La douceur du foyer

L’art est un sport de combat, 2011, couverture

L’Oreille tendue connaissait l’existence du «théâtre d’appartement» : des gens viennent jouer chez vous. Elle ignorait celle de la «lutte d’appartement».

Voici la définition qu’en donne Jean-Marc Huitorel dans un livre récent (où il est notamment question de la représentation de la boxe en art contemporain), L’art est un sport de combat :

Dans The New Life (1996), [l’artiste américain Cameron Jamie] se bat, masqué, contre un sosie de Michael Jackson, reprenant là l’engouement des Mexicains pour la lutte d’appartement où, par petites annonces, on contacte son adversaire pour un combat privé, sans règles, où violence et jeux sexuels constituent un mélange aussi explosif que potentiellement dangereux (p. 16).

On n’arrête pas le progrès.

 

Référence

Huitorel, Jean-Marc, Christine Mennesson et Barbara Forest, L’art est un sport de combat, Calais et Arles, Musée des beaux-arts de Calais et Analogues, maison d’édition pour l’art contemporain, 2011, 127 p. Ill. Édition bilingue français-anglais.

Sixième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Denis Diderot, timbre commémoratif

Symploque

Définition

«Emploi simultané de l’anaphore [répétition initiale] et de l’épiphore [répétition finale]» (Gradus, éd. de 1980, p. 439).

Exemple

«Tu diras que c’est là se démener diablement; et tu auras raison. Tu diras que ce n’est pas la peine de tant tourner, pour trouver le dernier sommeil; et tu auras raison. Tu diras qu’il faut revenir le plus tôt possible et par le plus court chemin; et tu auras raison» (lettre de Diderot à sa femme, octobre 1773, éd. Roth-Varloot, vol. XIII, p. 73).

 

Références

Diderot, Denis, Correspondance, Paris, Éditions de Minuit, 1955-1970, 16 vol. Éditée par Georges Roth, puis par Jean Varloot.

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Extension du domaine de la bibliothéconomie

Bibliothèque, Montréal, 2011

L’Oreille tendue est père de deux machines à manger. Elle est donc familière, dans leur incarnation industrielle, avec les ramen, cette branche très basse de la famille des nouilles, en sachet et en poudre. Elle ne savait cependant pas, jusqu’à tout récemment, qu’on pouvait les ranger, voire les classer dans une «raménothèque». C’est Nicolas Dickner qui le dit dans Tarmac (2009, p. 264). Croyons-le.

 

[Complément du jour]

Sur Twitter, à la suite de la parution de ce texte, Nicolas Dickner (@nicolasdickner) écrit qu’il «rêve d’une taxothèque, qui serait le répertoire de toutes les *thèques». À sa raménothèque, le Petit Robert (édition numérique de 2010) permet déjà d’ajouter ceci : artothèque, bibliothèque, cartothèque, cassettothèque, cinémathèque, diathèque, discothèque, filmothèque, génothèque, glyptothèque, iconothèque, infothèque, logithèque, ludothèque, médiathèque, phonothèque, photothèque, pinacothèque, pochothèque, programmathèque, sonothèque, téléthèque, vidéothèque. Ce n’est qu’un début.

 

[Complément du 12 avril 2012]

Nicolas Dickner a de la suite dans les idées. Dans une chronique parue dans Voir le 6 janvier 2010, il parle des «collectionneurs fous qui possèdent des catalogothèques exhaustives». De quoi ? Des catalogues IKEA. Ce sont des «ikéathécaires» (éd. de 2011, p. 126).

 

[Complément du 20 mai 2015]

Sur Twitter, l’Oreille vient de repérer deux -thèques qu’elle ne connaissait pas : la gypsothèque et la grainothèque.

 

[Complément du 5 janvier 2016]

Récolte du jour : une mangathèque et une chimiothèque.

 

[Complément du 24 janvier 2016]

Récolte du jour…

Via Marc Cassivi : «En attendant le jour propice où, plus grands, apercevant Fargo, Paris, Texas ou une autre pépite d’or dans la DVDthèque, ils se retourneront pour me demander : “C’est quoi, ça ?”» (la Presse+, 24 janvier 2016)

Via @bibliomancienne :

Bièrothèque, via Marie D. Martel

 

[Complément du 15 février 2016]

Les -thèques ne connaissent parfois pas de limites. Serait-ce le cas de l’Everitouthèque ? Every et Tout, ça fait beaucoup. (Merci à @ljodoin pour le tuyau.)

 

[Complément du 30 mars 2016]

Merci à l’Office québécois de la langue française de nous faire découvrir la défauthèque : «Document ou fichier qui recense différents types de défauts d’un produit, permettant de juger de son acceptabilité pour une clientèle.»

 

[Complément du 2 avril 2016]

Une bédéthèque, dans le Devoir du jour : «Comment diable André Franquin, si las, parvient-il à faire de ce QRN le chef-d’oeuvre que l’on sait ? On a tout intérêt à relire l’album, non pas le vieux tome écorné de votre bédéthèque perso, mais bien la toute récente et fascinante édition… commentée» (2-3 avril 2016, p. E6).

 

[Complément du 6 juillet 2016]

Xylothèque ? Évidemment : «Endroit où est conservée une collection d’échantillons de bois, notamment dans le but d’étudier l’anatomie et la physiologie de différents arbres», dixit l’Office québécois de la langue française.

 

[Complément du 19 septembre 2016]

Marc Langevin, le personnage principal du roman Vox populi (2016) de Patrick Nicol, gère une matériathèque :

La matériathèque est une pièce d’environ cinq mètres par cinq. Deux de ses murs sont couverts d’étagères et d’armoires verrouillables où sont rangés différents types de papier pour différents types d’impression, des outils ou de petits appareils — caméras, perceuses, enregistreuses numériques — et des ouvrages de référence. Plusieurs chariots roulants supportent une bonne quantité de dictionnaires destinés à être empruntés par les élèves. Un poste informatique est aménagé sur le mur du fond et, à l’opposé, se trouve le guichet par où Marc dispense ses services et qu’il devrait ouvrir, maintenant, puisqu’il est l’heure (p. 14-15).

 

[Complément du 20 septembre 2016]

Grâce à @mhvoyer, l’Oreille découvre «les Boulathèques, hauts-lieux du billard implantés à Lévis, Rimouski et Baie-Comeau». (Merci.)

 

[Complément du 11 octobre 2016]

Si l’on croit ce tweet, il existerait dorénavant des tissuthèques.

 

[Complément du 10 février 2017]

Que forment des bibliothécaires engagés dans la résistance politique et armés d’une collection de ressources ? Une résisthèque, dixit @bibliomancienne.

 

[Complément du 20 février 2017]

Une fabricathèque ? Par .

 

[Complément du 17 octobre 2017]

Pour le patrimoine, il y a la patrimathèque.

Pour les didacticiels, il y a la didacthèque.

 

[Complément du 18 février 2018]

Jean Cabut, alias Cabu, fait partie des collaborateurs de Charlie hebdo assassinés en janvier 2015. Sa ville natale, Châlons-en-Champagne, vient de décider de rebaptiser son espace Cabu en Duduchothèque, en souvenir du personnage du Grand Duduche. On peut légitimement penser que ce sera un cas unique. (Source : Livres hebdo, 16 février 2018.)

 

[Complément du 29 août 2019]

Lancer un service de don et d’échange de vêtements ? La médiathèque Persépolis (Saint-Ouen) aura sa fringothèque. On ne la confondra pas avec la Fringuothèque.

 

[Complément du 25 novembre 2019]

Via @bibliomancienne : «Dans le livre “Le pouvoir des imaginaires” (édition Arkhé, 2018), on réfère aux “bricothèques” (p. 23) pour décrire ces premières initiatives de mutualisation d’outils.»

Via @PCHAMOISEAU : «Identifier dans sa bibliothèque ce qui pour soi est bouleversant, essentiel ou déterminant : une sentimenthèque.»

 

[Complément du 11 août 2021]

Pour emprunter des objets, il y a, évidemment, l’objethèque (dixit Twitter).

 

[Complément du 20 juin 2022]

À Madrid, on range les chats à la gatoteca. (Merci à Luc Jodoin.)

 

[Complément du 24 décembre 2023]

C’est la veille de Noël : pensez aux joujouthèques.

 

Références

Dickner, Nicolas, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p. Ill.

Dickner, Nicolas, «Marshall McLuhan chez IKEA», Voir, 6 janvier 2010, repris dans le Romancier portatif. 52 chroniques à emporter, Québec, Alto, 2011, p. 125-128.

Nicol, Patrick, Vox populi. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 98, 2016, 89 p.

Histoire(s) de cheveu(x)

Ceci, dans la 37e livraison de la série (à lire et à suivre) «autobiographie des objets» de François Bon : «Dans la vitrine du coiffeur Barré, son propre instrument : l’accordéon. Il donnait aussi des cours, et participait à un orchestre de bal, deux vies qui nous étaient inconnues, hors de portée des clients du coiffeur aux gestes lents, aux favoris précis, à la calvitie lissée.»

Cette «calvitie lissée» — l’Oreille tendue n’est pas insensible aux histoires de cheveux, voire de cheveu — lui rappelle qu’elle a, dans les entrailles de son Mac (la majuscule est importante), un fichier de citations postchevelues.

Extraits (rubrique «Série noire»)

Kaminsky, Stuart M., Judy et ses nabots, Paris, Gallimard, coll. «Super noire», 121, 1978, 246 p. Traduction de Simone Hilling. Édition originale : 1977.

«La cinquantaine, un visage rond et une petite bouche un peu molle. Il a le nez droit et porte des lunettes rondes en écaille. Son crâne se déplume et ses cheveux sont clairsemés, mais il les ramène en avant sur la gauche, pour combattre le désert laissé par le temps» (p. 156-157).

Kaminsky, Stuart M., Chico, banco, bobo, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1755, 1979, 213 p. Traduction de Simone Hilling. Édition originale : 1978.

«Costello avançait, courbé, les bras tendus comme un lutteur. L’Anglais avançait, très droit, bras droit tendu. Il s’écarta de la trajectoire de Costello et voulut le saisir aux cheveux. Mais Costello n’en avait pas» (p. 95).

Kaminsky, Stuart M., Dracula fait maigre, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1831, 1981, 249 p. Traduction de Simone Hilling. Édition originale : 1980.

«Rouse avait dans les soixante ans, un ventre énorme, des dents et des cheveux en nombre à peu près égal, soit six. En salopette et chemise de finette, il mastiquait énergiquement» (p. 133).

Kaminsky, Stuart M., Un clown en cage, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1894, 1982, 247 p. Traduction de Simone Hilling.

«Le sommet de son crâne était presque chauve, et j’eus l’impression de pouvoir y lire le passé, mais pas l’avenir» (p. 138).

Benjamin, Paul [pseudonyme de Paul Auster], Fausse balle, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 2295, 1992, 278 p. Traduction de Lili Sztajn. Édition originale : 1982.

«Le soleil ne s’engouffrait pas à flots à travers les deux fenêtres grillagées percées dans le mur est; elles n’avaient pas vu de chiffon depuis le jour où Monsieur propre était devenu chauve et je gardais le plafonnier allumé à toute heure» (p. 23).