L’oreille tendue de… Sébastien Bailly

Sébastien Bailly, «15 – Les mots-croisés», 19 avril 2020, illustration

«Il sera plus fort que l’oppression. Il s’échappera. Il écrit sur sa chemise, au feutre, l’adresse de cet hôtel des Marquises qui l’a toujours fait rêver. Se colle un timbre sur le front. Plus qu’à se jeter dans la première boîte aux lettres venue, fermer les yeux et quand il les rouvrira il y sera, forcément. S’il tend l’oreille, il devine le clapotis de l’eau contre la coque des voiliers. L’homme se demande s’il ne perd pas un peu les pédales en refermant le dictionnaire.»

Sébastien Bailly, «15 – Les mots-croisés», 19 avril 2020.

 

P.-S.—Dans quelques mois, l’Oreille tendue publiera une chronique sur les lettres humaines.

Le zeugme du dimanche matin et d’Yvan Leclerc

Centre Flaubert, logo

«Dès lors, les deux hommes s’éloignent : Du Camp ne comprend pas ce fort tempérament littéraire [Flaubert] qui s’enferme avec sa mère et sa maladie dans une “vie neutralisante” […].»

Yvan Leclerc, Crimes écrits. La littérature en procès au 19e siècle, Paris, Plon, 1991, 447 p., p. 136. Réédition : 2021.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Deux lyo(n)nismes du jour

Robert Belleret, Paul Bocuse, 2019, couverture

«On aura compris que ce qui peut apparaître comme du folklore lyonnais ou de la lyonnaiserie — ou mâchon rime avec bouchon, grattons avec saucisson — est indissociable de l’histoire de Paul Bocuse. Lyonnais ontologique, Collongeard consubstantiel, c’est de son ancrage régional et de son enracinement dans un paysage que Paul Bocuse a tiré sa force, et par sa spécificité qu’il a conquis une reconnaissance nationale et internationale — pour ne pas dire une certaine universalité. Personnage promis à la légende, Monsieur Paul n’aurait pu s’épanouir hors sol : il lui fallait un environnement favorable pour croître et exister, une manière de lyonnitude profonde qui n’est pas l’exact contraire du parisianisme frivole ou mondain.»

Robert Belleret, Paul Bocuse. L’épopée d’un chef. Biographie, Paris, Éditions de l’Archipel, coll. «Biographie», 2019, 259 p., p. 97.

Les verbes de la Notulie

Soit deux passages de la livraison du 29 septembre des Notules dominicales de culture domestique de Philippe Didion :

«Dépaysement spatio-temporel assuré, meubles lourds et sombres, papier peint chamarré, abat-jour à glands, assiettes aux murs, chatons de porcelaine, petits pots d’étain et casseroles en cuivre, je ne suis plus à Gouzon, je suis à Tigreville, dans l’hôtel tenu par Albert Quentin et sa femme, Jean Gabin va surgir et m’emmener descendre le Yang-Tsé-Kiang et force cruchons en sa compagnie.»

«Lafargue attaque Hugo bille en tête, quelques jours après sa mort et ses funérailles nationales, vaste opération commerciale de récupération à ses yeux. C’est un feu roulant qu’il envoie contre l’écrivain national qui n’aura été l’homme que d’une seule cause, la sienne : ami de la royauté puis de la bourgeoisie, homme d’argent, homme sans parole, menteur, dissimulateur, tout y passe. Il faut bien sûr faire la part de l’outrance dans les propos d’un socialiste qui après avoir épousé les idées et la fille de Karl Marx était du genre intransigeant.»

On peut, donc, descendre un fleuve aussi bien qu’un cruchon, épouser des idées tout autant qu’une fille. Admirons.

P.-S.— La Notulie ? Par ici.