Les zeugmes de Twitter, et du dimanche matin

@OlivierQuelier : «Par chance, un peu plus loin, dans le chapô d’un article sur Cotillard, un joli zeugme : “[elle] perd ses deux jambes, et ses illusions”.»

@bailly : «Petit a, tu composes le gouvernement, et petit b, le numéro de téléphone des futurs ministres. Zeugme du jour.»

@LaLangelliere : «Liberté, de Paul Éluard et de circonstance : http://www.poetica.fr/poeme-279/liberte-paul-eluard/

@AudreyPariss : «Check out Two Feet Stand Up from MMOTHS : http://t.opsp.in/1Cxu5 Brendan Canning en couleur et en moustache!!»

@PimpetteDunoyer : «#ff à des filles pleine d’esprit et d’avenir (très mauvais zeugme) @caroline_gm @haselnut

@OursAvecNous : «Il y a longtemps que vous rêvez de vous faire raconter en audio et en Allemand du Astérix ? C’est par ici : http://www.youtube.com/watch?v=WGafN83tVaw

@GarpAvecArobase : «en vacances et en vitesse : coucou avec la main et à très vite, toutes & tous !» (via @ljodoin)

@desrosiers_j : «Proust zeugmant : “…du monsieur médiocrement habillé, lequel parut perdre à la fois toute contenance, une mâchoire, et beaucoup de sang”.»

@francisroyo : «Les zeugmes du dimanche matin / sont toujours à point et à l’heure. / https://oreilletendue.com/2012/04/22/les-zeugmes-du-dimanche-matin/

Repris par l’Oreille tendue, ce zeugme devient évidemment autoréflexif.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Autoflagellation du jour

«Merci de votre compréhension», métro de Montréal, 2012Grève (étudiante) oblige, on entend beaucoup dans les médias Michelle Courchesne, la (nouvelle) ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport du gouvernement du Québec.

L’Oreille tendue a eu l’occasion de signaler sa créativité verbale ici.

Mais la ministre n’aime pas que le verbe s’asseoir. Elle a aussi une grande affection, comme beaucoup d’autres politiques, pour comprendre, comme dans vous comprendrez que. En apparence pédagogique — je vais vous expliquer que —, ce vous comprendrez que sert aussi de mise en garde à peine déguisée — les choses sont plus compliquées que vous ne le pensez, m’sieurs-dames des médias.

L’Oreille étant elle-même friande du ce qu’il faut comprendre, voire du il faut bien comprendre que, elle serait malvenue, en ce cas précis, de jeter la pierre à la ministre. En ce cas précis.

 

[Complément du 26 mai 2012]

Hypothèse : Vous comprendrez que serait une variante moins familière de ‘Garde, là.

Grève féline

C’était au début de mai. Les associations étudiantes et le gouvernement (du moins le croyait-on) venaient de s’entendre pour mettre un terme à la grève étudiante au Québec (ou faire une pause). Le président de la Fédération des travailleurs du Québec, Michel Arsenault, avait participé aux négociations menant à ce (non-)accord.

Quelques jours plus tard, interrogé à la radio de Radio-Canada, il résumait sa conception de l’art de négocier : «Quand t’as réussi à faire monter le chat dans l’arbre, il faut que tu l’aides à redescendre.»

Traduction libre : une fois l’autre partie poussée dans ses derniers retranchements, il faut l’aider à sauver la face.

Pour Michel Arsenault, ce devait être considéré comme un conseil adressé aux leaders des associations étudiantes.

A-t-il été entendu ?

Régler la grève avec ses fesses, pas avec sa bouche

Ce n’est pas d’hier que les Québécois ont remplacé les verbes parler ou négocier par s’asseoir, se rasseoir, voire s’attabler. L’actuelle grève étudiante en donne des preuves quotidiennes.

Vous ne croyez pas l’Oreille tendue sur parole ? Ci-dessous, bref journal de grève de deux verbes qui ne la font pas. (Heureusement, quelques-uns, notamment sur Twitter, ont décidé qu’il valait mieux en rire.)

23 avril

Les associations étudiantes «ont toutes trois accepté les conditions de la ministre pour s’asseoir à la même table, soit de respecter une trêve d’au moins 48 heures, le temps de mener une première ronde de discussions» (le Devoir).

8 mai

«Ministres et étudiants sont responsables de l’échec de l’entente. Ils doivent se rasseoir» (la Presse).

15 mai

«Pauline Marois réclame que le PM Charest s’asseoie auprès de sa nouvelle ministre pour rencontrer les leaders étudiants» (@KatLevesque).

19 mai

«Et dire que si Charest s’était assis avec les étudiants et avait négocié de bonne foi, il n’y en aurait plus de #manifencours et de #Loi78» (@jasonKeays).

21 mai

«RETWEETEZ si vous trouvez qu’il est grand temps que Jean Charest s’assoit avec les représentants étudiants. #ggi» (@sofecteau).

«Soyons clair ! Ceux qui ne veulent pas que Charest s’asseoit avec les étudiants… seront aussi responsables de la dérive du tissu social» (@DavidLaHaye).

23 mai

«Je pense sincèrement que nous pouvons se rasseoir positivement, constructivement» (Michelle Courchesne).

N.B. Sur son site, Radio-Canada — par grandeur d’âme — a remplacé le «se» fautif de la ministre par un «nous» de meilleur aloi.

Les associations étudiantes sont «prêtes à s’asseoir», disent la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec Martine Desjardins (deux fois) et l’analyste politique Michel Pepin (une fois) à l’émission radiophonique Désautels de la Société Radio-Canada. Ni l’un ni l’autre ne parlent cependant de «se rasseoir».

«“Nous, on pense qu’il est encore possible de se rasseoir debout” #citationrêvée» (@moutarde_chou).

«Ils sont définitivement en mode “assis”» (@OursAvecNous).

«Donc, quand ça bout, il faut se rasseoir» (@jlratel).

«Depuis le temps que ça dure, ça sent plutôt le “rassis”…» (@_marc_etienne_).

Pour qui n’en aurait pas assez, les lecteurs du blogue «Mots et maux de la politique» d’Antoine Robitaille ne manquent pas d’imagination. À voir ici.

P.-S. — Si la grève se termine un jour, il faudra penser à revoir l’enseignement des verbes au Québec.

Un seul mot vous manque, et tout est dépeuplé

La grève de milliers d’étudiants québécois, qui a débuté il y a plusieurs semaines, a donné lieu à des masses de discours, de textes, de conversations. On y retrouve souvent les mêmes mots. L’Oreille tendue en discutait l’autre jour, à la radio de Radio-Canada, avec Simon Jodoin.

Il y a cependant des mots que l’on n’entend pas du tout et qui seraient utiles pour comprendre certaines déclarations, d’un camp comme de l’autre.

L’Oreille suggère ainsi que se généralise l’emploi du mot casuistique.

Au sens strict, la casuistique relevait d’abord de la théologie : «Relig. Partie de la théologie morale qui s’occupe des cas de conscience» (le Petit Robert, édition numérique de 2010). Elle a par la suite pris une signification différente : «Péj. Subtilité complaisante (en morale)» (bis).

C’est en ce second sens que le mot pourrait être utile pour comprendre la crise actuelle.

Quand on demande à un porte-parole étudiant s’il est prêt à dénoncer la violence et qu’il répond que cela n’est pas inscrit dans son mandat, il donne dans la casuistique : personne n’a besoin de mandat pour dénoncer la violence.

Quand les représentants gouvernementaux et universitaires ergotent sur la nature des mouvements étudiants (grève ou boycottage des cours ?), ils donnent dans la casuistique : nombre d’étudiants ont choisi de ne pas être en classe pour donner du poids à leurs demandes, et ils n’y sont pas.

Ceux-là ne sont certes pas les seuls casuistes parmi nous.

P.-S. — Attention : au moins un logiciel de correction orthographique vous suggère de remplacer casuiste par caquiste. Ce n’est pas pareil.

P.-P.-S. — Dans sa collecte des mots de la grève, l’Oreille tendue vient de mettre en ligne un blogue consacré aux Pancartes de la GGI. Les contributions sont les bienvenues.