L’avoir ou pas

Le masque et la plume, émission de radio, logo

La livraison du 1er mars 2015 de l’émission le Masque et la plume de France Inter a donné lieu à un échange métalinguistique entre, d’une part, Michel Crépu, ci-devant de la Revue des deux mondes, dorénavant de la NRF, et, d’autre part, tous les autres participants à l’émission, l’animateur Jérôme Garcin et les chroniqueurs Jean-Claude Raspiengeas, Nelly Kaprièlian et Arnaud Viviant. Le sujet du débat : l’expression avoir la carte (c’est vers la vingtième minute). Crépu ne la connaissait pas.

Son sens ? Explication de Pascal Praud, en 2013 :

Jean-Pierre Marielle (à moins que ce ne soit Philippe Noiret — les versions diffèrent) ont inventé dans les années 70 l’expression «avoir La Carte» pour qualifier leurs coreligionnaires qui bénéficiaient de l’indulgence de la critique. Aujourd’hui Mathieu Amalric ou Emmanuelle Devos ont «La Carte» parmi les comédiens. Chez les journalistes, Frédéric Taddeï ou Bernard Pivot la possèdent comme Simone Veil l’avait dans le monde politique. Le milieu du football n’échappe pas à ces codes. Il y a ceux qui ont «La Carte» et ceux qui ne l’ont pas.

Deux choses encore.

Jérôme Garcin fait remonter l’expression à Philippe Noiret et à Jean-Pierre Rochefort.

Michel Crépu n’écoute manifestement pas les émissions du Masque et la plume consacrées à l’actualité cinématographique : on y entend régulièrement avoir la carte. On les lui recommande.

Les zeugmes du dimanche matin et de Claire Legendre

Claire Legendre, le Nénuphar et l’araignée, 2015, couverture

«Lisa s’imaginait flirtant avec Axl Rose et je me voyais plutôt avec Slash, dans une décapotable rouge en plein désert d’Arizona, nous arrêtant pour baiser sur le bord de la route, détruisant passionnément nos bronches et nos chambres de motel» (p. 15).

«Mon amoureux, lui, conduisait paisiblement, mais avec lassitude car il devait parcourir presque quatre-vingt-dix kilomètres par jour pour aller au travail et en revenir, sur une autoroute bondée de cons et de camions» (p. 18).

Claire Legendre, le Nénuphar et l’araignée, Montréal, Les Allusifs, 2015, 100 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

La clinique des phrases (d)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

 

La Presse+, 26 février 2015

Soit la phrase suivante (elle ouvre la section de la Presse+ de ce matin consacrée au sport) :

Forcé au rôle de spectateur depuis la mi-janvier en raison de symptômes liés à une commotion cérébrale, Pierre-Alexandre Parenteau se dit prêt à reprendre le collier, lui qui a raté les 18 derniers duels de son équipe.

Si l’ailier droit des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — a les symptômes d’une commotion cérébrale, il doit bien avoir une commotion cérébrale, non ?

Pourquoi, alors, ne pas écrire ceci ?

Forcé au rôle de spectateur depuis la mi-janvier en raison d’une commotion cérébrale, Pierre-Alexandre Parenteau se dit prêt à reprendre le collier, lui qui a raté les 18 derniers duels de son équipe.

À votre service.

 

[Complément du 2 janvier 2017]

Rebelote dans la Presse+ du jour : «Selon Sportsnet, Shaw souffrirait encore de symptômes de commotion cérébrale et ne serait pas près d’un retour.» Donc : «Selon Sportsnet, Shaw souffrirait encore d’une commotion cérébrale et ne serait pas près d’un retour.»

Urbain en ville

Il y a quelques années, @PimpetteDunoyer a lancé le site Vivez la vie urbaine. L’Oreille tendue s’amuse à y collaborer à l’occasion.

Cela n’atténue pourtant pas sa surprise quand elle lit la phrase suivante dans le quotidien le Devoir : «Montréal va de l’avant avec son projet de Promenade urbaine au centre-ville» (21-22 février 2015, p. A10). Une promenade «urbaine» au «centre-ville» de la ville de Montréal ?

Pareille promenade pourrait-elle être autre chose ? L’Oreille s’interroge.

P.-S. — Pour d’autres usages étonnants du mot urbain, on clique ici.