Non-résolution du lendemain du jour de l’an

En lisant Bit Literacy de Mark Hurst,  l’Oreille tendue tombe sur une manifestation de plus de l’esprit d’entreprise.

Constatant que le logiciel Google Earth vise à montrer tous les lieux du globe, certains petits malins ont décidé d’en profiter à des fins publicitaires :

GPS data isn’t the only trail of bits that people will generate in the physical world. Satellite cameras are getting more and more accurate, and any moment you walk outside, you (or your car) could be photographed for the next update of Google Earth.

(Knowing this, some companies and activists have cleverly painted enormous logos and slogans on roofs and other flat expanses visible to satellites.)

Il s’agit donc de se servir des ressources des satellites pour se faire connaître, par exemple en faisant de son toit une surface d’écriture, surface dont les satellites utilisés par Google feront une photographie, photographie qui se retrouvera dans les bases de données de Google, bases de données que consultent des millions de personnes.

Si  l’Oreille prenait des résolutions — ce qu’elle ne fait jamais —, il pourrait y avoir celle-ci : mieux publiciser l’Oreille tendue. Voici ce qu’on verrait alors du ciel.

Toit de la maison de l’Oreille tendue, vu des airs

L’Oreille se retient.

 

Référence

Hurst, Mark, Bit Literacy. Productivity in the Age of Information and E-Mail Overload, New York, Good Experience Press, 2007. Postface de Phil Terry. Édition numérique.

Ceci n’est pas une rétrospective

Tout un chacun le sait : l’Oreille tendue n’aime pas les rétrospectives — du millénaire, du siècle, de la décennie, de l’année, du mois, du jour, de l’heure, de la minute, de la seconde.

Elle n’est pas du genre à annoncer, le 15 novembre, que le mot de l’année, aux États-Unis, selon Oxford University Press, est un palinisme, le verbe refudiate.

Elle n’est donc pas, non plus, du genre à élire son mot de l’année.

Si elle s’intéresse au mot curator, c’est qu’il s’inscrit dans une jolie série de mots en c- qui caractérisent l’époque : commémoration, conspiration, communauté, génération C, corruption. (Les quatre premiers sont décrits ici; le dernier, au Québec, est sur toutes les lèvres.)

Curator (curation, to curate) désigne celui qui se donne pour mission de rassembler et de conserver, en un lieu du Web, tout ce qui nourrit sa passion. Un exemple, parmi des millions : la page Wikipédia consacrée aux éléments, matériaux, isotopes et particules atomiques inventés.

Le signe que le mot est à la mode ? On commence à déplorer son usage. C’était le cas, sur Twitter, le 23 décembre, de Susan Orlean, du New Yorker : «I am sick and tired of everything being “curated”. #thatisall

On en est là.

Aux grands maux

Un étudiant de la New York University répond aux questions d’un journaliste du New York Times au sujet de ses habitudes numériques (c’est dans le cadre du podcast NYT Tech Talk du 1er décembre 2010). Comme il n’arrivait plus à se contrôler, il a quitté Facebook et il s’est acheté le téléphone cellulaire le plus bas de gamme qu’il a pu trouver (un «crappy phone»). Comment appeler ces gestes ? Un suicide numérique («digital suicide»). Rien de moins.

N.B. S’agissant uniquement de Facebook, on peut voir la vidéo «Farewell Facebook (Short film about Digital Suicide)» sur YouTube. Elle renvoie à un site de suicide numérique assisté, Web 2.0 Suicide Machine. On n’arrête pas le progrès.

Récit de voyage

Engagez-vous, qu’ils disaient. Vous entendrez du pays, qu’ils disaient. L’Oreille s’est engagée et elle a entendu.

Pizzeria, rue du Maine, Paris. La pizza et le vin rouge de l’Oreille font un repas correct. Son voisin, qui a pris la même chose, parle de «booster calorique».

Sur une camionnette, quai des Grands-Augustins, Paris : «Lutte raisonnée contre les nuisibles.» Vaste programme.

Dans un amphi universitaire, Université Paul-Verlaine, Metz, un adverbe inconnu de l’Oreille, mais plus maintenant, et joli : «moultement». (Il y avait aussi «mono-écranique» et «angler» [un article de journal]. Elle est moins séduite.)

Pendant une conférence, au Centre Pompidou-Metz, l’expression «fond d’écran», pour désigner ce qu’on appelait autrefois «air du temps». Cette expression ne serait plus dans l’air du temps.

Dans le même amphi que tout à l’heure, à un autre moment, découverte de l’existence, il y a plusieurs années, d’une Commission du vocabulaire, à l’Union des journalistes de sport en France. Sa mission ? Chasser le cliché. L’Oreille tendue aurait voulu en être.

Toujours le même amphi, découverte d’un nouveau sport, le «beach rugby» (en français dans le texte). L’Oreille ne voudrait pas en être.

Restaurant messin. La maison nous offre à boire quelque chose en apéro : c’est blanc, inconnu de tous, mauvais. «Improbable», dit un collègue pour caractériser le goût. À retenir : ça peut servir.

Publicité dans le métro parisien : «Speak Wall Street English.» Voilà une variété linguistique que l’Oreille ne connaissait pas.

Rue Vaugirard, à Paris, elle reçoit une leçon de traduction. Soit le panneau suivant :

Annonce de petit déjeuner, Paris, 2010

Si le «petit-déjeuner» n’est pas le «breakfast» — bien que les deux mots soient synonymes —, est-ce parce que l’anglais de ce restaurant viendrait de Wall Street ?

Rue de Rennes, Paris : croisé un homme avec un sac rouge d’une boutique appelée L’œil écoute. Le propriétaire de celle-ci accepterait-il de commanditer — de «sponsoriser» — ce blogue ? (Ça tombe bien : c’est peut-être une librairie.)