Les zeugmes du sport et du dimanche matin

François Gravel, OK pour le hockey !, 2011, couverture

«il quitte les gradins, la tête entre les jambes, emportant son porte-voix et ses mauvaises odeurs avec lui» (OK pour le hockey !, p. 38).

«“On est encore en vie… et en pause !” s’exclame-t-elle après une 1re manche-marathon, exténuée par la chaleur accablante» (@JeanSylvainDube).

«Je vais lever des fonds et des haltères pendant un mois» (@OlivierB2, via @desrosiers_j).

«J’ai des enfants sportifs. Ma fille joue au soccer, mon fils au baseball et les deux ensemble jouent avec mes nerfs !» (@Yaneau)

«“Il boxe pour l’adrénaline et pour arrondir ses fins de mois” Splendide #zeugme @DansLeChampL» (@PimpetteDunoyer).

«En 60 minutes, les Montréalais ont perdu leurs bagarres, leur fierté et aussi le match» (@lapresseplus, 6 mai 2013).

 

Référence

Gravel, François, OK pour le hockey !, Québec, Éditions FouLire, coll. «Les histoires de Zak et Zoé», 3, série «Sports extrêmes», 2011, 62 p. Illustrations de Philippe Germain.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Portrait épicycloïque du jour

 Jules Verne, le Docteur Ox, 1966, couverture

«Quel âge avait cet être singulier ? Personne n’eût pu le dire ! On devinait qu’il devait exister depuis un grand nombre de siècles, mais voilà tout. Sa grosse tête écrasée reposait sur des épaules dont la largeur égalait la hauteur de son corps, qui ne dépassait pas trois pieds. Ce personnage eût fait bonne figure sur un support de pendule, car le cadran se fût naturellement placé sur sa face, et le balancier aurait oscillé à son aise dans sa poitrine. On eût volontiers pris son nez pour le style d’un cadran solaire, tant il était mince et aigu; ses dents, écartées et à surface épicycloïque, ressemblaient aux engrenages d’une roue et grinçaient entre ses lèvres; sa voix avait le son métallique d’un timbre, et l’on pouvait entendre son cœur battre comme le tic-tac d’une horloge. Ce petit homme, dont les bras se mouvaient à la manière des aiguilles sur un cadran, marchait par saccades, sans se retourner jamais. Le suivait-on, on trouvait qu’il faisait une lieue par heure et que sa marche était à peu près circulaire.»

Jules Verne, le Docteur Ox, Paris, Le livre de poche. Jules Verne, 1966, 329 p. et un cahier non paginé sur Jules Verne, p. 139.

Dialoguer dans la nature

Tout un chacun devrait le savoir : au Québec, s’asseoir est synonyme de parler. Les exemples ne manquent pas, à commencer par ici.

Autre synonyme : se tirer une bûche. Il est vrai qu’on peut approcher un siège (se tirer une bûche, littéralement) sans nécessairement prendre langue, mais, implicitement, on s’attend à ce que, la bûche tirée, on cause.

Exemple : «J’ai l’impression qu’avec nos chaussures de course, on est un peu comme des voisins qui viennent dire bonjour et se tirent une petite bûche pour jaser après la mort d’un proche» (la Presse, 22 juillet 2013, p. A5).

On l’aura compris : la bûche est le siège naturel du Québécois de souche.

P.-S. — Le tumblr Notre Québec offre, par «Un crayon français, des mots québécois». Tire-toi une bûche y est.

 

[Complément du 22 septembre 2014]

En musique : Tire-toi une bûche, album du groupe Mes Aïeux (2006).

Ne leur faites pas ça

Nouvelle (?) expression, d’un fils de dix ans (non, pas le cadet de l’Oreille tendue) à ses parents : «Foutez-moi pas la honte.» (Ils n’en avaient probablement pas l’intention.) Plus prosaïquement : Ne me faites pas honte. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

Un nouveau membre de l’École de la tchén’ssâ

L’École de la tchén’ssâ

Le 19 mai 2012, l’Oreille tendue enfantait un mouvement littéraire, l’École de la tchén’ssâ. Ce texte a eu des échos inattendus (voir ici et ).

De quoi s’agit ? Rappel de la définition originale.

Cette école est composée de jeunes écrivains contemporains caractérisés par une présence forte de la forêt, la représentation de la masculinité, le refus de l’idéalisation et une langue marquée par l’oralité.

[…]

Il n’est pas nécessaire d’être un homme pour faire partie de l’École de la tchén’ssâ, mais plusieurs personnages que représentent ses membres sont des hommes, saisis dans un décor non urbain, souvent un fusil à la main. Parfois, ils se contentent d’une canne à pêche.

L’écriture réaliste des auteurs tchén’ssâ ne recule devant aucune matière. Le sang coule dans leurs textes au moins autant que l’huile à moteur. […] Ce réalisme n’est évidemment pas incompatible avec la création de mythologies personnelles ou avec des passages proches de la littérature fantastique.

Elle s’applique parfaitement au roman Panache. 1. Léthargie de Sylvain Hotte (né en 1972). Ça se déroule au Québec, dans un village anonyme de la Côte-Nord et dans la forêt qui l’entoure, où Alexandre McKenzie, le narrateur, croise un orignal au panache impressionnant. Ce jeune hockeyeur étoile de quinze ans découvre que la vie autour de lui n’est pas toujours rose (alcoolisme, toxicomanie, pauvreté, dépendance économique). Il est à la recherche de modèles masculins, entre son père autochtone à la merci des compagnies forestières et un ami mécanicien toujours en train de bidouiller voitures, bateaux, quatre-roues et ski-doos. Alexandre utilise constamment la langue populaire québécoise, avec ses particularismes (on rince ou on torche son moteur, quand on sort du chemin c’est pour prendre le clos) et son recours à l’anglais, adapté en français (chiller, shooter, spiner) ou pas (game, moves, net, wheely, weirdo, etc.).

Et il y a bien sûr ceci :

Je me suis assis sur un tréteau de bois pendant que Michel rangeait quelques outils. J’ai, évidemment, remarqué la nouvelle Miss Octobre du calendrier Stihl : une fille en maillot de bain rose tenant une grosse scie à chaîne, à cheval sur un tronc d’arbre (p. 44);

J’ai trouvé refuge dans le coin chasse et pêche [du Canadian Tire] où j’ai regardé quelques cannes en bambou. Vraiment belles. L’an prochain, je veux une belle canne à moucher pour aller au saumon (p. 147).

C’est trop beau pour être vrai.

 

Référence

Hotte, Sylvain, Panache. 1. Léthargie, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 1, 2009, 230 p.

Sylvain Hotte, Panache. 1. Léthargie, 2009, couverture