Accouplements 187

Kostya Kennedy, True, 2022, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Kennedy, Kostya, True. The Four Seasons of Jackie Robinson, New York, St. Martin’s Press, 2022, viii/278 p. Ill.

«Fan letters came to the home [la maison de Robinson à Stamford], some of them with no street adress, no zip code, no name of the town. Just : “The great Jackie Robinson, Connecticut”» (p. 226).

Goulemot, Jean M. et Didier Masseau, «Lettres au grand homme ou Quand les lecteurs écrivent», dans Mireille Bossis (édit.), la Lettre à la croisée de l’individuel et du social, Paris, Kimé, coll. «Détours littéraires», 1994, p. 39-47.

«Une seule remarque sur l’aspect matériel qui mériterait une longue étude. Un certain nombre de lettres porte comme simple adresse : “Monsieur Bernardin de Saint-Pierre, auteur des Études de la nature” ou “auteur de Paul et Virginie” ou encore, tout simplement “écrivain”» (p. 43).

L’art perdu de la lettre de rétractation

Lettre de Maurice Richard, 14 janvier 1954

 

«It was, in the Richardian tradition, a rhubarb classic
Andy O’Brien, Rocket Richard, 1961

 

Maurice Richard a joué pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — de 1942 à 1960. Pendant et après sa carrière, il a tenu chronique, avec l’aide de plumes mercenaires, dans quelques publications. L’essentiel de son œuvre en prose tient dans ses articles de Samedi-Dimanche (sous le titre «Le tour du chapeau», 1952-1954), de Parlons sport (au début des années 1960), de Dimanche-matin (durant les années 1960, 1970 et 1980), de La Presse (1985-2000) et d’une éphémère revue new-yorkaise, Maurice Richard’s Hockey Illustrated.

Dans Samedi-Dimanche, au début de 1954, à la suite de la suspension de son coéquipier Bernard «Boom-Boom» Geoffrion, le commentateur vise haut. Il décide de s’en prendre à l’autorité du président de la Ligue nationale de hockey, soupçonné de (dé)favoritisme ethnique : Geoffrion aurait été la victime des sentiments anti-Canadiens français de Clarence Campbell. Le propos est ferme :

D’après bon nombre d’amis qui surveillent le président Campbell durant les joutes, au Forum, de sa loge du côté sud de l’amphithéâtre, M. le président afficherait une partialité évidente dans ses réactions au jeu, il sourit et affiche ouvertement sa joie quand le club adverse compte un but contre nous et on sait d’ailleurs qu’à plusieurs occasions il a toujours rendu ses décisions contre les joueurs du Canadien. […] J’ai l’impression que M. Campbell serait partial (texte cité par Jean-Marie Pellerin, p. 227-228).

Minimisant, pour cause d’autodéfense, le fait que Geoffrion avait blessé avec son bâton un joueur adverse, Ron Murphy des Rangers de New York, Richard s’en prend directement à Campbell, ce «dictateur», qu’il met au défi, deux fois plutôt qu’une : «Si M. Campbell veut me sortir de la Ligue pour avoir osé le critiquer, qu’il le fasse !»; «Voilà mon opinion franche et si elle doit m’apporter des sanctions, eh bien, tant pis ! Je sortirai du hockey et j’ai l’idée que plusieurs autres joueurs du Canadien, qui partagent mon opinion, en feront autant !» (texte cité par Jean-Marie Pellerin, p. 227-228)

Promesses non tenues. La Ligue nationale lui enjoint de se rétracter, d’où sa lettre, en anglais, du 14 janvier 1954 (reproduite ci-dessus; texte complet ci-dessous).

Extrait (de la traduction) :

comme le hockey m’a été très favorable, je fais humblement et sincèrement mes excuses au président Campbell et aux gouverneurs de la ligue, non pas que j’y sois forcé par mon propre club mais parce que c’est le geste honorable et sportif à faire.
Je réalise pleinement que les accusations portées n’étaient pas fondées et je tiens à établir hors de tout doute que je ne mettais en cause ni l’intégrité de M. Campbell ni l’honnêteté du sport.
Si vous jugez bon d’accepter cette rétractation, je me sentirai dégagé d’une bien lourde responsabilité.

La chronique qui a déclenché la controverse sera la dernière avant plusieurs années. Richard le clame, mais il protège ses arrières :

Pour manifester ma bonne foi je dépose mon chèque au montant de mille dollars afin de démontrer que chaque mot de cette lettre veut bien dire ce qu’il veut dire.
Si je ne tenais pas ma promesse, je perdrai ces mille dollars. Si vous me trouvez digne de votre indulgence j’ai confiance que cet argent me sera remboursé, lorsque j’aurai fini de jouer.

L’appel à la prudence, pour ne pas dire plus, a été entendu.

La polémique sera relancée deux jours plus tard, dans la dernière chronique de Maurice Richard pour Samedi-Dimanche. Abandonnant le ton contrit de sa lettre, il met fin à sa collaboration au journal par ces mots :

Ceci est ma dernière chronique comme journaliste. Je le regrette, car je trouvais un certain plaisir à exprimer mes opinions personnelles sur les choses du hockey.
On m’en refuse le droit. Je n’ai plus la liberté de parole. Comme joueur de hockey, je suis obligé d’obéir aux ordres de mes employeurs. Je ne juge pas leur décision, je laisse plutôt mes amis en juger.
Peut-être plus tard, quand je n’aurai pas les mains attachées derrière le dos, reviendrai-je. Peut-être plus tôt qu’on ne le pense (texte cité par Jean-Marie Pellerin, p. 245).

«Journaliste» ? Le terme est un peu fort. Bon employé ? Il le dit, en laissant entendre qu’il n’est pas de l’avis de ses employeurs. Martyr de la liberté d’expression ? Voilà qui n’est pas rien, même si d’autres que lui partagent sa lecture des événements, à l’époque et depuis.

Cette lettre a fait couler beaucoup d’encre. Qui l’a écrite ? Peu croient que ce soit Maurice Richard tout seul. Quelques-uns avancent que son véritable auteur serait Frank Selke, un des dirigeants des Canadiens (O’Brien 1973, p. 36; Frayne 1973, p. 69-70; Goyens et Orr 2000, p. 87; Lamarche 2000, p. 32; Brown 2002, p. 128-129). C’est la position du cinéaste Charles Binamé dans Maurice Richard (2005, 95e minute). Certains vont plus loin : elle aurait été rédigée par Selke et par son destinataire, Clarence Campbell (Wind 1954, p. 74; Frayne 1968, p. 62-63). En 1961 (p. 41), puis en 1967 (p. 59), Andy O’Bien ne mâche pas ses mots, qui dénonce «The Abject Apology». Trente ans plus tard, Michel-Wilbrod Bujold parlera de «la plus humiliante défaite de toute l’histoire du hockey. C’est comme si Richard avait été pris en otage et qu’il avait accepté de verser une rançon directement dans les mains de ses ravisseurs !» (1997, p. 28)

Une chose est sûre : on en parle depuis des décennies.

 

Transcription de la version anglaise

 

N.B. On trouve beaucoup de choses sur eBay, mais pas toutes les références bibliographiques nécessaires. L’Oreille tendue possède la page de journal qu’on voit ci-dessus, mais elle ne sait pas de quel journal il s’agit (Parlons sports ?), malgré la consultation du site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

 

Tout est bien qui finit bien !

January 14, 1954.

To the President & Governors of the National Hockey League :

Dear Sirs :

I have just concluded my second conference with Mr. Selke, in which we discussed my column which appeared in Samedi Dimanche, under date of January 9th.

A number of influential friends and jurists have offered me legal assistance, but as I accept full responsibility for whatever was written, I am anxious to undo any harm which has been done.

When I wrote the article, I did not realize how serious the accusations were–neither did it occur to me that the column would receive national coverage.

Mr. Selke has brought this to my attention, and as the game of hockey has been very good to me, I humbly and most sincerely apologize to President Campbell and the Governors of the League. Not because I am forced to do so by my club, but because it is the honourable and sporting thing to do.

I realize fully that the accusations made were unfounded and I am anxious that Mr. Campbell’s integrity and the honesty of the game be established beyond question.

If you see fit to accept this retractation, then I will feel a great responsability has been taken off my mind.

Mr. Selke has also advised me to discontinue writing in any newspaper or other publication during my career as an active player. To this I readily agree. Even though I enjoyed writing these articles at first, they have recently become increasingly difficult because of the emotional strain many of the games exert on me, making it very difficult to write articles containing punch without some parts being objectionable to someone, somewhere.

May I repeat that in all of this I have been advised by the Club de Hockey Canadien, but no pressure has been placed on me by either the club or league. I play hockey with every ounce of strength in me. I shall always do so and wish to be just as fortright in making amends when in the wrong.

As evidence of good faith I hereby deposit my cheque in the amount of One Thousand Dollars as proof that I mean every word contained in this letter.

Should I fail to keep my promise, this thousand dollars is to be lost to me. If you find me worthy of your indulgence I trust it will be returned when I finish as a player.

I would like to add that my path in hockey has not been too easy at times because of my temperament. I have always been an intense competitor, and I would not know how to play otherwise. It is the only way that I can give my best. I am sure that the fans around the circuit are aware of this fact and I trust that this incident will not have any bad effect throughout the remainder of my career.

Trusting that you will give my request favourable consideration, I remain,

Respectfully yours,

[signature]

MAURICE RICHARD.

 

Transcription de la traduction

 

Voici une traduction textuelle et au complet de la lettre que Richard a fait tenir à M. Campbell, pour clore heureusement un incident qui avait soulevé moult commentaires :

Le 14 janvier 1954

Au président et aux gouverneurs de la Ligue Nationale de Hockey : Chers messieurs,

Je viens d’avoir mon second entretien avec M. Selke sur ma chronique que Samedi-Dimanche a publiée dans son édition du 9 janvier.

Plusieurs amis influents ainsi que des juristes m’ont offert leur aide légale mais comme j’accepte l’entière responsabilité de tout ce qui a été écrit, je désire réparer le mal qui a pu être fait.

Lorsque j’ai écrit cet article, je me suis pas rendu compte de la gravité des accusations qu’il contenait. Je n’ai pas pensé non plus au fait que cette chronique allait faire le tour de la presse du pays.

Selke a attiré mon attention là-dessus et comme le hockey m’a été très favorable, je fais humblement et sincèrement mes excuses au président Campbell et aux gouverneurs de la ligue, non pas que j’y sois forcé par mon propre club mais parce que c’est le geste honorable et sportif à faire.

Je réalise pleinement que les accusations portées n’étaient pas fondées et je tiens à établir hors de tout doute que je ne mettais en cause ni l’intégrité de M. Campbell ni l’honnêteté du sport.

Si vous jugez bon d’accepter cette rétractation, je me sentirai dégagé d’une bien lourde responsabilité.

Selke m’a aussi conseillé de cesser d’écrire pour un journal ou d’autres publications tant que se prolongera ma carrière de joueur actif. J’accepte cela de bon gré. Même si, au début, j’ai eu du plaisir à écrire ces articles, cette tâche m’est devenue depuis quelque temps de plus en plus difficile à cause de la tension nerveuse que beaucoup de parties exercent sur moi. Cela me rend très malaisé d’écrire des articles à sensation où il n’y aurait rien de choquant pour quelqu’un quelque part.

Puis-je répéter que, dans cette affaire, j’ai été conseillé par le Club de Hockey Canadien mais qu’aucune pression n’a été exercée sur moi ni par le club ni par la ligue. Je joue le hockey avec chaque once d’énergie que j’ai. Je continuerai d’agir ainsi et d’être aussi franc en faisant des excuses lorsque j’aurai tort.

Pour manifester ma bonne foi je dépose mon chèque au montant de mille dollars afin de démontrer que chaque mot de cette lettre veut bien dire ce qu’il veut dire.

Si je ne tenais pas ma promesse, je perdrai ces mille dollars. Si vous me trouvez digne de votre indulgence j’ai confiance que cet argent me sera remboursé, lorsque j’aurai fini de jouer.

J’aimerais ajouter que ma carrière au hockey n’a pas toujours été facile à cause de mon tempérament. J’ai toujours été un athlète ardent et je ne saurais comment jouer autrement. C’est de cette seule façon que je peux faire de mon mieux. Je suis sûr que les amateurs de la ligue sont au courant de ce fait et je souhaite que cet incident n’ait aucune répercussion malheureuse sur le reste de ma carrière.

Espérant que vous allez prendre ma requête en favorable considération, je reste,

Respectueusement vôtre,

Maurice Richard.

 

[Ce texte reprend des analyses publiées dans les Yeux de Maurice Richard (2006).]

 

Références

Brown, William, Doug. The Doug Harvey Story, Montréal, Véhicule Press, 2002, 288 p. Ill.

Bujold, Michel-Wilbrod, les Hockeyeurs assassinés. Essai sur l’histoire du hockey 1870-2002, Montréal, Guérin, 1997, vi/150 p. Ill.

Frayne, Trent, It’s Easy. All You Have to Do Is Win, Don Mills, Longmans, 1968, iii/157 p. Ill.

Frayne, Trent, Famous Hockey Players, New York, Dodd, Mead & Company, 1973, 160 p. Ill.

Goyens, Chrystian et Frank Orr, avec Jean-Luc Duguay, Maurice Richard. Héros malgré lui, Toronto et Montréal, Team Power Publishing Inc., 2000, 160 p. Ill. Préfaces d’Henri Richard et de Pierre Boivin.

Lamarche, Jacques, Maurice Richard. Album souvenir, Montréal, Guérin, 2000, 133 p. Ill.

Maurice Richard / The Rocket, film de fiction de 124 minutes, 2005. Réalisation : Charles Binamé. Production : Cinémaginaire.

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

O’Brien, Andy, Rocket Richard, Toronto, The Ryerson Press, 1961, x/134 p. Ill.

O’Brien, Andy, Fire-Wagon Hockey. The Story of Montreal Canadiens, Toronto, The Ryerson Press, 1967, viii/138 p. Ill.

O’Brien, Andy, Superstars. Hockey’s Greatest Players, Toronto, McGraw-Hill Ryerson Limited, 1973, vi/187 p. Ill.

Pellerin, Jean-Marie, l’Idole d’un peuple. Maurice Richard, Montréal, Éditions de l’Homme, 1976, 517 p. Ill.

Wind, Herbert Warren, «Fire on the Ice», Sports Illustrated, 1, 17, 6 décembre 1954, p, 32-36 et p. 70-75.

Benoît Melançon, les Yeux de Maurice Richard, éd. de 2012, couverture

Baisers épistolaires

Pierre tombale, cimetière du Père Lachaise, 2012

 

Le 31 août 1760, Diderot écrit à Sophie Volland :

Je baise tes deux dernières lettres. Ce sont les caractères que tu as tracés, et en les traçant, ta main touchait les intervalles qui séparent les lignes. Adieu, mon amie. Vous baiserez au bout de cette ligne, car j’y aurai baisé aussi. Là, là. Adieu (éd. de 1997, p. 206).

Le 14 mars 2022, le magazine The New Yorker publie le poème «The Letter, 1968» de Marie Howe. Une lettre y est rédigée à la main et scellée avec la bouche («That he wrote it with his hand and folded the paper / and slipped it into the envelope and sealed it with his tongue / and pressed it closed so I might open it with my fingers»). Elle est attendue («We knew how to wait then»). Elle est lue, relue et baisée («so I might open it and read / and read it again, and then again and look at the envelope he’d sealed, / and press my mouth to where his mouth had been»).

Dans un cas, on embrasse la lettre. Dans l’autre, l’enveloppe. Dans les deux, la main de l’être aimé est évoquée. Une lettre, c’est toujours bien plus que des mots.

P.-S.—Dans sa jeunesse (1996, p. 211), l’Oreille tendue a commenté la lettre de Diderot.

P.-P.-S.—La leçon de ce passage est assez différente dans l’édition Roth-Varloot de la Correspondance :

Je baise tes deux dernières lettres. Ce sont les caractères que tu as tracés; et à mesure que tu les traçois, ta main touchoit l’espace que les lignes devoient remplir, et les intervalles qui les devoient séparer.
Adieu, mon amie. Vous baiserez au bout de cette ligne, car j’y aurai baisé aussi là, là. Adieu (vol. III, p. 47).

 

Références

Diderot, Denis, Correspondance, Paris, Éditions de Minuit, 1955-1970, 16 vol. Éditée par Georges Roth, puis par Jean Varloot.

Diderot, Denis, Œuvres. Tome V. Correspondance, Paris, Robert Laffont, coll. «Bouquins», 1997, xxi/1468 p. Édition établie par Laurent Versini.

Howe, Marie, «The Letter, 1968», The New Yorker, 14 mars 2022. https://www.newyorker.com/magazine/2022/03/21/the-letter-1968

Melançon, Benoît, Diderot épistolier. Contribution à une poétique de la lettre familière au XVIIIe siècle, Montréal, Fides, 1996, viii/501 p. Préface de Roland Mortier. https://doi.org/1866/11382

Accouplements 179

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, en conférence de presse, le 5 décembre 2022

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Des «influenceurs» québécois perturbent un vol d’avion, au grand dam du premier ministre du Canada : «Quand une gang de sans-dessein décide de partir comme des ostrogoths en vacances, c’est extrêmement frustrant» (conférence de presse du 5 janvier).

En novembre 1764, Diderot découvre qu’il a été censuré par son propre libraire, Le Breton. Le 12, il lui écrit ceci :

À votre ruine et à celle de vos associés qu’on plaindra, se joindra, mais pour vous seul, une infamie dont vous ne vous laverez jamais. Vous serez traîné dans la boue avec votre livre, et l’on vous citera dans l’avenir comme un homme capable d’une infidélité et d’une hardiesse auxquelles on n’en trouvera point à comparer. C’est alors que vous jugerez sainement de vos terreurs paniques et des lâches conseils des barbares Ostrogoths et des stupides Vandales qui vous ont secondé dans le ravage que vous avez fait. Pour moi, quoi qu’il en arrive, je serai à couvert. On n’ignorera pas qu’il n’a été en mon pouvoir ni de pressentir, ni d’empêcher le mal, quand je l’aurais soupçonné. On n’ignorera pas que j’ai menacé, crié, réclamé (Correspondance, p. 487).

Justin Trudeau n’aurait-il pas dû préférer «vandales» à «sans-dessein» ? Le débat est ouvert.

 

[Complément du jour]

Hergé, lui, savait, dès Coke en stock (p. 49). (Merci à @revi_redac.)

 

Hergé, Coke en stock, 1958, p. 49, 3, c

 

Références

Diderot, Denis, Œuvres. Tome V. Correspondance, Paris, Robert Laffont, coll. «Bouquins», 1997, xxi/1468 p. Édition établie par Laurent Versini.

Hergé, Coke en stock, Tournai, Casterman, coll. «Les aventures de Tintin», 19, 1967, 61 p. Édition originale : 1958.

Autopromotion 613

«Parlez ici devant l’hygiaphone»

L’Oreille tendue a une bouche. Elle a tendance à l’ouvrir. Conséquences ?

Depuis septembre, dans des publications écrites, elle a parlé…

…des mots de 2021 (dans le Journal de Montréal / de Québec),

…des termes disparus du sport (dans la Presse+),

…de la permanence de la forme épistolaire (dans la Presse+),

…de l’avenir du français (dans les Diplômés),

…de Voltaire (pour TVA nouvelles),

…du mot en w- (dans The Globe and Mail).

C’est bien assez.