Citation linguistique du jour, à méditer

Michel Lacroix, Cécile et Marx, 2024, couverture

«Quand je suis la courbe du nombre de personnes se déclarant aptes à parler français au Québec, et que je vois qu’elle n’a jamais cessé de croître, qu’année après année il y a toujours davantage de francophones, qu’il n’y en a jamais eu autant dans l’histoire du Québec, les polémiques sur le “Bonjour-Hi”, dont on veut faire le signe prémonitoire de la “louisianisation” du Québec, me paraissent pleines de mauvaise foi et de ressentiment. Je ne peux imaginer que cette société de millions de francophones, riche, pourvue de politiques linguistiques étatiques fortes, d’institutions nombreuses, puisse fondre comme neige au soleil de l’anglais, en quelques générations : rien dans les données démographiques ou dans l’histoire moderne ne permet à ma connaissance un pronostic aussi paranoïaque.»

Michel Lacroix, Cécile et Marx. Héritages de liens et de luttes, Montréal, Varia, coll. «Proses de combat», 2024, 239 p., p. 165.

 

P.-S.—Sur le même thème, ceci.

Moustaches du jour

Montage de livres

Au rayon poils, nous avons déjà rangé la rosette, le monosourcil, la barbestache, la biscotte et la barbe des séries. (Ce n’est pas tout.)

Voici deux ajouts.

Parlant lèvre avec son fils cadet, l’Oreille tendue a récemment découvert l’existence de la pornstache. Mieux vaut tard que jamais.

Ce matin, sur Mastodon, ceci : «Nous avons un poste ouvert en histoire contemporaine à Versailles Saint-Quentin, XIXe-XXIe, avec une orientation histoire culturelle et environnementale. Le poste est réellement ouvert : pas de moustache, pas de personne attendue. N’hésitez pas à candidater !» Pas de moustache ? «Ce n’est pas un “poste à moustache”, profilé pour correspondre au profil de quelqu’un en particulier.»

L’Oreille se couchera moins niaiseuse.

Le zeugme du dimanche matin et de Maylis de Kerangal

Maylis de Kerangal, Tangente vers l’est, 2012, couverture

«Ceux-là viennent de Moscou et ne savent pas où ils vont. Ils sont nombreux, plus d’une centaine, des gars jeunes, blancs, pâles même, hâves et tondus, les bras veineux le regard qui piétine, le torse encagé dans un marcel kaki, futes camouflage et slips kangourous, la chaînette religieuse qui joue sur le poitrail, des gars en guise de parois dans les sas et les couloirs, des gars assis, debout, allongés sur les couchettes, laissant pendre leur bras, laissant pendre leurs pieds, laissant pendre leur ennui résigné dans le vide, plus de quarante heures qu’ils sont là, à touche-touche, coincés dans la latence du train, les conscrits.»

Maylis de Kerangal, Tangente vers l’est, Paris, Verticales, coll. «Minimales / Verticales», 2012, 136 p. Édition numérique.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Vulgarisation linguistique

Le Club des cinq et la baisse du niveau, couverture satirique de @BonneCorrection

Tout le monde a quelque chose à dire sur la langue; c’est ainsi. Tout le monde n’est pas également informé sur la langue; ça se corrige. Exemples récents, et brefs.

On se gausse volontiers, au Québec, de l’expression du coup, réputée monarcoplatale, mais néanmoins utilisée à NDG par un des fils de l’Oreille tendue. Nadège Fournier, dans son travail de doctorat, s’est penchée sur les rapports du français québécois et du français de référence chez des Français et des Françaises installés à Montréal. Elle a nécessairement dû aborder cette question : «Du coup est un stéréotype du français de France tandis que fait que est propre au français québécois.» Il y en a plusieurs autres.

Faut-il simplifier l’orthographe du français ? Oui, répond Gilles Siouffi, en commençant à l’école : «Le paramètre essentiel aujourd’hui est […] l’éducation : c’est elle qui doit être le moteur essentiel des évolutions de l’orthographe — car l’orthographe, c’est certes ce qu’on pratique, mais surtout ce qu’on enseigne.»

Philippe Blanchet profite des manifestations d’agriculteurs en France pour rappeler quelques principes de la sociolinguistique. Elle a montré «que toutes les langues sont égales (y compris celles dites “patois”) : aucune n’est supérieure ou inférieure à une autre en raison de ses caractéristiques proprement linguistiques. Ce sont les hiérarchisations sociales qui se reflètent en hiérarchisation des langues ou de leurs variétés locales ou sociales particulières.»

L’Oreille a déjà dit le bien qu’elle pensait du tract Le français va très bien, merci, que publiaient en 2023 Les linguistes atterré(e)s chez Gallimard. Ce collectif a aussi un blogue. Il y a été question récemment de l’Académie française (à quoi sert-elle ?), des élucubrations d’Alain Bentolila et de l’accord du participe passé.

Tout cela est gratuit et accessible.