Festival (orange)

On le sait : rien de tel que les festivals pour rassembler les Québécois. Il y en a de toutes sortes dans la Belle Province, à l’année longue.

La chose est tellement populaire que le mot qui la désigne a migré de ses usages circonscrits (le Festival du cochon de Sainte-Perpétue, par exemple) vers un emploi plus extensif. Deux exemples.

Au football (le canadien ou l’américain, pas le soccer), quand l’arbitre jette (trop) souvent son mouchoir (orange) — c’est le signe qu’une infraction a été commise —, on parle, du moins dans l’environnement sportif de l’aîné de l’Oreille tendue, de «festival du mouchoir».

À la radio de Radio-Canada, le 18 septembre, une mairesse d’arrondissement montréalais(e) se plaignait de la difficulté de circuler à Montréal. Ce serait la faute au «festival des cônes orange».

Des festivals ? Il y en a pour tous les goûts.

Restauration italienne + cônes orange = corruption ?

Une langue morte ?

Jean-François Cottier, Profession latiniste, 2008, couverture

Le 16 septembre, à l’émission Dessine-moi un dimanche de la radio de Radio-Canada, à laquelle l’Oreille collabore à l’occasion, on a pu entendre parler d’arguments ad populum et d’arguments ad misericordiam. Plus tôt cette année, il y avait été question de reductio ad Hitlerum et de reductio ad Prattum.

Le docteur Duguay du roman Arvida de Samuel Archibald «aimait saupoudrer du latin un peu partout dans ses phrases», par exemple felis concolor couguar (2011, p. 57). Six des chants poétiques de Toute l’œuvre incomplète de François Hébert comportent des mots dans cette langue : «C’est du latin, ici point incongru» (2010, p. 142).

Nulla dies sine linea, affirme un personnage de Vie et mort d’Anne-Sophie Bonenfant de François Blais (2009, p. 237). Dans Tiroir no 24 de Michael Delisle, c’est Ave Maria gratia plena qui remonte du passé (2010, p. 21). Hope, dans Tarmac de Nicolas Dickner, souffre d’amenorrhoea mysteriosa, «une “inexplicable absence de menstruation”» (2009, p. 98). Un personnage du Ciel de Bay City de Catherine Mavrikakis hurle, «en polonais et en latin, une variante de vade retro Satanas» (2008, p. 77).

L’Oreille tendue elle-même ne dédaigne pas, à l’occasion, de montrer son intérêt pour les langues anciennes. Aux Presses de l’Université de Montréal, elle a fondé une collection appelée «Socius» et elle a publié, de Jean-François Cottier, un petit ouvrage intitulé Profession latiniste. Il lui est aussi arrivé, à Dessine-moi un dimanche, de s’emmêler les pinceaux en essayant de montrer sa connaissance de certaines phrases usuelles dans la langue de Cicéron.

Dans la langue de tous les jours, du moins au Québec, la popularité de versus ne se dément pas.

Pourquoi aborder cette question aujourd’hui ? Parce que le Devoir des 15-16 septembre faisait paraître un cahier spécial «Éducation. Écoles privées». Publicité de l’Académie Sainte-Thérèse : «L’éducation totale. Quo non ascendet» (p. G3). Publicité du Collège de Montréal : «Programme de concentration artistique artis magia» (p. G10).

Qui a dit que le latin était une langue morte ?

P.-S. — À une époque, il y avait même du latin aux murs du vestiaire des Canadiens de Montréal (c’est du hockey). Ça ne paraît plus être le cas.

 

Références

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

Cottier, Jean-François, Profession latiniste, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Profession», 2008, 66 p. Ill.

Delisle, Michael, Tiroir no 24, Montréal, Boréal, 2010, 126 p.

Dickner, Nicolas, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p. Ill.

Hébert, François, Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p.

Mavrikakis, Catherine, le Ciel de Bay City, Montréal, Héliotrope, 2008, 291 p.

Plan de carrière

Jeune, pour payer ses études, l’Oreille tendue a occupé un poste de préposé aux bénéficiaires (il n’y avait déjà plus de malades) dans un hôpital montréalais.

Elle fréquentait alors des camarades de travail dont les activités étaient diverses : l’un transportait les repas de la cuisine, un autre passait la moppe (la serpillière), d’où son titre de moppologiste, etc.

Aujourd’hui, ces personnes sont des périsoignants (le Devoir, 15-16 septembre 2012, p. H6). Elles ont même leur site Web.

L’Oreille l’a échappé belle.

Les mots de la rentrée

Fin août-début septembre : la rentrée scolaire au Québec. Comme d’habitude : achats, préparation, nouvel emploi du temps. Et vocabulaire idoine : la langue de l’école.

Vous confiez vos enfants à une équipe-école. Ils joueront dans le parc-école et ils étudieront dans l’escalier. On leur fera faire des dictées métacognitives. Ils seront encadrés par des ressources, qu’ils auront parfois (rarement) à vouvoyer. On s’intéressera à leur cheminement et à son balisage; c’est peut-être cela l’instrumentation des processus. On sera sensible au sort des dérangeures et des enfants sporadiques, à qui on distribuera, comme à tout le monde, privilèges et conséquences. C’est normal : l’école est citoyenne et elle est en mode éducation.

Deux nouveautés, cette année.

Le collège du fils aîné de l’Oreille tendue organise des activités orientantes. Saura-t-il s’y retrouver ? (Elle, non.)

À Longueuil, près de Montréal, une équipe-école est «très enchantée» de créer «encore plus d’impact au niveau de la couleur musique» avec un nouveau programme. C’est la directrice qui le disait à la radio de Radio-Canada le 12 septembre (c’est ici, autour de la 21e minute). Pourquoi ne la croirions-nous pas ?

(Merci à @PimpetteDunoyer de la mélodieuse découverte de la «couleur musique».)

Le zeugme du dimanche matin et de David Turgeon

David Turgeon, les Bases secrètes, 2012, couverture

«Le matin venu, les yeux endoloris, plutôt que de rattraper le moindre sommeil, Charpelle fils se fit une très vague toilette, puis avala à la file trois espressos et autant d’heures de route, carte routière sur les genoux, contrat type sur la banquette arrière.»

David Turgeon, les Bases secrètes. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 59, 2012, 189 p., p. 131.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)