Chronique agricole, avec des néologismes

Chanvre indien, marijuana, marie-jeanne, herbe, pot (à faire rimer avec menottes) : il faut bien que la drogue pousse quelque part.

Au Québec, on cache les «installations» de cannabis dans les champs de maïs. C’est ce qui permet au quotidien la Presse de titrer, le 24 septembre 2012, «Le fléau du pot corn» (p. A1). On utilise aussi les champs de soya, mais c’est moins pratique pour les jeux de mots.

Comment repérer ces semis clandestins ? En faisant des «tours de pot» : «des gens qui ont des visées sur ce type de culture louent des avions dans le but de repérer des plantations pour ensuite y aller faire une razzia» (la Presse, 24 septembre 2012, p. A3).

Existe-t-il un mot pour désigner celui qui pratique cette culture ? Bien sûr. On dira que c’est un «mariculteur» (la Presse, 24 septembre 2012, p. A2).

Qui préfère l’agriculture d’intérieur a recours à des «serres hydroponiques». Modestement, l’Oreille tendue suggère de les appeler des «serres hydropotniques».

Rosemont en liesse

«La vie urbaine avec plusieurs services dans Rosemont», titre le Devoir des 22-23 septembre 2012 (p. G6).

Les Rosemontois, ces habitants du quartier montréalais de Rosemont, seront enchantés d’apprendre qu’ils ont (enfin ?) accès à la «vie urbaine».

Le zeugme du dimanche matin et de Jean-Philippe Martel

Jean-Philippe Martel, Comme des sentinelles, 2012, couverture

«À la mort de son père, le fils aîné a reçu quelques dizaines de milliers de dollars qu’il s’est empressé de dépenser, comme son père l’aurait sans doute fait lui-même; deux ou trois cravates de laine (comme les intellectuels en portaient à la fin des années 1970 et au début des années 1980); un portefeuille de cuir noir (dans lequel le fils aîné a plus tard glissé une photo de son père, prise en 1990 ou 1991, et qui lui rappelle cette espèce d’atavisme voulant que les hommes Sylvestre n’arrivent pas à mettre de l’argent de côté ni, peut-être, à s’économiser, eux); un air de famille et un fonds de proverbes qu’il n’a pas beaucoup d’occasions d’employer.»

Jean-Philippe Martel, Comme des sentinelles. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 177 p., p. 54.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

De Stockholm à Montréal

L’Oreille le disait hier : la fin de semaine dernière, la Ligue nationale de hockey a mis ses joueurs en lock-out.

Certains ont déjà accusé les uns (les propriétaires) ou les autres (les joueurs), voire les deux, de «prendre en otage» les partisans.

Cela pose un problème.

Habituellement, quand on les prend, les otages ne sont pas sympathiques à ceux qui les prennent. S’il leur arrive de le devenir, on parle du syndrome de Stockholm. Celui-ci, selon Wikipédia, «désigne la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à développer une empathie, voire une sympathie, ou une contagion émotionnelle avec ces derniers».

Au hockey, la situation est bien différente : en temps normal, les otages (les partisans) partagent, en quelque sorte, «la vie de leurs geôliers» (joueurs et propriétaires) et, souvent, sympathisent avec eux. Ils ne les privent de leur empathie et de leur émotion qu’au moment des conflits de travail.

Pour résumer : d’une part, des personnes qui ne sont pas sympathiques à leurs kidnappeurs, mais qui, une fois enlevées, le deviennent et le restent; de l’autre, des personnes sympathiques à leurs ravisseurs, qui s’en éloignent pendant la «prise d’otage», pour s’en rapprocher une fois le conflit terminé (si le passé est garant de l’avenir).

Comment appeler cette étrange attitude ? Le syndrome de l’aréna ? Le syndrome de Montréal ?

Langue de lock-out

La Ligue nationale de hockey a mis ses joueurs en lock-out. Comment dire les conséquences de cela ?

Il y a le registre biblique : «Avec le lock-out vient l’exode» (Métro, 17 septembre 2012, p. 1).

Un partisan, interrogé dans un vox-pop, préférait la culture grecque : «Tragique. Ouin. Tragique » (merci à @OursAvecNous).

En matière littéraire, on peut faire appel à George Orwell : «Le lock-out de Big Brother

L’Oreille tendue ne sait pas si René Homier-Roy est fin psychologue, mais, le 17 septembre, à son émission radiophonique, C’est bien meilleur le matin, l’animateur disait du lock-out qu’il était un «psychodrame».

Il était prévisible qu’apparaissent de mauvais jeux de mots propres au sport concerné. La Presse : «La saison sur la glace» (17 septembre 2012, cahier Sports, p. 1).

Le lock-out pourrait pourtant avoir du bon : «Sans lock-out, le renvoi de Louis Leblanc à Hamilton aurait été la source d’une guerre civile autour du Centre Bell et dans les tribunes téléphoniques» (la Presse, 18 septembre 2012, cahier Sports, p. 3). Heureusement, on aura évité cette «guerre civile».

On pourrait donc «Survivre au lock-out de la LNH» (la Presse, 19 septembre, cahier Arts, p. 1).

Le lock-out a six jours. La saison ne devait commencer qu’au début octobre. Ça sera long longtemps.

P.-S. — Une chose est sûre : comme le faisait remarquer @PimpetteDunoyer sur Twitter, si le conflit dure quelques jours, ce sera une «saga».