Ce soir, entre 20 h et 21 h, l’Oreille tendue sera au micro de Marie-Louise Arsenault, à l’émission Plus on est de fous, plus on lit ! de la radio de la Première chaîne de Radio-Canada, pour parler de son Cabinet de curiosités épistolaires.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici, à partir de la dix-neuvième minute.

 

Référence

Melançon, Benoît, Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, 165 p.

Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture

Ceci n’est (toujours) pas une rétrospective

C’était le 1er janvier 2011 : «Tout un chacun le sait : l’Oreille tendue n’aime pas les rétrospectives — du millénaire, du siècle, de la décennie, de l’année, du mois, du jour, de l’heure, de la minute, de la seconde.» Elle ne va donc pas se dédire et annoncer son «Mot de l’année 2011». Cela étant, ce genre d’annonce mérite réflexion. D’où ces «mots de l’année» sortent-ils ?

Les médias raffolent de l’exercice. «“Autrement”, mot vague de l’année», titre Antoine Robitaille dans le Devoir des 17-18 décembre 2011 (p. B2). Son collègue Christian Rioux, le 6 janvier 2012, énumère «Les mots de 2011» (p. A3) et propose qu’on les laisse de côté pendant au moins un an : «autrement», «indignés», «ouverture», «intelligent», «persévérance», «patente à gosse» seraient des «mots-valises», «de véritables béquilles de la pensée».

On pourrait pousser l’énumération plus loin. Pour le Québec médiatique de 2011, certaines séries lexicales ont connu un succès incontestable. La série des C : la triade «collusion» / «corruption» / «commission», «commotion (cérébrale)», «cônes (oranges)» et «(Randy) Cunneyworth». Celle des P : «paralume», «printemps arabe» (il y a aussi «rue arabe»), «pont» et «PPP» (le pauvre parti de Pauline). On a déjà vu celle des I : «indigné» et «indignation».

Quand les médias ne s’en occupent pas, d’autres prennent leur place. En France, le Festival XYZ du mot nouveau vient, par exemple, de retenir «attachiant» comme néologisme de 2011.

La pratique de choisir les mots de l’année n’est évidemment pas propre au monde francophone. Le 26 décembre, le Philadelphia Inquirer, sous la signature d’Amy S. Rosenberg, publiait «Occupied with the Word of the Year 2011». Et il n’y a pas que les journaux à s’en mêler : ainsi qu’elle le fait depuis 1990, l’American Dialect Society (ADS) a annoncé, le 5 janvier, le résultat du vote de ses membres. En 2011, comme pour le quotidien de Philadelphie, ils ont sélectionné «occupy».

Ces mots, locaux ou universels, s’imposent de deux façons. D’abord, par la répétition, la redite, le martèlement : utiliser le même mot jour après jour l’impose dans les consciences. Ensuite, par l’adaptation : il s’agit moins de reprendre un mot dans son contexte premier que de le placer dans de nouveaux. C’est particulièrement visible dans les médias dits «sociaux». On postulera même l’hypothèse que l’adaptation est plus efficace que la simple répétition pour assurer la pérennité d’un mot.

Soit le cas d’«occupy» / «occupons». Originellement employé pour désigner un mouvement social protéiforme («Occupy Wall Street»), il a par la suite été repris à toutes les sauces, comme le note Ben Zimmer, de l’ADS, interviewé par Amy S. Rosenberg. En anglais : «Occupy Christmas !», «Occupy Amazon», «Occupy Sesame Street», «OccupyTheCell», «Occupy Music», «Occupy NYT». En français (en quelque sorte) : «OccupyFrance», «OccupyParis», «occupons_les_superhéros», «Occupons le Bye Bye 2011 !!», «Occupez le Pôle Nord, et l’esprit de Noël», «Occupons St-Hubert» (la «plaza» de ce nom), «OccupyLesCentreDachats». On fera une place à part à la manchette suivante : «Occupy le train et le potager» (la Presse, 16 novembre 2011, p. A14). Comme «fusion» / «défusion» au Québec au début des années 2000 et comme «tsunami» partout dans le monde en 2004 et en 2011, le couple «occupy» / «occupons», par sa plasticité, devrait avoir un bel avenir.

On n’en fera cependant pas un prévision officielle, car les choses changent vite en ce domaine. Hier, Marie-France Bazzo, sur Twitter, pouvait écrire, par allusion à la situation parlementaire québéco-canadienne : «Le mot de janvier 2012 : “transfuge”. “Autrement”, ça fait teeeelllement décembre 2011…»

P.-S. — Quel est le mot de l’année pour les lecteurs de l’Oreille tendue ? On peut penser qu’il s’agit de swag. Ils sont plus de 15 000 à avoir consulté la page consacrée à ce mot. L’Oreille ne se l’explique pas.

 

[Complément visuel du 15 mars 2012]

«Occupy Bourdieu», Université de Montréal, 2012

«Occupy Rousseau», 2012