Portrait épicycloïque du jour

 Jules Verne, le Docteur Ox, 1966, couverture

«Quel âge avait cet être singulier ? Personne n’eût pu le dire ! On devinait qu’il devait exister depuis un grand nombre de siècles, mais voilà tout. Sa grosse tête écrasée reposait sur des épaules dont la largeur égalait la hauteur de son corps, qui ne dépassait pas trois pieds. Ce personnage eût fait bonne figure sur un support de pendule, car le cadran se fût naturellement placé sur sa face, et le balancier aurait oscillé à son aise dans sa poitrine. On eût volontiers pris son nez pour le style d’un cadran solaire, tant il était mince et aigu; ses dents, écartées et à surface épicycloïque, ressemblaient aux engrenages d’une roue et grinçaient entre ses lèvres; sa voix avait le son métallique d’un timbre, et l’on pouvait entendre son cœur battre comme le tic-tac d’une horloge. Ce petit homme, dont les bras se mouvaient à la manière des aiguilles sur un cadran, marchait par saccades, sans se retourner jamais. Le suivait-on, on trouvait qu’il faisait une lieue par heure et que sa marche était à peu près circulaire.»

Jules Verne, le Docteur Ox, Paris, Le livre de poche. Jules Verne, 1966, 329 p. et un cahier non paginé sur Jules Verne, p. 139.

L’art du portrait sportivo-allusif

Haruki Murakami, 1Q84, 2012, vol. 2, couverture

«Ten minutes later, his father’s doctor appeared, drying his hands with a towel. Flecks of white were beginning to appear among the stiff hairs of his head. He was probably around fifty. He was not wearing a white jacket, as if he had just completed some task. Instead he wore a gray sweatshirt, matching gray sweatpants, and an old pair of jogging shoes. He was well built and looked less like a doctor than a college sports coach who had never been able to rise past Division II

Haruki Murakami, 1Q84, traduction de Jay Rubin (vol. 1 et 2) et de Philip Gabriel (vol. 3), Anchor Canada, 2012, 3 vol., 1157 p., vol. 2, p. 720. Édition originale : 2009-2010.

Portrait préféerique du jour

 Haruki Murakami, 1Q84, 2012, vol. 3, couverture

«The next afternoon, a young woman visited his office. She was probably not yet twenty. She had on a short white dress that revealed the curves of her body, matching white high heels, and pearl earrings. Her earlobes were large for her small face. She was barely five feet tall. She wore her hair long and straight, and her eyes were big and bright. She looked like a fairy in training

Haruki Murakami, 1Q84, traduction de Jay Rubin (vol. 1 et 2) et de Philip Gabriel (vol. 3), Anchor Canada, 2012, 3 vol., 1157 p., vol. 3, p. 831. Édition originale : 2009-2010.

L’art du portrait cinématographique

Jean Echenoz, les Grandes Blondes, 1995, couverture

«[L’]inspecteur Clauze présentait un faciès ratier de second rôle français. Voix sinueuse et filament de moustache, œil plissé sur sourire de biais qui affichaient le plus franchement du monde une personnalité de faux jeton. Physique de fourbe qui traîne souvent dans les castings : ironiques, obséquieux, éventuellement menaçants, se croyant malins, d’ailleurs l’étant, plus qu’on ne l’imaginerait, mais somme toute pas assez car échouant toujours dans leurs entreprises. Types recrutés pour jouer l’agent de change véreux, l’ancien collègue maître-chanteur ou le beau-frère dans la police. En l’occurrence c’était le beau-frère dans la police. Et comment va Geneviève ?»

Jean Echenoz, les Grandes Blondes. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1995, 250 p., p. 61.