Créativité linguistico-commerciale

L’Assemblée nationale du Québec n’aime pas le «Bonjour / Hi», cette entrée en matière que l’on entend beaucoup dans les commerces montréalais. Les 29 et 30 novembre 2017, une motion proposée par le Parti québécois portait sur cette question.

Comment respecter le souhait de l’Assemblée nationale de ne pas utiliser cette formule et continuer à pratiquer le bilinguisme d’accueil commercial ?

Des sources conjugales proches de l’Oreille tendue lui font découvrir le «Hi / Bonjour». C’est la même chose, mais ce n’est pas pareil.

Divergences transatlantiques 053

Deux paires de chaussures suspendues, Montréal, 5 juin 2010

Certaines personnes — l’Oreille tendue n’en est pas — aimeraient courir, dit-on. Elles pratiquent la course, le jogging, le footing, voire — la création paraît récente — le running. Pour Wikipédia, cet «anglicisme» désigne «une pratique libre de la course à pied», inscrite «dans le culte de la performance : courir plus longtemps ou plus vite par exemple».

Dans un mois, Cécile Coulon fera ainsi paraître, chez François Bourin, un Petit éloge du running.

Au Québec, ce titre pourrait prêter à confusion : le running, ou running shoe, y est surtout la chaussure qui permet la course, non la course elle-même. Des exemples littéraires de cet emploi ? Voyez Attaquant de puissance, de Sylvain Hotte, qui utilise aussi bien, en italiques, runnings (p. 132, p. 152) que running shoes (p. 175). (On voit aussi espadrille, chaussure de sport, shoe-claques, sneakers, etc. Le site le Français de nos régions a consacré une étude à la répartition géographique de ces termes au Canada.)

Quoi qu’il en soit de l’éloge à paraître, tout ça est une affaire de pied(s).

 

Référence

Hotte, Sylvain, Attaquant de puissance, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 2, 2010, 219 p.

L’Oreille tendue est jalouse de Léa Stréliski

Le douchebag, le douche pour les intimes, est un personnage (malheureusement) connu. Définition proposée par le dictionnaire numérique Merriam-Webster : «an obnoxious, offensive, or disgusting person». Rien là de flatteur : odieux, détestable, insupportable, infect, offensant, choquant, grossier, repoussant, dégoûtant, dégueulasse, répugnant — au choix, et entre autres synonymes.

(Le mot est passé dans l’usage en français au Québec. On s’en offusquera, ou pas.)

La soucheQuébécois de souche, Français de souche — n’est pas moins connue. (Voir ici, par exemple.)

Fusionner les deux ? Léa Stréliski l’a fait l’autre jour sur Twitter : souchebag.

L’Oreille tendue se mord les lobes de ne pas y avoir pensé la première.

P.-S.—Le mot souchebag existe en anglais, mais en un sens complètement différent.

 

[Complément du jour]

L’Oreille n’est pas avare en jalousie. Grâce à @oniquet, elle découvre que le mot n’est pas récent : il avait déjà cours en… 2012. (Voir ici, sur Facebook.) Il n’en est pas moins parfait.

 

[Complément du jour]

Image en prime, chez Charles-Alexandre Théorêt, sur Facebook. Attention : risque de blessure oculaire.

L’anglais est une langue facile

Le Mariage de Figaro, 1784, Mlle Olivier dans le rôle de Chérubin, gravure de Coutellier

C’est Figaro qui le dit :

Diable ! C’est une belle langue que l’anglais ! il en faut peu pour aller loin. Avec God-dam, en Angleterre, on ne manque de rien nulle part. — Voulez-vous tâter d’un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et faites seulement ce geste au garçon. (Il tourne la broche.) God-dam ! on vous apporte un pied de bœuf salé, sans pain. C’est admirable ! Aimez-vous à boire un coup d’excellent bourgogne ou de clairet ? rien que celui-ci. (Il débouche une bouteille.) God-dam ! on vous sert un pot de bière, en bel étain, la mousse aux bords. Quelle satisfaction ! Rencontrez-vous une de ces jolies personnes qui vont trottant menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant un peu des hanches ? mettez mignardement tous les doigts unis sur la bouche. Ah ! God-dam ! elle vous sangle un soufflet de crocheteur : preuve qu’elle entend. Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-là, quelques autres mots en conversant; mais il est bien aisé de voir que God-dam est le fond de la langue; et si Monseigneur n’a pas d’autre motif de me laisser en Espagne…

Beaumarchais, la Folle Journée ou le mariage de Figaro, dans Théâtre, texte établi, introduction, chronologie, bibliographie, notices, notes et choix de variantes par Jean-Pierre de Beaumarchais, Paris, Garnier, coll. «Classiques Garnier», 1980, xxxi/475 p., p. 249, acte III, sc. V. Édition originale : 1784.

 

Illustration : le Mariage de Figaro, créée le 27 avril 1784 au Théâtre-Français, mademoiselle Olivier dans le rôle de Chérubin, gravure de Coutellier.