Autopromotion 218

Sélection du Reader's Digest, 1971

 

Quand elle était petite, l’Oreille tendue lisait Sélection du Reader’s Digest. Elle se souvient notamment de sa chronique médicale, dont un certain «Georges» était le héros : «Je suis la vessie de Georges»; «Je suis le poumon de Georges»; «Je suis la glande surrénale de Georges»; etc.

Devenue grande, elle donne, dans le numéro de janvier 2016 de cette revue, une entrevue à Sophie Mangado, «Le déclin du français ? Un mythe !» (p. 12-14), au sujet de son plus récent livre, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue).

Question du jour : est-elle la langue de Georges ou son oreille ?

 

Référence

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Néologie de la chose, bis

La chose titille les néologues (vous trouverez une vingtaine d’exemples ici). Nouvelle fournée ci-dessous.

Même si tous les (dé)goûts sont dans la nature, l’humanité manquerait parfois de ressources. Voilà ce que semblent se dire le pansexuel, le polysexuel, le skoliosexuel et l’ovnisexuel.

Ils tiendraient, en quelque sorte, la position contraire de celle de l’asexuel.

Entre ces extrêmes, il y aurait le graysexuel et le demisexuel.

L’ubersexuel ? L’Oreille tendue, qui a pourtant lu un article sur le sujet, serait bien en mal de vous dire de quoi il s’agit.

La chair est peut-être triste, mais on n’a pas encore inventé tous les mots.

Accouplements 40

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Sur son blogue, l’excellent @machinaecrire a publié récemment deux billets au sujet de l’écriture de la poésie, l’un sur le code, l’autre sur les recettes (oui, celles de cuisine). Il ne répond pas à la question «La recette de cuisine est-elle de la poésie ?». Il laisse plutôt à son lecteur le soin de trancher, recette de Ricardo à l’appui («Tilapia et sauté de légume. Poème»).

Quelques jours plus tôt, le non moins excellent @dancohen publiait, lui aussi sur son blogue, un texte intitulé «What It’s Worth : A Review of the Wu-Tang Clan’s “Once Upon a Time in Shaolin”». Il part d’un album réservé à un seul auditeur pour s’interroger sur la nature de l’art aujourd’hui. Parlant de l’artiste visuel Sol LeWitt, il écrit : «LeWitt liked to be a recipe writer, not a chef.»

Puis, hier, le quotidien montréalais le Devoir présente une exposition à venir à la Galerie de l’Université du Québec à Montréal, Do It Montréal. Il n’y est pas question de «recettes», mais d’«instructions» et de «directives» (c’est plus noble).

Récapitulons. En 1993, Hans Ulrich Obrist, après une conversation à Paris avec les artistes Christian Boltanski et Bertrand Lavier, décide de créer une exposition qui prévoit l’interprétation à l’infini de directives artistiques données. Il demande à dix artistes de rédiger des instructions pour la création d’une œuvre. Les œuvres produites à partir de ces instructions seront documentées, par des photos, des textes ou des vidéos, puis détruites. Ces instructions seront ensuite traduites en neuf langues, et l’exposition sera reproduite ailleurs dans le monde. Alors, d’autres instructions et d’autres artistes s’ajouteront aux premiers pour former un livre de 250 instructions supervisé par l’ICI (Independent Curators International), à New York.

À Montréal, la jeune commissaire Florence-Agathe Dubé-Moreau a puisé soixante instructions dans cet imposant corpus, et en a commandé dix autres à des artistes québécois. À partir de là, c’est à vous de jouer.

De l’art d’apprêter la culture.

L’insuffisance du moderne

Certains ont l’œil; ce n’est pas le cas de l’Oreille tendue. Cela étant, celle-ci ne désespère pas, un jour, peut-être, de comprendre quelque chose à la peinture. Elle va donc à l’occasion au musée, histoire de ne pas rester complètement sourde picturalement.

Hier, elle était au Musée des beaux-arts de Montréal pour l’exposition la Couleur du jazz. Une modernité des années 1920. Montréal, le Groupe de Beaver Hall. Elle y a (re)vu les scènes urbaines d’Adrien Hébert, un autoportrait de Lilias Torrance Newton (1931), un étonnant nu de Prudence Heward, Jeune femme sous un arbre (1931).

Lui est aussi revenue une des grandes vérités adverbiales : moderne, c’est plouc; résolument moderne, c’est mieux.

Exemples (il y en avait peut-être d’autres).

Exposition la Couleur du jazz. Une modernité des années 1920. Montréal, le Groupe de Beaver HallExposition la Couleur du jazz. Une modernité des années 1920. Montréal, le Groupe de Beaver HallExposition la Couleur du jazz. Une modernité des années 1920. Montréal, le Groupe de Beaver Hall

Un adverbe vous manquerait et tout serait dépeuplé.

P.-S. — Ce n’est pas la première fois que l’Oreille est résolument attirée par cet adverbe. Voir ici.

 

[Complément du 27 janvier 2016]

Le sport aussi peut être «résolument moderne», dixit la Presse+ du jour.

Résolument moderne, dit la Presse+ du 27 janvier 2016

 

[Complément du 4 mars 2018]

Une cuisine ? Une cuisine, dixit la Presse+ d’hier.

Une cuisine «résolument moderne», la Presse+, 3 mars 2018

 

[Complément du 1er septembre 2019]

Musée du jour : Pointe-à-Callières et son exposition «À table ! Le repas français se raconte». Surprise ! On était déjà «résolument moderne» au XVIIIe siècle !

Exposition «À table !», Montréal, 2019

 

[Complément du 22 juin 2020]

Le mal n’est pas tout récent si on se fie à un polar de 1968, Chauffé à blanc : «Le blanc et le bordeaux dominaient dans la pièce au mobilier résolument moderne» (p. 58).

 

[Complément du 18 septembre 2022]

Plus fort que le «résolument moderne» ? La Presse+ d’hier proposait «résolument très moderne».

«résolument très moderne», la Presse+, 17 septembre 2022

 

Référence

Coe, Tucker, Chauffé à blanc, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1176, 1968, 250 p. Traduction de M. Elfvik.