Du sapin passé

Soit la phrase suivante, de l’ex-défenseur Guy Lapointe, dans une entrevue donnée à la Presse+ : «[Benoît] Pouliot avait été extraordinaire en séries à Sudbury. [Carey] Price aussi m’avait impressionné. Un soir où on était allés le voir, il avait donné un sapin de la ligne rouge en première période, mais il ne s’était pas laissé abattre» (20 mars 2016).

Qu’est ce que ce «sapin» qui n’a pas abattu le futur gardien des Canadiens de Montréal — c’est du hockey ?

Qui se fait passer un sapin, un Québec, se fait avoir, se fait «rouler» (dixit le Petit Robert, édition numérique de 2014).

Carey Price a donné un but qu’il n’aurait pas dû donner, du centre de la patinoire («la ligne rouge»). Ce soir-là, il a été eu, puis il s’est repris.

P.-S. — On peut aussi se faire passer un Québec : «Il reste une certitude, c’est que Québec ne pardonnera pas de s’être fait “passer un Québec”, comme on dit dans le langage courant» (l’Événement, 1959, cité dans le Colisée contre le Forum, p. 272). Ce n’est pas plus agréable.

 

[Complément du 31 mars 2016]

Visite de l’Oreille tendue chez l’orthodontiste ce matin, pour son fils cadet. Celui-ci devra incorporer une nouvelle pratique à son hygiène dentaire quotidienne : se passer le sapin (une petite brosse) tous les soirs.

 

Référence

Cantin, Philippe, le Colisée contre le Forum. Mon histoire du hockey. Tome 1, Montréal, La Presse, 2012, 538 p. Ill.

Langue de puck et de Québec

Cet après-midi, l’Oreille tendue sera à Québec, au Musée de la civilisation, pour parler de la langue du hockey (renseignements ici).

Elle utilisera nombre d’exemples, notamment ceux qui suivent.

«Y a des finales jusqu’au mois d’mai» (Dominique Michel, «Hiver maudit : j’haïs l’hiver», chanson 1979).

«Béliveau purgeait une mineure sur le banc des punitions» (phrase citée par Jacques Bobet, «Chronique (sans ironie) sur la presse sportive française», p. 175).

«le gros 61 loge un boulet sous le biscuit du gardien» (Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, p. 187).

«La députée libérale Lucienne Robillard a annoncé hier qu’elle accrochait ses patins politiques» (le Devoir, 5 avril 2007).

Dans House of Cards, le personnage de Leann Harvey (Neve Campbell) «joue dur dans les coins de patinoire» (la Presse+, 10 mars 2016).

«Si la nature est ton amie, tu pognes un deux meunutes» (Erika Soucy, les Murailles, p. 30).

«C’était le tombeur de la poly, celui qui niaisait pas avec la puck pis qui t’amenait à son chalet c’était pas trop long» (Erika Soucy, les Murailles, p. 86-87).

«À une époque où les pucks étaient faites de crottin» (Loco Locass, «Le but», chanson, 2009).

«Vite, vite, qu’on en finisse avec ce centenaire qui a duré 100 ans. Leurs bras meurtris ne tendent plus le flambeau, ils nous assomment avec» (Yves Boisvert, la Presse, 4 décembre 2009).

«les fantômes ont failli» (Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, p. 16).

Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, 2012.

«Jeu-questionnaire. Connaissez-vous votre flanelle ?» (la Presse+, 26 décembre 2015)

 

Références

Bobet, Jacques, «Chronique (sans ironie) sur la presse sportive française», Liberté, 57 (10, 3), mai-juin 1968, p. 175-187. https://id.erudit.org/iderudit/60373ac

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.

Soucy, Erika, les Murailles, Montréal, VLB éditeur, 2016, 150 p.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Langue de (gestion de) puck

Il n’y a pas lieu de s’en étonner : le vocabulaire de la gestion est désormais présent dans la langue du hockey, comme il l’est dans toutes les sphères de la vie sociale.

Il fut un temps où il y avait des entraîneurs adjoints. Ce sont devenus des entraîneurs associés. (Les dirigeants de grandes surfaces y ont pensé avant les gérants d’équipes sportives.)

On leur confie, comme à tous les membres de l’équipe de direction, des mandats, pour lesquels ils doivent être imputables. On les invite aussi à relever des défis.

Dans la société, certains génèrent de la richesse. Sur la glace, d’autres génèrent de l’attaque ou des occasions de marquer.

Les mots dominants en cette matière sont gérer et gestion, et l’analyste sportif Marc Denis, au Réseau des sports, en est particulièrement friand. Quatre exemples, parmi mille : «gestion de rondelle dans sa zone» (3 février 2012); gestion, par le gardien, du «trafic devant son filet» (3 février 2012); «gestion de la possession de la rondelle» (1er mai 2014); «gestion d’un match par un gardien de but» (22 mai 2014).

On n’arrête pas le progrès.

P.-S. — Merci à @jeanmilot qui a jadis attiré l’attention de l’Oreille tendue sur cet aspect de la langue de puck.

 

[Complément du 3 juillet 2018]

La mémoire est la faculté qui oublie. L’Oreille a déjà abordé cette question… le 22 avril 2014.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Le hockey, sport maritime

Dans son livre sur le lexique du hockey, Langue de puck (2014), l’Oreille tendue signalait que ce sport a une forte dimension liquide : on peut faire prendre une tasse de café à un adversaire, l’embouteiller dans sa zone, même si son coup de patin est fluide, sans avoir besoin de se paqueter un club.

Le hockey a aussi une dimension maritime.

L’équipe perdante baisse pavillon. Le filet du gardien de but pourrait sortir de ses amarres (mais c’est un contresens : le filet n’est pas retenu par un cordage). D’un cerbère qui s’agite, étendu, généralement à l’embouchure de sa cage, on dit qu’il nage. Bien qu’il ne soit pas possible de faire une passe dans le courant, on peut en faire une à contre-courant; il ne faut cependant pas qu’elle soit flottante. On s’attend à un effort constant de tous les membres de l’équipe : pas de passager, décrète-t-on.

Tout cela sur la glace, ce qui est un brin paradoxal.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

La langue de puck (de tous les jours)

Fanny Britt, les Maisons, 2015, couverture

Certaines expressions propres au hockey trouvent difficilement à s’exprimer ailleurs : il est rare que l’on évoque le style papillon hors des patinoires.

En revanche, on peut donner son 110 % en tous lieux, avant de raccrocher ses patins ou de déplorer que la puck ne roulait pas pour nous autres.

L’Oreille tendue ne s’était jamais interrogée sur l’expression agent libre et son extension. Elle aurait dû.

Dans le monde du sport, l’agent libre est un joueur qui peut s’associer à l’équipe de son choix, sans que qui que ce soit ait à en souffrir (du moins monétairement).

Cela se pratiquerait aussi en matière amoureuse. C’est du moins ce que laisse entendre un passage du roman les Maisons de Fanny Britt (2015) :

— Oh. Je pensais que t’étais un agent libre.
Rappelle-toi de ses hosties d’expressions débiles, rappelle-toi qu’on n’a pas envie d’un homme qui utilise un terme comme «agent libre» pour nous décrire quand il veut couvrir sa couardise.
— Oui, oui, c’est pas faux (p. 160).

L’agent libre amoureux n’aurait pas d’attaches. Tout le monde n’apprécie pas pareilles «hosties d’expressions débiles».

 

Références

Britt, Fanny, les Maisons. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2015, 221 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture