La clinique des phrases (k)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit le passage suivant d’une étude universitaire récente :

Étant donnée la proximité avec la frontière canadienne, comme on a pu le voir dans certains exemples cités plus haut, la rumeur a rapidement couru que l’enfant pourrait avoir été emmené au Canada.

Pourquoi écrire «certains exemples» ? (Règle générale, dans l’écriture universitaire, prudence oblige, on abuse de certain.) Il y a des exemples qui démontrent ce que l’on avance, et d’autres, pas. Donc :

Étant donnée la proximité avec la frontière canadienne, comme on a pu le voir dans les exemples cités plus haut, la rumeur a rapidement couru que l’enfant pourrait avoir été emmené au Canada.

Les «exemples» évoqués l’ont nécessairement été «plus haut» : «plus bas» n’aurait aucun sens. Corrigeons ce premier pléonasme :

Étant donnée la proximité avec la frontière canadienne, comme on a pu le voir dans les exemples cités, la rumeur a rapidement couru que l’enfant pourrait avoir été emmené au Canada.

Si «on a pu le voir», c’est précisément parce qu’on a cité des «exemples», ci-devant «plus haut». Enlevons un second pléonasme :

Étant donnée la proximité avec la frontière canadienne, comme on a pu le voir, la rumeur a rapidement couru que l’enfant pourrait avoir été emmené au Canada.

Si «on a pu le voir», c’est qu’«on l’a vu», non ? En outre, pourquoi «pouvoir» deux fois dans la même phrase («a pu le voir», «pourrait») ? Économisons :

Étant donnée la proximité avec la frontière canadienne, comme on l’a vu, la rumeur a rapidement couru que l’enfant pourrait avoir été emmené au Canada.

N’y a-t-il pas moyen d’alléger la fin de la phrase ?

Étant donnée la proximité avec la frontière canadienne, comme on l’a vu, la rumeur a rapidement couru que l’enfant aurait été emmené au Canada.

Pour un brin plus de clarté, déplaçons un morceau de la phrase :

Étant donnée la proximité avec la frontière canadienne, la rumeur, comme on l’a vu, a rapidement couru que l’enfant aurait été emmené au Canada.

Le «comme» est-il indispensable ? Cela se discute.

Étant donnée la proximité avec la frontière canadienne, la rumeur, on l’a vu, a rapidement couru que l’enfant aurait été emmené au Canada.

L’accord, au féminin, de «donnée» ? Il paraît ne pas correspondre à l’usage actuel, sans pour autant que l’on puisse le dire fautif. Pour Marie-Éva de Villers (Multidictionnaire de la langue française, cinquième édition, édition numérique) et pour Jean Girodet, il faudrait en effet préférer l’invariabilité. Citons le second : «Pour l’expression étant donné, la règle d’accord a été longtemps incertaine. De nos jours, l’usage le plus fréquent est le suivant : 1 Placé devant le nom. Étant donné reste invariable […]. 2 Placé derrière le nom. Étant donné s’accorde en genre et en nombre […]» (Dictionnaire Bordas. Pièges et difficultés de la langue française, Paris, Bordas, coll. «Les référents», 1988 [troisième édition], 896 p., p. 250). Modernisons :

Étant donné la proximité avec la frontière canadienne, la rumeur, on l’a vu, a rapidement couru que l’enfant aurait été emmené au Canada.

À votre service.

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