Boston, 13 mars 1955

Carte de la série «Enforcers»

[On souligne ces jours-ci le soixantième anniversaire de l’émeute qui suivit l’annonce de la suspension du joueur de hockey Maurice Richard. Contexte.]

«Par un dimanche au soir en jouant à Boston
Vous auriez dû voir les fameux coups d’bâton»
(Oscar Thiffault, «Le Rocket Richard», 1955)

Le 13 mars 1955, les Canadiens de Montréal sont au Garden de Boston, là où jouent les Bruins. Ils les affrontent dans un des derniers matchs réguliers de la saison 1954-1955.

Pendant ce match, Richard est blessé par le bâton de Hal Laycoe; cette blessure nécessitera des points de suture. Ensanglanté, il réplique avec ses poings et des bâtons. Après avoir cassé le sien sur le dos d’un adversaire, il serait allé en chercher un deuxième, dont il se serait aussi servi comme d’une arme. Certains récits, dont celui de Clarence Campbell, le président de la Ligue nationale de hockey, font même état d’un troisième bâton, ce que niera fermement Richard le 20 mars 2000 dans le journal la Presse. La même année, Chrystian Goyens et Frank Orr, dans Maurice Richard. Héros malgré lui, parlent de quatre bâtons (p. 100). Quoi qu’il en soit, Richard est par la suite retenu par le juge de ligne Cliff Thompson, qu’il frappe en essayant de s’en défaire pour poursuivre la bagarre avec les joueurs des Bruins. Cela lui vaut d’être chassé du match par l’arbitre, Frank Udvari, et d’être menacé d’arrestation par des policiers bostoniens.

C’est loin d’être la première fois que Richard est sanctionné par la Ligue nationale de hockey.

Le 4 mars 1951, à New-York, dans le lobby de l’hôtel Piccadilly, Richard s’en prend à l’arbitre Hugh McLean, auquel il reprochait des décisions prises quelques jours auparavant lors d’un match au Forum de Montréal. Il recevra pour ses gestes une amende de 500 $, soit la plus lourde amende imposée par la Ligue nationale.

Le 6 décembre 1952, dans Samedi-Dimanche, où il tient chronique, Richard critique vertement des amateurs de hockey de la ville de Québec, nommément ceux du quartier Saint-Sauveur, qu’il traite de «bandits», à cause du traitement qu’ils auraient réservé à son frère Henri, celui qui n’est pas encore «Le Pocket Rocket». Au début de 1954, dans le même hebdomadaire, à la suite de la suspension de son coéquipier Bernard «Boom-Boom» Geoffrion, le chroniqueur vise plus haut. Il décide de contester l’autorité du président de la Ligue nationale de hockey, soupçonné de (dé)favoritisme ethnique : Geoffrion aurait été la victime des sentiments anti-Canadiens français de Clarence Campbell. La chronique qui a déclenché la controverse sera sa dernière avant plusieurs années : la Ligue nationale lui enjoint de cesser de signer des textes dans la presse.

Le 29 décembre 1954, les Canadiens jouent un match à Toronto. Richard se bat alors contre un joueur des Maple Leafs, Bob Bailey. (Selon l’arbitre Red Storey, dans Red’s Story [p. 71-72], Richard aurait frappé ce soir-là Bailey à coups de bâtons — de plusieurs bâtons.) Après le combat, quittant la patinoire, Richard se penche vers son entraîneur, Dick Irvin, qui lui parle, puis il fait volte-face. Revenu sur la glace, il s’en prend au juge de ligne George Hayes, qui a essayé de s’interposer entre lui et Bailey. Pour son geste, il n’est ni puni, par Storey, ni suspendu, par le président Campbell. Il doit cependant acquitter une amende de 250 $ et il est semoncé par les autorités de la Ligue nationale de hockey, qui n’entendent pas tolérer de recrudescence de la violence envers leurs officiels.

Les événements du 13 mars 1955, joints à ceux qui les ont précédés, coûteront cher à Maurice Richard.

 

[Ce texte reprend des analyses publiées dans les Yeux de Maurice Richard (2006).]

 

[à suivre]

 

[Complément du 12 décembre 2018]

 

Références

Goyens, Chrystian et Frank Orr, avec Jean-Luc Duguay, Maurice Richard. Héros malgré lui, Toronto et Montréal, Team Power Publishing Inc., 2000, 160 p. Ill. Préfaces d’Henri Richard et de Pierre Boivin.

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Richard, Maurice, «Je n’ai jamais brisé trois bâtons sur le dos de Laycoe», la Presse, 20 mars 2000, p. S6.

Storey, Red, with Brodie Snyder, Red’s Story, Toronto, Macmillan Canada, 1994, ix/245 p. Ill.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

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