Retour (en clichés) sur une défaite crève-cœur

Hier après-midi, les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — menaient 3 à 1, au milieu de la troisième période, contre les Bruins de Boston quand le ciel leur est tombé sur la tête. L’équipe était bien en selle — autrement dit, elle était dans le siège du conducteur — quand ses adversaires, qui avaient pourtant un genou au plancher, sont revenus de l’arrière pour l’emporter par la marque de 5 à 3. Les Canadiens se sont effondrés et ils ont bien mal paru, alors qu’ils avaient les Bruins dans les câbles.

Qu’ont-ils fait de leur avance ? Ils l’ont laissé filer, ils ne l’ont pas préservée, mieux (ou pire), ils l’ont dilapidée. Leurs joueurs se sont mis à jouer sur les talons. Une chose est sûre : ils ont essuyé une défaite et elle sera dure à avaler, puis à digérer.

Le débat est désormais ouvert. Les Canadiens vont-ils paniquer ? Seront-ils capables, avec l’avantage de la glace, de reprendre le momentum ? Le doute s’est-il installé en eux ? Pourront-ils rebondir dans l’adversité ? Cette défaire crève-cœur marquera-t-elle le début d’une descente aux enfers, d’une hémorragie ? Les revers vont-ils s’accumuler ? Laquelle des deux équipes sera la première à jouer au golf ?

Réponse à toutes ses questions (en clichés) mardi soir, lors du prochain match. Peut-être sera-t-il décisif.

P.-S. — Ce texte reprend quelques-unes des formules que l’Oreille tendue a consignées dans son Langue de puck. Abécédaire du hockey.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

 

Le zeugme du dimanche matin et du joueur de baseball

Steve Rushin, The 34-Ton, 2013, couverture

«In the grand narrative of his improbable life, [le joueur de baseball Pete] Browning knew personal bereavement, which began early, with the loss of both his hearing (to a condition called mastoiditis) and his father (to a cyclone)

Steve Rushin, The 34-Ton Bat. The Story of Baseball as Told Through Bobbleheads, Cracker Jacks, Jockstraps, Eye Black, and 375 Other Strange and Unforgettable Objects, New York, Boston et Londres, Little, Brown and Company, 2013, 343 p., p. 53.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Ford et la poésie sportive

Dans le quotidien la Presse du 1er mai, p. A13, ce poème :

Vous portez sur vos épaules
Le poids de 105 années d’histoire
De 24 conquêtes
Et d’aucune excuse possible

Vous portez la pression
Du bleu, du blanc et du rouge
De l’héritage de Maurice, Guy, Jacques et Jean
Et de savoir que c’est peut-être votre seule chance

D’une organisation victorieuse
D’une ville fébrile
Et d’une nation de croyants

Vous portez le rêve
De 3 autres rondes
12 autres victoires
Et d’écrire la prochaine page d’histoire

Alors que vous allez de l’avant
Portant le poids de la gloire
Jusqu’à ce que vous portiez la coupe à bout de bras
Notre passion vous transportera

Ensemble, allons plus loin.

[Logo de] Ford

Allons plus loin

[Logo des Canadiens de Montréal] Ford et ses concessionnaires sont fiers de soutenir les Canadiens jusqu’au bout.

La compagnie automobile Ford a donc voulu participer à la fièvre hockeyistique qui secoue actuellement Montréal, cette «ville fébrile», au moment où ses Canadiens affrontent les Bruins de Boston.

Elle le fait avec des figures imposées.

Le hockey serait une religion, celle du «Du bleu, du blanc et du rouge» : l’expression «nation de croyants» réjouira le théologien Olivier Bauer.

La liaison entre hockey et histoire ne serait plus à démontrer. Le poème martèle cela : «Vous portez sur vos épaules / Le poids de 105 années d’histoire»; le hockey serait un «héritage»; «Vous portez le rêve / De 3 autres rondes / 12 autres victoires / Et d’écrire la prochaine page d’histoire». Ford rejoint par là les campagnes publicitaires des Canadiens, cette «organisation victorieuse», au cours des dernières années (voir ici). La tradition est un double poids : «de 105 années d’histoire»; «de la gloire».

Le chemin vers «la coupe» à porter «à bout de bras» est long. Pour remporter la coupe Stanley, celle qui s’ajouterait aux «24 conquêtes», il reste trois «rondes» des séries éliminatoires et 12 victoires. La «pression» est lourde et il faut lui répondre par la «passion», celle des partisans comme celle de Ford. Il est nécessaire de travailler «ensemble».

Tout cela est convenu.

Il y a cependant un mystère dans ce poème. Quand il est question de «l’héritage de Maurice, Guy, Jacques et Jean», il est facile de savoir qui sont trois de ces quatre personnes. «Maurice» est Maurice Richard; «Guy» est Guy Lafleur; «Jean» est Jean Béliveau. En revanche, on peut se demander qui est «Jacques». Jacques Lemaire ? Ce joueur n’a pas grand-chose à voir avec la grandeur des trois autres.

Si peu de jours, tant de mystères.

P.-S. — «Portez» (trois fois), «Portant» (une fois), «portiez» (une fois), «transportera» (une fois) : c’est un peu beaucoup.

Citation déprimante du samedi matin

Rue Roland-Barthes, Paris, 12e, plaque«[…] en chaque signe dort ce monstre : un stéréotype : je ne puis jamais parler qu’en ramassant ce qui traîne dans la langue.»

Roland Barthes, Leçon. Leçon inaugurale de la chaire de sémiologie littéraire du Collège de France prononcée le 7 janvier 1977, Paris, Seuil, 1978, 45 p., p. 15.

Illustration : plaque de la rue Roland-Barthes, Paris, photo déposée sur Wikimedia Commons