Is(c)h, bis

Euroglish, globisch, globalesisch, denglisch, hinglish, chinglish : l’Oreille tendue causait il y a quelques jours de plusieurs cas d’hybridation linguistique.

Le magazine The New Yorker, dans son édition du 31 mai, publie un compte rendu, par Isaac Chotiner, de Globish. How the English Language Became the World’s Language, l’ouvrage que vient de faire paraître Robert McCrum.

Trois choses à retenir du compte rendu.

Le mot Globish, pour désigner une forme d’anglais basique permettant la communication entre usagers de langues différentes, aurait été créé par Jean-Paul Nerrière, un ex-cadre français de IBM. (Pourquoi n’est-on pas étonné que cela soit venu du monde électronique ?)

À la liste des mots en –ish de l’Oreille, il manquait Spanglish. Il faut dorénavant y ajouter le Tanglish, ce mélange de tamoul et d’anglais.

Chotiner, parlant des mécanismes de domination des langues, écrit ceci : «Armies and navies are ultimately more important than syntactic mechanisms in establishing a language’s dissemination.» Cela permet de rappeler, une fois de plus, combien l’essayiste québécois André Belleau avait vu juste en 1983 : «Une langue, c’est un dialecte qui s’est doté un jour d’une armée, d’une flotte et d’un commerce extérieur…» (éd. de 1986, p. 118).

 

[Complément du 25 septembre 2016]

Découvertes en ligne, grâce à un tweet de @MichelFrancard, ces deux autres variétés : le Konglish (Corée) et le Singlish (Singapour).

 

Références

Belleau, André, «Langue et nationalisme», Liberté, 146 (25, 2), avril 1983, p. 2-9; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 88-92; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 115-123; repris, sous le titre «Langue et nationalisme», dans Francis Gingras (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Espace littéraire», 2014 (troisième édition), p. 425-429; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 113-121. https://id.erudit.org/iderudit/30467ac

Chotiner, Isaac, «Globish for Beginners», The New Yorker, 31 mai 2010.

McCrum, Robert, Globish. How the English Language Became the World’s Language, New York, W. W. Norton & Company, 2010, 331 p.

Fil de presse 005

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

Où l’on constate, une fois de plus, que l’analyse de texte est un art : quand Pierre Jourde, sur BibliObs, lit, avec brio, le dernier roman de Philippe Djian, Incidences. (À la fin, il n’en reste plus rien.)

Où l’on découvre que certaines sonorités ont actuellement la cote en anglais (numérique) : quand la lexicographe Erin McKean, la fondatrice de Wordnik, s’attaque aux mots en –ext, par exemple Quebexting.

Où l’on déplore la faiblesse grammaticale de certaines publicités : quand Éric Dupin, sur le blogue PresseCitron, corrige la copie de Audi.

Où l’on s’incline devant la passion des utilisateurs de dictionnaires : quand on apprend qu’un physicien australien conteste la définition du mot siphon dans le Oxford English Dictionary, définition restée inchangée, et jugée fautive par Stephen Hughes, depuis… 1911.

Chronique faunique

Passage étonnant dans un texte du Devoir consacré à la pornographie numérique :

Couples hétérosexuels, homosexuels, transsexuels, jeunes collégiennes en chaleur, couguars, cuirette et compagnie, tout est là en provenance des productions d’aujourd’hui, comme des studios des années 70.

Faut-il entendre, couguars obligent, une allusion à la zoophilie ?

Que nenni : les couguars sont ces femmes, moins jeunes qu’elles ne l’ont déjà été, qui prennent des amants (beaucoup) moins âgés qu’elles.

La morale est sauve (en quelque sorte).

 

[Complément du 11 septembre 2012]

La couguar pourrait aussi se faire pygmalionne. Qu’on se le dise.

 

[Complément du 5 juin 2018]

Dans Gens du milieu, de Charles-Philippe Laperrière (2018), l’accord en genre, dans la phrase suivante, ne porte donc pas à confusion :

Héritier déserteur, fils de grande fortune magnétisé par son propre écrasement, ce Gaétan-là aurait trouvé tout de suite son content dans la fumée épaisse des Craven A, la bonne vieille bohème soûlographique, la fraternité de comptoir et, au fond de la nuit, la joie, futile et fugitive, en cette sorte d’affection froide qu’offrent les péripatéticiennes et les cougars blessées (p. 170-171).

Oui, on peut dire couguar ou cougar, selon le Petit Robert (édition numérique de 2014), qui propose la définition suivante : «Femme quadragénaire ou quinquagénaire qui recherche et séduit des hommes beaucoup plus jeunes qu’elle.»

 

Références

Guglielminetti, Bruno, «Technologie. L’industrie de la pornographie en ligne se sent menacée par le piratage», le Devoir, 10 mai 2010, p. B7.

Laperrière, Charles-Philippe, Gens du milieu. Légendes vivantes, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 121, 2018, 178 p.

Mot-valise du jour

Pour des raisons inexplicables, Apple a des détracteurs, permanents ou temporaires. Ils viennent de trouver une nouvelle façon de s’en prendre à la Pomme, en rebaptisant la compagnie Appholes (Apple + assholes). Le mot viendrait de Jon Stewart dans son émission télévisée, The Daily Show, du 28 avril.

L’Oreille tendue admire la création, mais elle compatit (presque) avec la victime (un tout petit peu).

Suggestion du jour

Sur Twitter, le 28 avril, une fidèle lectrice de l’Oreille tendue proposait un mot pour désigner l’«abus d’ornementations sous Office : bordure étoiles, comic ms dégradé rose, liste à puces en cœur, fond de page motif plage…»

Ce mot ? Rococotique.

Cette lectrice ? PimpetteDunoyer.

Pas étonnant qu’elle ait pensé à rococo, elle qui a choisi comme pseudonyme le nom d’un des amours de jeunesse de Voltaire.