Un chien sartrien et le crâne de Jean Béraud

Dans le cadre du colloque «Pour Gilles Marcotte : exercices de lecture», le 28 avril, l’Oreille tendue présentera les chroniques cinématographiques de Gilles Marcotte parues dans les journaux le Devoir et Vrai.

Deux extraits, en avant-première.

Marcotte, Gilles, «La belle et la bête. “The Little Hut”, au Palace», Vrai, 10 août 1957, p. 10.

Reste à savoir qui l’emporte, dans «The Little Hut», de Madame Ava Gardner ou du chien Nelson. […]
Le jeu de Nelson, en comparaison, s’avère moins subtil, mais peut-être plus fort. J’oserais dire, en empruntant les catégories sartriennes, qu’il s’accomplit remarquablement en tant que chien. Il ne s’aliène pas, comme une Lassie ou un Rin-Tin-Tin dans une imitation servile des réflexes humains. C’est-à-dire qu’il ne joue pas à l’homme, comme un homme peut faire la bête. Il mène sa vie de chien — en assumant la part de servitude que comporte son rôle, mais, aussi bien, en toute indifférence pour ce qui n’est pas sa caninité particulière.
J’admire fort, quant à moi, une si haute qualité d’existence.

Marcotte, Gilles, «Amours, journalisme et orgues. “Teacher’s Pet”, de George Seaton», Vrai, 17 mai 1958, p. 7.

J’espère qu’on ne voudra pas trouver dans «Teacher’s Pet» un traité cohérent des formes journalistiques. Il est vrai que le réalisateur, George Seaton, s’est particulièrement inquiété de donner de la vraisemblance au milieu qu’il dépeint — au point d’avoir peuplé la salle de rédaction de journalistes véritables, convoqués des quatre coins du continent. (M. Jean Béraud, de «La Presse», était du nombre. Il paraît qu’on lui voit le crâne, dans une séquence. N’ayant été averti de la chose qu’après avoir vu le film, je n’ai pas remarqué le crâne de M. Béraud. Je le regrette vivement. J’irai peut-être revoir le film, à la seule fin de voir le crâne de M. Béraud. Il n’arrive pas souvent qu’on puisse voir un crâne bien canadien-français dans un film américain. Il y a là un motif de fierté nationale qui n’est pas à négliger.)

 

[Complément du 11 août 2022]

Le texte de l’Oreille a paru : Melançon, Benoît, «Gilles Marcotte va aux vues», dans Karine Cellard et Vincent Lambert (édit.), Espaces critiques. Écrire sur la littérature et les autres arts au Québec (1920-1960), Québec, Presses de l’Université Laval, 2018, p. 311-323. https://doi.org/1866/28564

 

[Complément du 30 août 2023]

On peut désormais lire le texte de l’Oreille ici.

 

Affiche du colloque Gilles Marcotte, 28 avril 2016

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