De l’article La bibliothèque idéale de l’amateur de hockey
De l’article Coudon(c)
De l’article Diaphore
De l’article L’effet Derome
De l’article Flambeau
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
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De l’article Flambeau
«Dans le labyrinthe de Nimus, le héros voyage en bicyclette et en couleur…»
Georges Raby, «Le printemps de la bande dessinée québécoise», Culture vivante, 22, septembre 1971, p. 12-23, p. 22.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
Anaphore
Définition
«Répétition d’un mot en tête de plusieurs membres de phrase, pour obtenir un effet de renforcement ou de symétrie» (le Petit Robert, édition numérique de 2014).
Exemple
«Va, monstre d’ingratitude, serpent d’airain, cœur de bronze, âme plus dure que les cailloux, je te lègue, en mourant, tous les maux que tu m’as faits. Puisses-tu, embrasée de tous les feux de l’amour, brûler à ton tour pour un objet insensible ! Puisses-tu payer au centuple toutes les indignités que tu m’as fait souffrir ! Puisse le ver rongeur s’attacher à toi et déchirer tes entrailles jusqu’au dernier lambeau ! Puisse le regret amer de m’avoir forcé à l’action que je vais faire, malgré moi, empoisonner le reste de tes jours ! Puisse mon ombre plaintive te poursuivre sans cesse, et te faire frissonner de crainte et d’effroi au sein même des plaisirs que tu goûteras ! Puisses-tu être en proie à toutes les horreurs de l’opprobre et de l’indigence, périr misérablement et souffrir auparavant tous les tourments de l’Enfer ! Puisses-tu… — Que vais-je dire, malheureux ? Pardonnez, Madame, mon affreux égarement» (la Femme vertueuse, lettre XVI, p. 111).
Renvois
Après le livre de François Bon
[Complément du 30 novembre 2015]
François Hollande aime l’anaphore.
Candidat en 2012, lors d’un débat télévisé avec le président de la République sortant, Nicolas Sarkozy, il a ponctué un passage de son intervention de «Moi président».
Élu, il est appelé, dans un discours reproduit dans le Devoir des 28-29 novembre 2015, à rendre hommage aux victimes des attentats terroristes du 13 novembre :
Aujourd’hui, la nation tout entière, ses forces vives, pleurent les victimes. Cent trente noms, cent trente vies arrachées, cent trente destins fauchés, cent trente rires que l’on n’entendra plus, cent trente voix qui à jamais se sont tues. Ces femmes, ces hommes, incarnaient le bonheur de vivre. C’est parce qu’ils étaient la vie qu’ils ont été tués. C’est parce qu’ils étaient la France qu’ils ont été abattus. C’est parce qu’ils étaient la liberté qu’ils ont été massacrés (p. B5).
[Complément du 11 octobre 2016]
Tweet à méditer :
L'anaphore c'est joli
L'anaphore c'est dramatique
L'anaphore c'est poétique
L'anaphore faut pas en abuser non plus— L'Indéprimeuse (@LIndeprimeuse) October 10, 2016
[Complément du 12 octobre 2016]
Après François Hollande, c’est au tour de son premier ministre, et plus d’une fois, de pratiquer l’anaphore. Ainsi que le montre une vidéo du quotidien Libération, chez Manuel Valls, il y a en effet «des anaphores à toutes les sauces». (Merci à @mhvoyer.)
[Complément du 27 décembre 2018]
Comme de toute bonne chose, il ne faut pas abuser de l’anaphore, rappelle Jo Nesbø dans Macbeth (2018) :
«Dans une démocratie, commença-t-il, il existe des règles du jeu qui font que nous avons dû libérer un certain nombre de Norse Riders en garde à vue. Nous avons suivi ces règles.» Il fit un signe de tête comme un amen à sa propre déclaration. «Dans une démocratie, il existe des règles qui font que la police peut et doit arrêter les suspects quand elle dispose de nouvelles preuves dans une affaire. Nous avons suivi ces règles.» Nouveau signe de tête. «Dans une démocratie, il existe des règles indiquant comment la police doit réagir si des suspects s’opposent à leur arrestation, et, comme dans le cas présent, tirent sur la police. Et nous avons suivi ces règles.» Il aurait pu continuer, bien sûr, mais il étaient tombés d’accord pour dire que trois «Nous avons suivi ces règles» suffiraient.
Le narrateur aurait pu préciser : «trois “Dans une démocratie, il existe des règles” et trois “Nous avons suivi ces règles”».
[Complément du 10 novembre 2020]
Diderot, au milieu du XVIIIe siècle, a proposé la création d’un nouveau genre théâtral; on l’appelle aujourd’hui drame bourgeois. Il lui demande d’être naturel.
Ouvrons le Père de famille, sa pièce de 1758 :
Je n’ordonnerai point; je prierai. Je dirai : Germeuil, si j’ai pris de toi quelque soin; si, depuis tes plus jeunes ans, je t’ai marqué de la tendresse, et si tu t’en souviens; si je ne t’ai point distingué de mon fils; si j’ai honoré en toi la mémoire d’un ami qui m’est et me sera toujours présent… Je t’afflige; pardonne, c’est la première fois de ma vie, et ce sera la dernière… Si je n’ai rien épargné pour te sauver de l’infortune et remplacer un père à ton égard; si je t’ai chéri; si je t’ai gardé chez moi malgré le Commandeur à qui tu déplais; si je t’ouvre aujourd’hui mon cœur, reconnais mes bienfaits, et réponds à ma confiance (acte I, sc. V, éd. Truchet 1974, p. 67).
C’est à croire que l’anaphore était naturelle durant le Siècle des lumières.
[Complément du 19 février 2024]
Hervé Le Tellier, dans Mon dîner avec Winston (2023) : «Comment ça s’appelle, déjà, quand on répète le mot en début de phrase pour faire une figure de style ? Ah oui, une anaphore. Voilà. Une anaphore. On dira ce qu’on voudra, les anaphores, ça a du bon» (p. 32-33).
Références
Diderot, Denis, le Père de famille, dans Théâtre du XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 251, 1974, vol. II, p. 57-141 et p. 1369-1382. Textes choisis, établis, présentés et annotés par Jacques Truchet. Édition originale : 1758.
Le Tellier, Hervé, Mon dîner avec Winston, Paris, Gallimard, coll. «Folio théâtre», 212, 2023, 78 p. Avant-propos, chronologie et notes de l’auteur.
M. l’A.D.L.G., la Femme vertueuse ou Le débauché converti par l’amour, Paris, La table ronde, coll. «La petite vermillon», 370, 2012, 340 p. Édition établie, présentée et annotée par Claudine Brécourt-Villars. Édition oriinale : 1787.
Nesbø, Jo, Macbeth, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 2018, 617 p. Traduction de Céline Romand-Monnier.
«Vous m’aviez lu des passages où, tandis que le client fatigué attendait dans cette petite cage (je me souviens que vous y mettiez des miroirs) qu’on le monte comme une marchandise au couloir de sa chambre, il devait supporter les discours un peu fous d’un garçon boutonneux et amoureux, et qui parfois même, dans l’espace confiné, lui toussait à la figure et son rhume et ses mauvais jeux de mots ?»
François Bon, Proust est une fiction, Paris, Seuil, coll. «Fiction & Cie», 2013, 329 p., p. 270.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
Pas plus tard que la semaine dernière, l’Oreille tendue twittait ceci : «Mon fils de 11 ans vient de dire “du coup”. Je pense à le déshériter.» Réponse, sibylline pour certains, de François Bon : «coudonc…».
Coudon(c), donc.
La graphie n’est pas fixée. Au «coudonc» de l’ami François ou de @Dutrizac répondent le «coup donc» de Sylvain Hotte (Attaquant de puissance, p. 218) et le «coudon» de Réjean Ducharme (Dévadé, p. 44) ou de Marc Beaudet et Luc Boily (Gangs de rue, p. 17).
@machinaecrire en propose l’origine suivante : «Principe d’économie : “Écoute donc” devient “‘cout’donc” devient “coudonc” devient “coudon”. Ah bin, coudon.» Il rejoint par là le Dictionnaire de la langue québécoise (1980) de Léandre Bergeron (p. 151), qui choisit la graphie coudon.
Quel est le sens de cette interjection ? Ce n’est pas plus simple. Voici au moins deux possibilités.
Elle marque l’exaspération : Où t’a mis l’aide maritale, coudon !?
Elle peut clore une discussion, faute d’argument à opposer à son interlocuteur : Il a marié sa sœur ?! Coudonc…
Il existe aussi un usage vaguement interrogatif.
Coudon(c), è don ben bruyante, ton aide maritale ?!
On l’aura compris : le c final ne se prononce habituellement pas.
[Complément du 27 octobre 2014]
Un linguiste était bien sûr déjà passé par là :
Laurendeau, Paul, «Description du marqueur d’opérations coudon dans le cadre d’une théorie énonciative», Revue québécoise de linguistique, 15, 1, 1985, p. 79-116. https://doi.org/10.7202/602550ar
Merci à Dominique Garand pour le lien.
[Complément du 2 novembre 2018]
L’Oreille ne connaissait pas la graphie ‘coudonc (avec apostrophe inversée initiale). Elle la découvre dans le plus récent recueil de «récits» de Michel Tremblay, Vingt-trois secrets bien gardés (p. 45, p. 70, p. 91).
[Complément du 26 mars 2019]
Dès 1937, la brochure le Bon Parler français déplorait la réduction de «Écoute donc» à «Coudon» (p. 10).
Références
Beaudet, Marc et Luc Boily, Gangs de rue. Les Rouges contre les Bleus, Brossard, Un monde différent, 2011, 49 p. Bande dessinée.
Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.
Le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p.
Ducharme, Réjean, Dévadé. Roman, Paris et Montréal, Gallimard et Lacombe, 1990, 257 p.
Hotte, Sylvain, Attaquant de puissance, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 2, 2010, 219 p.
Tremblay, Michel, Vingt-trois secrets bien gardés. Récits, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, 2018, 106 p.