Les deux solitudes

Depuis quelques semaines, le Canada a un nouveau premier ministre, Justin Trudeau. Hier, il prononçait son discours du Trône inaugural.

Interrogé par des journalistes anglophones, Jean Chrétien avait ceci à dire à son sujet : «I don’t want to be the mother-in-law» (phrase citée par @HannahThibedeau).

Les francophones n’avaient aucun mal à comprendre l’allusion : l’ancien premier ministre ne voulait pas se comporter comme une belle-mèremother-in-law») envers le nouveau, commenter ses faits et gestes, lui donner des conseils (non sollicités), se mêler de ses affaires. (On a vu cette expression ici et .)

En revanche, certains anglophones semblent s’interroger :

Plutôt que la famille, l’automobile («backseat driver») : à chacun ses métaphores.

Autopromotion 212

Épistolaire, 41, 2015, couverture

Depuis la nuit des temps, l’Oreille tendue collabore à Épistolaire, la revue de l’Association interdisciplinaire de recherches sur l’épistolaire. De sa chronique, «Le cabinet des curiosités épistolaires», elle a tiré un recueil en 2011, Écrire au pape et au Père Noël.

La 41e livraison d’Épistolaire vient de paraître. L’Oreille y parle d’Héloïse et Abélard dans la culture populaire.

Table des matières

Haroche Bouzinac, Geneviève, «Avant-propos», p. 5.

«Lettres d’Italie. Voyage de rêve, rêve de voyage»

Obitz-Lumbroso, Bénédicte, «Introduction», p. 9-11.

Richard-Pauchet, Odile, «Lettres d’Italie du président de Brosses, le paradoxe d’une “esthétique de la familiarité”», p. 13-24.

Pujalte-Fraysse, Marie-Luce, «Le voyage d’Italie chez les architectes français de la fin du XVIIIe siècle : l’idéal de la création artistique face à l’expérience voyageuse», p. 25-35.

Allorant, Pierre, «L’amour-médecin : lettres de Gênes de Jean-Jacques à Ursule Ballard, fiancés de l’an VII», p. 37-48.

Crinquand, Sylvie, «Byron et Shelley en Italie : représentations et réalités», p. 49-58.

Cseppentö, István, «Les lettres d’Italie de Chateaubriand : portrait de l’écrivain en peintre paysagiste», p. 59-68.

Janulardo, Ettore, «La sélection de la vision : lettres d’Italie de John Ruskin», p. 69-82.

Petit-Emptaz, Anne-Sophie, «Paul Klee — Lettres d’Italie. L’œil et l’intellect», p. 83-95.

Piantoni, Antoine, «“L’universelle dorure des choses” : les Lettres d’Italie de Charles Demange», p. 97-109.

De Vita, Philippe, «“Dans le décor d’une grande cocotte” : l’idéalisation de l’Italie dans la correspondance de Jean Renoir», p. 111-124.

«Diderot en correspondance (II)»

Buffat, Marc, Geneviève Cammagre et Odile Richard-Pauchet, «Avant-propos», p. 127-128.

«L’engagement»

Pérez, Valérie, «Diderot parrèsisate : la Correspondance comme pratique du dire-vrai», p. 133-142.

Pellerin, Pascale, «La Correspondance de Diderot ou les dessous de l’engagement intellectuel», p. 143-152.

Kovács, Eszter, «Le philosophe et le souverain : la leçon des lettres de Saint-Pétersbourg», p. 153-164.

Gatefin, Éric, «Diderot en marge de ses héros : la Lettre apologétique de l’abbé Raynal à M. Grimm au miroir de l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron», p. 165-174.

Albertan-Coppola, Sylviane, «Entre la correspondance de Diderot et le Neveu de Rameau : les antiphilosophes», p. 175-186.

Treuherz, Nick, «Un athée vertueux ? L’image de D’Holbach dans la Correspondance de Diderot», p. 187-195.

Francalanza, Éric, «Diderot et Suard : le prisme de la Correspondance», p. 197-217.

«Éditer la correspondance de Diderot»

Khan, Didier, «Les labyrinthes du repentir. Corrections en tous genres dans les lettres autographes (1750-1760)», p. 221-236.

Bossuge, Emmanuel, «L’annotation de la correspondance de Diderot : quelques résultats d’un travail en cours», p. 237-248.

Dulac, Georges, «Diderot et la Russie : de l’importance de quelques correspondances absentes», p. 249-260.

«Perspectives épistolaires»

Maillard Despont, Aurélia, «L’archive d’Adèle D’Affry, duchesse de Castiglione Colonna ou la découverte de l’autre Marcello», p. 263-269.

De Vita, Philippe, «“Projeter cette pensée en éclats de vérité” : Godard épistolier sur le tournage de Détective», p. 271-285.

«Chroniques»

Michel, Pierre, «La correspondance d’Octave Mirbeau. Histoire d’une recherche», p. 289-298.

Cousson, Agnès (édit.), «Bibliographie de l’épistolaire», p. 299-333. Contributions de Luciana Furbetta, Benoît Grévin, Clémence Revest, Mawy Bouchard, Andrzej Rabsztyn, Nathalie Gibert, Sonia Anton et Benoît Melançon.

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires», p. 335-337. Sur Abélard et Héloïse dans la culture populaire.

Charrier-Vozel, Marianne, «Vie de l’épistolaire», p. 339-344.

Richard-Pauchet, Odile, «Cher Père Noël… à l’université», p. 344-347.

«Recherche»

«Comptes rendus», p. 351-385.

Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture

Autopromotion 211

Virtuoso, Atelier du 4 décembre 2015, affiche

Ce vendredi, le 4 décembre, l’Oreille tendue sera présente à l’atelier ci-dessous. Il s’agit d’une activité publique.

Comment penser le document aujourd’hui ?
Centre Virtuoso sur les usages, cultures et documents numériques
Université de Montréal

Dans notre monde contemporain, il nous arrive souvent de nous plaindre de l’inflation documentaire, et même sur notre écran c’est encore dans un fichier d’ensemble intitulé «documents» que nous rangeons nos multiples investigations. Encore faudrait-il savoir ce que c’est exactement qu’un document.

Maurizio Ferraris lui a donné une extension ontologique remarquable en examinant comment les existences sociales apparaissent à la surface des documents qu’elles sédimentent. Mais dans la pratique des historiens, des documentalistes, des bibliothécaires, des spécialistes du documentaire, des théoriciens de la culture numérique, comment apparaissent les documents eux-mêmes et quels usages en sont faits ?

Cet atelier de réflexion vise à réunir des chercheurs de ces différentes disciplines pour creuser en commun cette question.

9 h 30-11 h
Président de séance : Benoît Melançon (Université de Montréal, Littératures de langue française)

Pascal Bastien (Université du Québec à Montréal, Histoire)
Lyne Da Sylva (Université de Montréal, Sciences de l’information)
Marion Froger (Université de Montréal, Cinéma)

11 h 30-13 h
Président de séance : Michaël E. Sinatra (Université de Montréal, Littératures et langues du monde)

Anne Klein (Université Laval, Archivistique)
Christian Nadeau (Université de Montréal, Philosophie)
Rémy Besson (Université de Montréal, CRIalt)

14 h-16 h
Président de séance : Philippe Despoix (Université de Montréal, Littératures et langues du monde)

Laurent Turcot (Université du Québec à Trois-Rivières, Histoire)
Thierry Bardini (Université de Montréal, Communication)
Marcello Vitali-Rosati (Université de Montréal, Littératures de langue française)
Éric Méchoulan (Université de Montréal, Littératures de langue française)

Vraiment ?

À chacun sa vanité : l’Oreille tendue aime se vanter de ne jamais avoir utilisé de binettes (de smileys) en plus de vingt-cinq ans de courriel. Elle n’a pas non plus l’intention de se mettre à l’emoji, même si l’Oxford Dictionary vient d’en faire son «mot de l’année 2015».

Dans le quotidien le Devoir, le journaliste Fabien Deglise abordait la question hier. Dans «Rester sans mot», il manifestait son inquiétude :

À l’image de l’arbre qui tombe sans faire de bruit lorsque personne n’est présent pour l’entendre tomber, le mot meurt inéluctablement lorsqu’il arrête d’être quotidiennement utilisé. Une menace, à titre d’exemple, pour le vocabulaire exprimant la passion, l’amour ou cette chaleur intérieure qui consume au regard de l’autre et que l’avenir se prépare à résumer avec l’emoji symbolisant un cœur. Même chose pour la colère, l’indignation, la critique, la révolte, l’exaspération et ses nombreuses variantes qui, dans l’univers des emojis, tiennent en deux ou trois symboles. La raillerie, le rire, l’émerveillement aussi. Bref, cette communication par l’image, en exposant avec arrogance son efficacité, trace sans doute les contours d’un vaste cimetière vers lequel un nombre vertigineux de mots pourrait accélérer leur voyage final (p. B3).

On peut ne pas être d’accord avec cette affirmation.

Plein de mots qui ne sont pas «quotidiennement utilisés» ne sont pas morts («inéluctablement») pour autant; ils sont là quand nous en avons besoin; les dictionnaires en sont pleins. L’emoji, par définition, est une image : en quoi menacerait-il la langue orale, si tant est qu’il menace la langue écrite ? Où est-elle, cette «arrogance» supposée ? Une dernière chose : cette déperdition se fera «sans doute», écrit Fabien Deglise; on aimerait savoir sur quoi ce jugement est fondé. Depuis l’apparition des binettes, y a-t-il eu affaiblissement du vocabulaire, a-t-on perdu un «nombre vertigineux» de mots ? Si oui, où cela a-t-il été démontré ? Sinon, pourquoi craindre l’emoji ?