Autopromotion 026

Les 9 et 10 mars, le Centre de recherche interuniversitaire en sociocritique des textes (CRIST) organise à Ottawa le colloque «Quand les revenants hantent le texte…».

L’Oreille tendue y sera, pour causer hockey et culture, et tester une nouvelle allitération : «Flambeau, fantômes du Forum, famille : les filiations des Flying Frenchmen».

Elle abordera des sujets dont il a été question ici même le 24 janvier 2011 («Hockey spectral»), le 2 février 2011 («Héritage hockeyistique») et le 21 mars 2011 («Héritage hockeyistique, bis»).

 

[Complément du 27 octobre 2021]

L’Oreille tendue, depuis, a publié un texte sur ce sujet :

Melançon, Benoît, «Le Forum de Montréal», dans Anne Caumartin, Julien Goyette, Karine Hébert et Martine-Emmanuelle Lapointe (édit.), Je me souviens, j’imagine. Essais historiques et littéraires sur la culture québécoise, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Champ libre», 2021, p. 97-105. https://doi.org/1866/28556

L’oreille des lecteurs de l’Oreille

Il est temps de l’avouer : l’Oreille tendue, comme on dit dans les officines politiques anglicisées, a plusieurs agendas cachés. En voici deux, parmi bien d’autres : elle souhaite avoir des lecteurs nombreux; elle rêve que ces lecteurs se mettent à voir partout des traces des tics langagiers qu’elle s’amuse à épingler.

Un tweet et un courriel, reçus au cours des derniers jours, la rassurent sur la qualité des visiteurs de son blogue. C’est cependant elle, et non l’inverse, qui se met aujourd’hui à repérer autour d’elle ce que ce tweet et ce courriel lui ont révélé.

Premier cas

Le 22 février, sur Twitter, @nicolasdickner écrivait ceci : «Question à @benoitmelancon : l’Oreille s’est-elle déjà intéressé au verbe oser ?» Suivait une liste de liens, où l’on pouvait mesurer le succès de ce verbe, surtout à l’impératif. L’Oreille n’avait jamais remarqué combien il était populaire. Depuis, elle ne voit que lui.

Dans le métro :

Se mettre en mode «osez»

Sur Twitter : «La chose la plus rigolote qu’on m’ait dit cette semaine : “Tu devrais oser le point-virgule, ça fait extravagant!”»

En titre dans le Devoir : «Il faut “oser” enseigner l’égalité» (3-4 mars 2012, p. G5).

Parmi des recommandations en matière de bibliographie : «Oser les bibliographies surprenantes ou séduisantes.»

Second cas

Le courriel provenait d’un fidèle lectrice; appelons-la, entre nous, La sociocriticienne postrudérale. Elle attirait l’attention de l’Oreille, nombreux exemples à l’appui, sur l’expression en mode, le plus souvent suivie d’un nom, plus rarement d’un adjectif.

«en mode élection» (le Devoir, 27 février 2012)

«se “mettre en mode pause”» (le Devoir, 24 février 2012)

«en mode persuasion et démarcation» (le Devoir, 20 février 2012)

«en mode séduction» (le Devoir, 18 février 2012)

«en mode électoral» (le Devoir, 13 février 2012)

«en mode achat» (la Presse, 27 février 2012)

«en mode confrontation» (la Presse, 19 février 2012)

«en mode éducation» (la Presse, 18 février 2012)

Comme il se doit, l’Oreille, maintenant alertée, ouvre son journal et tombe sur ceci : «Du ski de fond en mode contemplatif» (la Presse, 3 mars 2012, cahier Voyage, p. 15).

Le monde de l’Oreille ne sera jamais plus le même. Merci.

P.-S. — À quand un Osez le «en mode» ?

 

[Complément du 1er avril 2015]

Deux choses.

Le phénomène en mode n’est pas récent : Antoine Robitaille en parlait au micro de Marie-France Bazzo, à l’émission Indicatif présent de la Société Radio-Canada, le 9 mai 2006.

Et voici une nouvelle brassée d’exemples, pour montrer que en mode ne se démode pas.

«Improvisation en mode… pétoncle» (la Presse+, 1er avril 2015).

«“Une vidéo en mode solution”… c’est un nouveau format HD ?» (18 mars 2015, @PimpetteDunoyer)

«Une comédie musicale en mode yiddish pour Socalled» (le Devoir, 7 juin 2013, p. B1).

«Exceldor en mode solution poulet» (la Presse, 19 mars 2013, cahier Affaires, p. 8).

«Le ministre Pierre Duchesne en mode écoute» (le Devoir, 10 octobre 2012, p. A3).

«On était en mode électoral plus que financier» (le Devoir, 6-7 octobre 2012, p. A1).

«Nexen : la Chine en mode séduction» (le Devoir, 24 septembre 2012, p. A4).

«Joueurs et proprios en mode séduction» (la Presse, 17 septembre 2012, cahier Sports, p. 2).

«Les Biches pensives en mode intime et collectif» (le Devoir, 18-19 août 2012, p. E1).

«Huit camps pour de la poésie en mode extrême» (@Gehenne1, 23 juillet 2012).

Cristiano Ronaldo s’est mis «en mode madrilène» (la Presse, 18 juin 2012, cahier Sports, p. 4).

«Pique-nique en mode rural» (le Devoir, 26-27 mai 2012, p. G5).

«Il y a peut-être un signal à saisir pour le rédacteur de la loi quand ceux qui doivent l’appliquer sont en mode retenue…» (le Devoir, 23 mai 2012, p. A7).

«Shan en mode asiatique» (la Presse, 9 mai 2012, cahier Affaires, p. 3).

«Nissan en mode hybride» (la Presse, 12 mars 2012, cahier Auto, p. 6).

Les ploucs, bis

On l’a vu : «insomniaques», c’est pour les ploucs; pour les autres, c’est «insomniacs».

Même partition dans le cahier «Les grands constructeurs» inséré dans la Presse du 29 février.

Page 21 : «À l’image de votre style de vie…» (Boisé Notre-Dame, Laval).

Page 3 : «Sax invente le lifestyle durable» (Ville de Mont-Royal).

De là à dire que les ploucs habitent Laval, il n’y a qu’un pas.

P.-S. — Oui oui : «lifestyle durable», comme le développement.

Complexité sacrée

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de souligner l’existence d’un fort courant d’euphémisation dans l’usage des jurons au Québec. Ainsi, au lieu de dire tabarnak, on choisira tabarnan.

De même, les sacres sont souvent l’objet d’une proliférante relexicalisation. On peut, par exemple, utiliser tabarnak à plusieurs sauces : tabarnak !, mon tabarnak, tabarnak de x, tabarnaker quelque chose, s’en tabarnaker, s’en contre-tabarnaker, s’en contre-saint-tabarnaker, etc.

Démonstration conjointe de ces deux phénomènes dans un tweet récent de @mmegreenwood : «j’peux pas m’empêcher de vouloir encore que les Canadiens gagnent, même si on s’en contretabaslaque total, rendu là.»

Contre + tabarnaker => contre + tabaslaquer (euphémisme) => Contretabaslaquer.

CQFD.

P.-S. — La croyance dans le succès des Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, même quand il est de plus en plus improbable, fait aussi partie de l’inconscient collectif québécois.

 

[Complément du 7 mai 2013]

 

 Radio-Canada, 7 mai 2013

Autre exemple, conjoignant hockey et euphémisation, tiré du site de Radio-Canada aujourd’hui.

Du sport et de la culture politique

«Maîtres chez nous», slogan électoral, 1962

Pendant les élections de 1962, Jean Lesage, le chef du Parti libéral du Québec et le premier ministre de la province, prononce un discours célèbre, dans lequel il utilise l’expression «Maîtres chez nous». Cette expression en est venue à incarner ce qu’on appelle aujourd’hui la Révolution tranquille.

Première page du cahier Sports de la Presse du 22 février, à la suite d’une (autre) défaite des Canadiens de Montréal — c’est du hockey : «Maîtrisés chez nous.»

À la Presse, on connaît ses classiques politiques.