GBS

«Ce n’est pas une mauvaise chose
pour les politiciens en vogue,
il y a longtemps qu’ils grenouillent
pour qu’on ne parle, avec gros bon sens,
que des vraies affaires.»
Raymond Bock, 2012

Il est partout.

On le trouve dans le sport : «Il faut simplement se servir de notre gros bon sens. On veut avoir Connor à 100 %. Et si, pour ça, il faut attendre un peu plus longtemps, c’est ce qu’on va faire» (la Presse+).

Il fait partie des «mots en perte de sens» que vient de rassembler Olivier Choinière (2014). Le ministre Denis Lebel en serait l’incarnation.

Il a même son sigle : «Intéressant Ricardo, à mi-chemin entre idéalisme incarné, et “GBS” presque superficiel. Il y a matière à réflexion dans ses propos. #BazzoTV» (@jptittley).

Ce n’est pas une raison pour ne pas s’en méfier. Au contraire, il faut relire les Mythologies (1957) de Roland Barthes : «Le bon sens est comme le chien de garde des équations petites-bourgeoises : il bouche toutes les issues dialectiques, définit un monde homogène, où l’on est chez soi, à l’abri des troubles et des fuites du “rêve” (entendez d’une vision non comptable des choses)» (éd. de 1970, p. 87).

Il n’y a pas que le gros bon sens dans la vie.

P.-S. — Est-ce uniquement au Québec que le bon sens est presque toujours et comme nécessairement gros ?

 

[Complément du 5 décembre 2016]

Le GBS serait un des traits fondamentaux de «la “psyché” québécoise» (p. 87), selon Jean-Marc Léger, Jacques Nantel et Pierre Duhamel :

Pour éviter la chicane et les grands débats, le Québec est devenu une société très tolérante, permissive et accommodante. Les Québécois sont des êtres pragmatiques, prudents et concrets qui font preuve de simplicité et qui ont établi des règles sociales communes autour du «gros bon sens». Si leur caractéristique première […] est «vivre le moment présent», on peut affirmer que la seconde est le «gros bon sens» (p. 83).

 

Références

Barthes, Roland, Mythologies, Paris, Seuil, coll. «Points. Civilisation», 10, 1970, 247 p. Édition originale : 1957.

Bock, Raymond, «Mélange de quelques-uns de mes préjugés», Liberté, 295 (53, 3), avril 2012, p. 7-15. https://id.erudit.org/iderudit/66333ac

Bouchard, Michel Marc, «Sens (le gros bon)», dans Olivier Choinière (édit.), 26 lettres. Abécédaire des mots en perte de sens, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 02, 2014, p. 85-88.

Léger, Jean-Marc, Jacques Nantel et Pierre Duhamel, le Code Québec. Les sept différences qui font de nous un peuple unique au monde, Montréal, Éditions de L’Homme, 2016, 237 p. Ill.

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