Religion et onomastique du 450

L’Oreille tendue ne veut pas se vanter, mais il lui arrive de quitter son île et de s’aventurer dans le 450. Pas plus tard que l’autre jour, elle s’est ainsi retrouvée dans une église de la Couronne nord pour y assister à un baptême. (Ce serait trop long de vous expliquer.)

Elle en tire deux remarques (il faut bien que le 450 serve à quelque chose).

Satan, si l’Oreille en croit le diacre-clown qui officiait (le mot est fort), existerait. Il faudrait en effet y renoncer publiquement. (Dans un autre baptême, tenu il y a cinq lustres, un prêtre a demandé à l’Oreille de renoncer à Satan «et à ses pompes». Il attend toujours sa réponse.) Y a-t-il d’autres moments dans la liturgie où il est question aujourd’hui de Satan ? L’Oreille s’interroge.

Comme il fallait bien s’occuper, elle en a profité pour lire le Semainier paroissial. Quelle belle mine onomastique ! Une brève étude de cet édifiant document révèle que la lettre a est de toutes la plus populaire dans l’immédiate banlieue francophone montréalaise, tant chez les garçons (deux Noah, Mikaël, Dilan, Mattéo, Malik, Xavier) que chez les filles (Camille, Alessia, Koralie, Julianna, deux Léa, Charlie, Rosalie, Annabella, Camélia, Jade, Adèle). En matière de consonnes, on les aime dures, c ou k (Camille, Mikaël, Koralie, Kyle, Loïc, Camélia, Malik). Les noms avec trait d’union sont rares (une seule occurrence : Emma-Rose), ce qui ne veut pas dire que les noms composés le soient (Mélyanne; parmi les parents, une Alexianne). Le prénom favori de l’Oreille ? Makayla : trois a, un k.

C’est une fille.

P.-S. — À côté de ces petits noms fleuris, il y avait aussi une Florence, un Olivier, une Émilie. Cela détonnait.

 

[Complément du 14 janvier 2016]

Qu’aurait pensé Diderot de cette vague onomastique, lui qui écrivait à Grimm, le 6 novembre 1769, qu’«on abaisse l’âme de ses enfants en leur donnant des noms bas et saugrenus» ?

 

Référence

Diderot, Denis, Correspondance, Paris, Éditions de Minuit, 1955-1970, 16 vol. Éditée par Georges Roth, puis par Jean Varloot.

Liste de (parfois vieilles) lectures recommandées

Il y a les choses que l’Oreille tendue lit tout de suite. Puis il y a les choses qu’elle envoie sur la plateforme Readability, histoire de les lire plus tard sur son iPad — et qu’elle ne lit pas tout de suite (euphémisme). Au cours des derniers jours, elle y est retournée voir. D’où les dix suggestions ci-dessous, pas toutes fraîches, dans le désordre et anglais (pour la plupart).

• Pour dialoguer, il faut un terrain argumentatif commun. Démonstration de Malcolm Gladwell à partir de la tuerie de Waco en 1993.

• Pour créer la plus grande bibliothèque numérique publique aux États-Unis, la Digital Public Library of America (DPLA), il faut quarante personnes inspirées par le XVIIIe siècle. Récit de l’historien Robert Darnton.

• Pour animer les villes, il faut une volonté politique. Proposition du philosophe Daniel Weinstock.

• Pour enseigner la création littéraire, il faut réfléchir hors des lieux communs. Mise au point de Laure Limongi.

• Pour enseigner la création littéraire, il faut peut-être refuser d’enseigner la création littéraire. Plaidoyer de Kenneth Goldsmith. Où il est également question de plagiat.

• Pour voir le Web créer (presque) tout seul des identités, il faut y mettre du temps : dix ans, par exemple. Expérience, à partir de gmail, de Matthew J. X. Malady.

• Pour voir Facebook créer tout seul des profils des gens qui n’y ont pas de compte, il faut connaître le fonctionnement de la bête. Visite guidée (glaçante) de Natasha Lomas.

• Pour comprendre ce qui distingue le courriel et la lettre, il faut ne pas avoir peur des paradoxes. Présentation de celui de Shaun Usher.

• Pour ne rien rater de la Coupe du monde 2014, il faut être sensible aux choix vestimentaires des entraîneurs. Comparaisons d’Ian Crouch.

• Pour se rendre compte de la caducité de certaines pratiques universitaires, il faut participer à des colloques. Questions et réponses de Larry Cebula.

• Pour écrire, à l’université, il faut (parfois) écrire des choses qu’on ne publiera jamais. Conseil (utile) de Nate Kreuter.

P.-S. — Il y a plusieurs textes tirés du magazine The New Yorker ? Oui.

Fil de presse 015

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

Pas de vacances pour les linguistes et autres langagiers, surtout pour Alain Rey. La preuve ?

Bange, Pierre, la Philosophie du langage de Wilhelm von Humboldt (1767-1835), Paris, L’Harmattan, coll. «Ouverture philosophique», 2014, 252 p.

Bouchard, Emmanuel (édit.), le Rédacto. Ponctuation. Syntaxe. Vocabulaire, Montréal, Fides éducation, 2013, xi/68 p.

Chautard, E., la Vie étrange de l’argot, Genève, Slatkine reprints, 2014, 740 p. Réimpression de l’édition de Paris, 1931.

Condillac, Étienne Bonnot de, Dictionnaire des synonymes, Paris, Vrin, coll. «Bibliothèque des textes philosophiques», 2013, 660 p. Édition critique de Jean-Christophe Abramovici.

Daniel, Jean, Dictionnaire français-périgourdin. Avec supplément, Genève, Slatkine reprints, 2013, 386 p. Réimpression de l’édition de Périgeux, 1914.

Défense et illustration de la langue française aujourd’hui, Paris, Gallimard, 2013, 71 p. Liminaire de Xavier North et Jean-Pierre Siméon. Ouvrage collectif de Marie-Claire Bancquart, Silvia Baron Supervielle, Alain Borer, Michel Butor, François Cheng, Michel Deguy, Tahar Ben Jelloun, Vénus Khoury-Ghata, Marcel Moreau, Jacques Réda et Jacques Roubaud.

Dotoli, Giovanni, Marilia Marchetti, Cettina Rizzo et Celeste Boccuzzi (édit.), l’Espace du dictionnaire. Expressions, impressions, Paris, Hermann, coll. «Vertige de la langue», 2014, 304 p.

Extermann, Blaise, Une langue étrangère et nationale. Histoire de l’enseignement de l’allemand en Suisse romande (1790-1940), Neuchâtel, Éditions Alphil, coll. «Histoire», 2014, 480 p.

Garde, Paul, l’Accent, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, 2014, 170 p. Édition corrigée et augmentée. Édition originale : 1968.

Gaudin, François (édit.), la Lexicographie militante. Dictionnaires du XVIIIe au XXe siècle, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica, mots et dictionnaires», 2013, 360 p. Préface d’Alain Rey.

Gaudin, François (édit.), la Rumeur des mots, Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013, 135 p. Ill. Avant-propos de Didier Terrier.

Gaudin, François (édit.), Au bonheur des mots. Hommage à Alain Rey, Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2014, 208 p.

Martin, Gabriel, Dictionnaire des onomastismes québécois. Les mots issus de nos noms propres, Sherbrooke, Éditions du Fleurdelysé, coll. «Renardeau arctique», 1, 2013, xxiii/226 p. Préface de Jean-Yves Dugas.

McMillan, Gilles, la Contamination des mots, Montréal, Lux, 2014, 288 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 125 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Autopromotion éhontée.

Minaudier, Jean-Pierre, Poésie du gérondif. Vagabondages linguistiques d’un passionné de peuples et de mots, Le Rayol Canadel, Le Tripode, 2014, 157 p. Ill.

On peut (ré)entendre l’auteur au micro d’Antoine Perraud à Tire ta langue (France Culture) ici.

[L’Oreille tendue a rendu compte du livre à la radio et ici.]

Paveau, Marie-Anne, Langage et morale. Une éthique des vertus discursives, Limoges, Lambert-Lucas, 2013, 300 p. Préface de Sophie Moirand.

Point, Viviane, Article et détermination dans les grammaires françaises du XVIIe au XIXe siècle, Paris, Classiques Garnier, coll. «Domaines linguistiques», 2, série «Grammaires et représentations de la langue», 1, 2014, 366 p.

Rey, Alain, Des pensées et des mots, Paris, Hermann, coll. «Vertige de la langue», 2013, 272 p.

Ricalens-Pourchot, Nicole, les Facéties des expressions françaises, Montréal, Bayard Canada, 2013, 248 p.

Spitzer, Leo, Traque des mots étrangers, haines des peuples étrangers. Polémique contre le nettoyage de la langue, Limoges, Lambert-Lucas, coll. «La lexicothèque», 2013, 100 p. Traduction de Jean-Jacques Briu. Présentation d’Agnès Steuckardt. Préface de Jacques François.

Saint-Onge, Claire, l’Orthographe : toute une histoire, Scriptée, 2013, 136 p.

Szendy, Peter, À coups de points. La ponctuation comme expérience, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Paradoxe», 2013, 160 p.

Tran-Gervat, Yen-Maï, Traduire en français à l’âge classique. Génie national et génie des langues, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2013, 216 p.

Zanola, Maria Teresa, Arts et métiers au XVIIIe siècle. Études de terminologie diachronique, Paris, L’Harmattan, coll. «Rose des vents», 2014, 216 p. Préface d’Alain Rey. Postface de Bénédicte Madinier.

Avant la Révolution tranquille et Les Cowboys fringants

«Et pis toué ma p’tite sœur
Es-tu toujours aussi perdue
C’est-i encore la grande noirceur
Ou ben si t’as r’pris l’dessus»
Les Cowboys fringants, «Toune d’automne», 2002

Au Québec, il y a un avant et un après Révolution tranquille.

Après, ce serait bien. Avant, ce serait la Grande Noirceur.

L’Oreille tendue, depuis toujours, avait l’impression que cette désignation de Grande Noirceur datait des années 1960. Elle se trompait. On la trouve notamment dans une caricature d’Albéric Bourgeois parue dans la Presse du 9 juin 1945 et reproduite dans l’ouvrage Albéric Bourgeois, caricaturiste (p. 270).

L’Oreille se couchera moins niaiseuse.

 

[Complément du 3 mars 2016]

En une formule, chez Gilles Marcotte, en 1996 : «Il n’y avait pas grand-chose de grand dans cette noirceur…» (p. 58).

 

[Complément du 19 août 2017]

Éclipse (à venir) oblige, @LeDevoir, sur Twitter :

Celle-là est attendue.

 

[Complément du 29 septembre 2017]

Référendum catalan oblige, l’expression voyage.

 

[Complément du 1er août 2023]

Elle continue son voyage autour du monde, dans le Devoir du jour.

Grande noirceur israëlienne, selon le Devoir du 1er août 2023

 

Références

Popovic, Pierre, Entretiens avec Gilles Marcotte. De la littérature avant toute chose, Montréal, Liber, coll. «De vive voix», 1996, 192 p. Ill.

Robidoux, Léon-A., Albéric Bourgeois, caricaturiste, Montréal, VLB éditeur et Médiabec, 1978, 290 p. Ill. Préfaces de Normand Hudon et de Robert LaPalme.