Hervé Prudon (1950-2017)

Hervé Prudon, Champs-Élysées, 1984, couverture

Livre Hebdo annonce ce matin la mort du romancier Hervé Prudon.

À une époque de sa vie, l’Oreille tendue a lu quelques polars de cet auteur : Mardi-gris (1978) — Prudon y pratique la diaphore —, Tarzan malade (1979) — lire un autoportrait ici —, Banquise (1981) et Champs-Élysées (1984).

Elle avait rendu compte de ce dernier roman pour le magazine culturel Spirale (46, octobre 1984, p. 15) :

Martin Bollène aime éperdument Jamina, «la plus belle fille du monde», qu’il a rencontrée dans le train le ramenant à Paris (p. 9, p. 107). Après quatre années passées en montagne à la recherche de son «âme» (p. 10), il rentre, engagé par la Prestige Élysées Films, pour tourner une publicité de trente secondes. Alors plongé en pleine guerre des gangs, il voit disparaître Jamina et se trouve au centre d’affrontements (auxquels il ne comprend rien) entre bandes rivales. Mais Bollène n’est pas un héros; il se sentirait plutôt, comme la bille d’un flipper, à la merci d’un «grand manager» inconnu (p. 20, p. 155, p. 204). Les Champs-Élysées, «mirages bordés de cactus» (p. 131) ou «traînée lumineuse de l’Occident chrétien» (p. 10), ne sont que le décor de cette histoire d’amour; la vie est ailleurs, dans les parkings et les galeries souterraines, les bureaux insonorisés ou les wagons désaffectés. Comme dans Banquise, un de ses romans précédents, Prudon fait avec Champs-Élysées autant dans la «poésie suburbaine» que dans le néopolar. Enlevée, brillante, jouant des modes et des niveaux linguistiques, la prose de Prudon rend aussi bien la tendresse de Bollène pour son père que la violence urbaine. Sur fond de désillusion post-soixante-huitarde, l’auteur met en scène divers mythes modernes (les bas-fonds de la ville, l’amour fou, le héros solitaire), sans clichés ni pathos. Même si «Paris écrase tout» (p. 26), Bollène et Jamina s’en sortiront.

On trouve aussi (au moins) un zeugme dans ce roman (voir ).

 

Référence

Prudon, Hervé, Champs-Élysées. Roman, Paris, Mazarine, 1984, 214 p.

Le zeugme du dimanche matin et d’Hervé Le Tellier

Hervé Le Tellier, Toutes les familles heureuses, éd. de 2021, couverture

«Nous dinâmes dans un restaurant typique et une tension relative […].»

Hervé Le Tellier, Toutes les familles heureuses, Paris, JC Lattès, 2017, 224 p., p. 86-87. Édition de 2021, p. 74.

(Merci à @sbailly.)

 

[Complément du 27 décembre 2021]

L’Oreille tendue vient, à son tour, de lire ce texte et de s’en délecter. Elle y a repéré d’autres zeugmes : «Les deux hommes ne faisaient pas que partager un prénom et un diplôme […]» (p. 56); «Nous nous quittâmes et je rentrai chez moi, à pied, poussé par la forte pente et un moins fort chagrin […]» (p. 71); «je parcourus toute l’Italie sans le moindre problème ni direction assistée» (p. 98).

Hervé Le Tellier, Toutes les familles heureuses, Paris, JC Lattès, coll. «Le livre de poche», 36181, 2021, 189 p. Édition originale : 2017.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)