L’oreille tendue de… Nathalie Sarraute

Nathalie Sarraute, Vous les entendez ?, éd. de 1972, couverture

«Soudain, il s’interrompt, il lève la main, l’index dressé, il tend l’oreille… Vous les entendez ?… Un attendrissement mélancolique amollit ses traits… Ils sont gais, hein ? Ils s’amusent… Que voulez-vous, c’est de leur âge… Nous aussi on avait de ces fous rires… Il n’y avait pas moyen de s’arrêter…»

Nathalie Sarraute, Vous les entendez ? Roman, dans Œuvres complètes, édition publiée sous la direction de Jean-Yves Tadié, avec la collaboration de Viviane Forrester, Ann Jefferson, Valérie Minogue et Arnaud Rykner, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 432, 1996, 2128 p., p. 737-834, p. 737. Édition originale : 1972.

L’oreille tendue de… Daniel Grenier

Daniel Grenier, Françoise en dernier, 2018, couverture

«François les a laissés continuer pour aller refermer et verrouiller la porte du patio. Elle a tendu l’oreille. Ils se parlaient tout bas, elle disait : t’as vu la peinture, là, tu penses-tu que ça vaut de quoi ? Et il a répondu : prends-la, on sait jamais. Non, fuck that, c’est sûrement une reproduction cheap du Ikea.»

Daniel Grenier, Françoise en dernier. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 16, 2018, 217 p., p. 38.

L’oreille tendue de… Jack Kerouac, bis

Jack Kerouac, Visions de Gérard, éd. de 2012, couverture«Le bienheureux prêtre, le Père Anselme Fournier, de Trois Rivières, Québec, le dernier de douze fils mais le premier aux yeux de son père, les mains roses là où il aurait pu avoir les mains rendues calleuses par la terre d’Abraham, reçoit Ti Gérard dans le confessionnal en faisant glisser son panneau et en tendant une oreille prompte et docile, chargée par un long après-midi —— Des toussotements tournent au plafond et raclent le sol, et se posent sur la mer de stalles, un prie-dieu grince Sca-ra-at ! et un bang rude s’élève, en harmonie, près de l’autel où quelqu’un s’affaire, avec force craquements, avec une chaise et des mouchettes à cierges.»

Jack Kerouac, Visions de Gérard, traduction de Jean Autret, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 5389, 2012, 192 p., p. 57.

Dans l’original : «The fortunate priest, Père Anselme Fournier, of Trois Rivières Quebec, the last of twelve sons but the first in his father’s eye, pink-handed where he might have been horny-handed from the soil of Abraham, receives Ti Gerard in the confessional by sliding open his panel and bending quick ear obedient and loaded with long afternoon—Coughs revolve around the ceiling and sail and set in the pew sea, a knee-rest scrapes Sca-ra-at ! with a harsh harmonizing bang from the altar where a worker creaks around with chair and candle snuffer—» (Visions of Gerard, New York, Penguin Books, 1991, 130 p., p. 26).