Le niveau baisse ! (1725)

«From the Civil War to this present Time, I am apt to doubt whether the Corruptions in our Language have not at least equalled the Refinements of it… most of the Books we see now a-days, are full of those Manglings and Abbreviations. Instances of this Abuse are innumerable : What does Your Lordship think of the Words, Drudg’d, Disturb’d, Rebuk’t, Fledg’d, and a thousand others, every where to be met in Prose as well as Verse ?» (lettre de Jonathan Swift à Robert, Earl of Oxford, 1725).

Source : David Shariatmadari, «Why It’s Time to Stop Worrying About the Decline of the English Language», The Guardian, 15 août 2019.

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Accouplements 138

Portrait de Robert B. Parker et de Michael Connelly

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

L’Oreille tendue a passé des centaines d’heures à lire les romans policiers de Robert B. Parker et de Michael Connelly. Pourquoi ? C’est qu’elle aime savoir.

Parker, Robert B., Chasing the Bear. A Young Spenser Novel, New York, Philomel Books. Penguin Young Readers Group, 2009. Édition numérique.

«“Better to know than not know,” Susan said» (chapitre 5).

Connelly, Michael, Dark Sacred Night. A Renée Ballard and Harry Bosch Novel, New York et Boston, New York et Boston, 2019, 473 p. Ill. Édition originale : 2018.

«And it’s better knowing than not knowing, Mike» (p. 357).

Divergences transatlantiques 056

Élisabeth Benoit, Suzanne Travolta, 2019, couverture

Suzanne Travolta, l’intrigant roman d’Élisabeth Benoit paru en 2019, se déroule à Montréal. Plusieurs lieux y sont clairement évoqués : «notre chère rue Waverly» (p. 22); «Mike et moi partagions un bureau au premier étage du bâtiment principal, boulevard René-Lévesque (Mike disait Dorchester)» (p. 49); «Il fallait être montréalais comme l’était Ray pour aimer ainsi de toute son âme la laideur du boulevard Saint-Laurent, qui était une des plus belles choses que Ray ait vues de sa vie» (p. 153). Les expressions québécoises y sont nombreuses, par exemple «être dans le champ» ou «virer sur le top». On y entend de l’anglais.

Le lecteur n’est donc pas étonné de voir désigner des chaussures de sport par l’expression running shoes. Le site Français de nos régions a bien mis en lumière, cartes à l’appui, la concurrence, en Amérique du Nord, de ce mot avec espadrilles, sneaks / sneakers, shoe-claques voire baskets.

En revanche, l’Oreille tendue n’a pas souvenir d’avoir jamais entendu le mot au féminin : «infectes running shoes roses» (p. 91), «une de ses running shoes roses» (p. 142), «sa running shoe» (p. 143). Or le Petit Robert (édition numérique de 2019) va dans le même sens qu’Élisabeth Benoit : «N. f. Chaussure de sport pour la course à pied.»

Deux communautés séparées par une langue commune, la France et le Québec ?

P.-S.—Pendant que nous y sommes : l’endroit où l’on mange est un diner (sans accent) plutôt qu’un dîner (avec) (p. 173).

 

Référence

Benoit, Elisabeth, Suzanne Travolta. Roman, Paris, P.O.L, 2019, 251 p.

Mourir, dans deux langues

L’Oreille tendue est bien prête à le croire : tout le monde, dit-on, va mourir un jour. Elle n’en disconvient pas.

Cela étant, elle a beaucoup de mal à comprendre pourquoi de plus en plus de gens refusent d’employer le verbe mourir. Si tout le monde doit y passer, n’y aurait-il pas moyen de le dire simplement ?

Dès 2009, elle demandait une chose simple : «Laissez-les mourir.» Elle n’a pas été entendue. (Elle s’y attendait.)

Sur Twitter, elle a découvert, hier, que le mal est le même en français et en anglais : dans ces deux langues, l’euphémisme fleurit.

Cela l’attriste, sans l’étonner.

Oui, mais non

Marc Denis est un ancien gardien de but de la Ligue nationale de hockey, devenu analyste au Réseau des sports. L’Oreille tendue apprécie, dans l’ensemble, sa maîtrise de la langue française. Comme n’importe qui, Marc Denis a ses marottes — la patinoire est la «surface glacée», à une époque il aimait vraiment beaucoup le verbe gérer —, mais tout le monde en a. Pour le reste, il s’exprime avec justesse et aplomb.

Les oreilles de l’Oreille ont cependant saigné (un peu) hier soir.

Marc Denis refuse d’utiliser le mot anglais statement dans ses commentaires, ce qui est tout à son honneur. En revanche, quand il le remplace par énoncé, ça grince.

«Les joueurs ont voulu faire un énoncé» ? Non. «C’était un match-énoncé» ? Pas plus. Les Canadiens de Montréal se moquent des Islanders de New York ? C’est une bonne nouvelle, pas un «énoncé».

Quand Marc Denis dit «Les Canadiens ont battu les Islanders», ça, c’est un énoncé, au sens linguistique du terme : «Résultat, réalisation de l’acte de parole. […] Segment de discours ainsi produit» (le Petit Robert, édition numérique de 2014).

À chacun ses énoncés, et les victoires seront bien gardées.

P.-S.—Oui, c’est de la langue de puck.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture