Autopromotion 612

Épistolaire, 47, 2021, couverture

Depuis la nuit des temps, l’Oreille tendue collabore à Épistolaire, la revue de l’Association interdisciplinaire de recherches sur l’épistolaire. De sa chronique, «Le cabinet des curiosités épistolaires», elle a tiré un recueil en 2011, Écrire au pape et au Père Noël.

La 47e livraison d’Épistolaire vient de paraître (2021, 393 p., ill., cahier couleurs, ISSN : 0993-1929). L’Oreille y parle des lettres et du feu, chez Diderot, Isabelle de Charrière, Mme du Deffand, Anne Hébert, etc.

Table des matières

Haroche-Bouzinac, Geneviève, «Avant-propos», p. 7.

«Dossier. Le geste épistolaire, représentations croisées dans les pratiques quotidiennes, les arts et la littérature»

Richard-Pauchet, Odile et Albrecht Burkhardt, «Un geste en voie de disparition», p. 11-18.

«I. Pratiques au quotidien, sacrées et profanes»

Bernard-Pradelle, Laurence, «Parler de soi à travers autrui ou le geste énigmatique de l’épistolier Marc Antoine Muret (1580)», p. 21-34.

Henryot, Fabienne, «Les clarisses et l’art épistolaire dans l’hagiographie classique», p. 35-48.

Kerhervé, Alain, «Le poids de la plume en Angleterre au XVIIIe siècle», p. 49-67.

Reynaud, Cécile, «“Quelle belle chose que la poste !” Hector Berlioz (1803-1869) et l’écriture épistolaire», p. 69-84.

«II. Représentations du geste épistolaire dans les arts et la littérature»

Bril, Damien, «Anne d’Autriche en régente : le portrait à la lettre ou le pouvoir en main», p. 87-96.

Cheny, Anne-Marie, «La pratique épistolaire d’un “prince de la République des lettres”», p. 97-109.

Tardy, Cécile, «Vincent Voiture d’après Philippe de Champaigne : culture mondaine, culture savante», p. 111-119.

Haroche-Bouzinac, Geneviève, «Le Message de l’amour : Pieter de Hooch (1629-1684)», p. 121-128.

Dupuy-Vachey, Marie-Anne, «Du “billet doux” à la “mauvaise nouvelle”. La lettre sous le pinceau des artistes au Siècle des lumières», p. 129-138.

Lanno, Dorothée, «Un secret partagé : la lettre dans les représentations figurées de l’amitié (fin XVIIIe-début XIXe siècles)», p. 139-148.

Tüskés, Anna, «Écrivains et lecteurs de lettres dans la peinture hongroise des XIXe et XXe siècles», p. 149-158.

Taktak, Salwa, «Le geste épistolaire dans Julie ou la Nouvelle Héloïse de J.-J. Rousseau : les représentations et les enjeux dramatiques», p. 159-172.

«III. Représentations contemporaines»

De Vita, Philippe, «Le virtuel à l’œuvre : la lettre dans une séquence du Fleuve de Jean Renoir», p. 175-181.

Dutel, Jérome, «Si nous n’étions que de lettres ? Lettres de femmes (2013) d’Augusto Zanovello», p. 183-189.

Tebbani, Lynda-Nawel, «Le geste épistolaire dans la poésie chantée de la musique classique algérienne», p. 191-198.

Olivier, Claire, «Enveloppe moi, l’épistolaire selon Annette Messager et Jean-Philippe Toussaint», p. 199-208.

Péron-Douté, Eugénie, «L’épistolaire dans l’œuvre de Chloé Delaume», p. 209-216.

Conant-Ouaked, Chloé, «Prenez soin de vous de Sophie Calle : un dispositif épistolaire multiple au sein de l’art contemporain», p. 217-227.

«Perspectives»

Tonolo, Sophie, «De la direction maternelle à l’art d’être grand-mère : l’éducation par la lettre vers 1690», p. 231-242.

Plainemaison, Jacques, «Ibis, confidente de Jean Genet, et le groupe de ses amis», p. 243-253.

De Vita, Philippe, «Trois lettres du cinéma hollywoodien classique : une présence paradoxale», p. 255-261.

Antonutti, Isabelle, «Histoire d’une découverte : lettres, 1942, Bordeaux, Paris», p. 263-274.

«Chroniques»

Schwerdtner, Karin, «Des lettres, des enquêtes et des émotions. Entretien avec Hélène Gestern», p. 277-290.

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires», p. 291-293. Sur les lettres et le feu.

«Recherche»

Cousson, Agnès (édit.), «Bibliographie», p. 297-342. Avec la collaboration de Guy Basset, Luciana Furbetta, Benoît Grévin, Benoît Melançon, Bénédicte Obitz, Clémence Revest et Déborah Roussel.

«Comptes rendus», p. 343-378.

«Résumés du dossier», p. 379-390.

«Légendes des illustrations et figures», p. 391-393.

Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture

Obama épistolier

Barack Obama, A Promised Land, 2020, couverture

Certains disent que l’Oreille tendue se répète. D’autres, qu’elle radote. Tous ont raison.

Prenons un exemple : depuis plus de 25 ans, elle ne cesse de dire que le genre épistolaire, malgré ce que l’on entend partout, n’est pas en train de disparaître. Les gens écrivent encore des lettres aujourd’hui; ils en écrivent beaucoup moins, certes, et souvent dans des circonstances particulières, mais ils continuent de pratiquer cette forme d’écriture.

La preuve ? Barack Obama.

Dans ses Mémoires récents — oui, avec la majuscule initiale et au masculin —, A Promised Land (2020), le 44e président des États-Unis évoque à plusieurs reprises sa pratique épistolaire.

Ce qui concerne l’utilisation du courriel était prévisible. D’une part, on l’a assez dit, la campagne d’investiture, puis la campagne présidentielle, d’Obama ont eu très largement recours à l’univers numérique (p. 130). D’autre part, comme tout organisme contemporain, le gouvernement états-unien carbure au courrier électronique, de même que les militants, tous partis confondus.

Quand il devient sénateur à Washington en 2005, Obama confie à Pete Rouse une mission capitale («Most important»), celle de créer et de coordonner un bureau de la correspondance («the correspondence office») chargé de trier le courrier qu’il reçoit des citoyens et de leur répondre de la façon la plus adéquate possible : «“People may not like your votes,” Pete said, “but they’ll never accuse you of not answering your mail !”» (p. 56) Ne pas répondre à son courrier, même volumineux (p. 65) ? Cela ne se fait pas. Mieux encore : Obama signe lui-même les réponses préparées par son personnel (p. 66), de même que des mots de remerciements et des cartes d’anniversaire plus personnalisés (p. 90, p. 251).

Devenu président, en 2009, il demande à voir quotidiennement des lettres qui lui sont adressées à la Maison-Blanche (p. 267-269, p. 698-699). Il ne s’agit évidemment pas de toutes les lettres et de tous les courriels — il y en a environ dix mille par jour —, mais d’un échantillon de dix textes sélectionnés par son équipe, messages auxquels il répond à la main. Cette activité a une dimension quasi rituelle : «They were often the last thing I looked at before going to bed» (p. 268); «I couldn’t expect people to understand how much their voices actually meant to me — how they had sustained my spirit and beat back whispering doubts on those late, solitary nights» (p. 306). Dans la nuit («bed», «nights»), la lettre reste la possibilité d’un échange.

Plus sombres sont les lettres de condoléances qu’il adresse, une fois par semaine, aux proches des militaires tombés au combat (p. 429-430).

Barack Obama ne correspond pas, sur papier, qu’avec les citoyens des États-Unis; il a aussi des échanges avec ses collègues et vis-à-vis. Par exemple, le sénateur Ted Kennedy lui écrit au sujet de la réforme du système de santé, mais il demande que sa lettre ne soit transmise qu’après sa mort; le président la citera dans un discours au Capitole (p. 410-411). Il fait parvenir une lettre secrète à l’ayatollah Khomeini, qui lui répond sèchement (p. 454). La Chine se sert du courrier pour formuler ses plaintes commerciales (p. 474).

Il y a peut-être là un sujet à explorer : la communication des élus avec leurs électeurs, leurs collègues et leurs interlocuteurs étrangers n’est-elle pas une des manifestations les plus concrètes, au XXIe siècle, de la nécessité de la lettre ?

P.-S.—L’Oreille a déjà dit quelques mots de la pratique de la lettre de Barack Obama dans le cadre de l’émission de radio Plus on est de fous, plus on lit !, le 24 avril 2018.

 

Référence

Obama, Barack, A Promised Land, New York, Crown, 2020, 751 p. Ill.

C’est compliqué

Étienne Kern, le Tu et le vous, 2020, couverture

«Ô vous, que j’aime !
ô toi, que j’adore !
ô vous, qui avez commencé mon bonheur !
ô toi, qui l’as comblé»
(Laclos, les Liaisons dangereuses, lettre CXLVIII).

Tu ou vous ? Quiconque a déjà parlé français a eu un jour à se poser cette question. Il n’est pas facile d’y répondre pour un francophone; imaginez la difficulté pour qui souhaite apprendre une langue qui n’est pas la sienne. Le sous-titre du petit livre que consacrait l’an dernier Étienne Kern au tu et au vous, L’art français de compliquer les choses, est parfaitement approprié.

Les pratiques d’interlocution décrites par Kern changent selon les langues (le français n’est pas seule à posséder des «pronoms d’adresse» avec des fonctions spécifiques), les milieux sociaux (on ne se parle pas de la même façon dans les familles de la vieille bourgeoisie française et dans la classe moyenne) et les espaces (on tutoie plus facilement au Québec que dans l’Hexagone). C’est la même chose dans le temps : certains présidents de la République favorisaient la deuxième personne du pluriel (de Gaulle, Mitterrand), alors que Nicolas Sarkozy est un «hypertutoyeur» (p. 80).

La principale conclusion du livre est incontestable : essayer de déterminer les règles de l’emploi de tu / vous est voué à l’échec. «En fait de tu et de vous, existe-t-il autre chose que des cas particuliers ? Il n’y a de tutoiement ou de vouvoiement qu’au sein d’une situation d’énonciation donnée et, à ce titre, éminemment singulière» (p. 16).

Comment Étienne Kern procède-t-il pour exposer la multiplicité de ces «situations d’énonciation» ? Il chasse les citations et les exemples, souvent inattendus : dans Notre-Dame-de-Paris, de Victor Hugo, Esméralda vouvoie sa chèvre (p. 14). Les anecdotes personnelles qu’il rapporte sont toujours pertinentes, de même que ses statistiques. Citant un article d’Alex Alber paru en 2019, il rappelle «qu’en entreprise, 70 % des hommes tutoient leur chef, contre 49 % des femmes» (p. 21). Autrement dit : «Il n’y a décidément pas d’égalité des sexes devant les tu et les vous» (p. 40).

Le point de vue de l’auteur n’est pas celui du spécialiste, même si sa réflexion est nourrie scientifiquement : «Ce petit livre, ami lecteur, n’est […] l’œuvre ni d’un linguiste, ni d’un sociologue» (p. 23). L’auteur compare le français à d’autres langues, modernes ou anciennes. Il se penche aussi bien sur les échanges amoureux et socioéconomiques que sur le BSDM et la religion («Notre Père qui es / êtes aux cieux»). Il rappelle des entreprises de transformation de la langue promulguées, sans succès durable, par des autorités politiques, en France durant la Révolution, en Italie sous Mussolini.

Étienne Kern clôt ses réflexions sur un «Éloge du vacillement» :

Oui, nous y perdons notre latin, nous hésitons, nous faisons des faux pas; oui, nous pouvons envier le minimalisme d’un you. Mais ce que nous offrent le tu et le vous dépasse ce qu’ils nous coûtent. Et parmi tout ce qu’ils nous offrent, outre la nuance, outre la liberté, il y a aussi, tout simplement, la joie. Qui n’en a pas fait l’expérience ? Telle personne que vous aimez ou que vous admirez profondément vous propose, un jour, de la tutoyer : vous vous sentez alors grandis, adoubés, désirés (p. 192).

Oui, en effet.

P.-S.—Vous ne rêvez pas : l’Oreille tendue parlait de ce sujet hier à la radio.

 

Références

Alber, Alex, «Tutoyer son chef. Entre rapports sociaux et logiques managériales», article électronique, Sociologie du travail, 61, 1, janvier-mars 2019. https://doi.org/10.4000/sdt.14517

Kern, Étienne, le Tu et le vous. L’art français de compliquer les choses, Paris, Flammarion, 2020, 204 p. Ill.

Accouplements 161

André Brochu et Gilles Marcotte, la Littérature et le reste, 1980, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Brochu, André et Gilles Marcotte, la Littérature et le reste. Livre de lettres, Montréal, Quinze, coll. «Prose exacte», 1980, 185 p.

Au terme de la deuxième lettre, Gilles Marcotte envoie André Brochu «au monticule» : «Je n’ai pas frappé toutes les balles que vous m’avez expédiées durant cette première manche : vos courbes, vos glissantes, vos balles-papillons, vos “spit-balls”. Je me suis contenté, comme disent les experts, de “garder le marbre”. Mais la partie n’est pas finie…» (p. 29) Réponse de Brochu : «J’ai, pour le baseball, un mépris égal à celui de votre Maurice Parenteau. […] Dites-moi, le monticule, est-ce le lieu d’où on lance ou celui où l’on frappe ? Il serait bon que je sache, histoire d’ajuster mes métaphores» (p. 30). Diagnostic final : «Quel jeu compliqué, le baseball !» (p. 39)

Bélanger, David et Michel Biron, Sortir du bocal. Dialogue sur le roman québécois, Montréal, Boréal, coll. «Liberté grande», 2021, 227 p.

Première lettre de Michel Biron, à David Bélanger, le 1er mai 2020 : «Il me semble t’avoir déjà cité l’exemple de l’échange épistolaire entre les critiques Gilles Marcotte et André Brochu, paru en livre sous le titre La Littérature et le Reste. C’était une autre époque, bien sûr : le courrier électronique n’existait pas, les Canadiens gagnaient Coupe Stanley après Coupe Stanley, les Expos de Montréal n’étaient pas très bons, mais ils étaient beaux à voir» (p. 9-10).

P.-S.—Les Expos, c’était l’équipe de baseball de Montréal. Ce ne l’est plus.

Autopromotion 542

Épistolaire, 46, 2020, couverture, photographie d’Albert Camus

Depuis la nuit des temps, l’Oreille tendue collabore à Épistolaire, la revue de l’Association interdisciplinaire de recherches sur l’épistolaire. De sa chronique, «Le cabinet des curiosités épistolaires», elle a tiré un recueil en 2011, Écrire au pape et au Père Noël.

La 46e livraison d’Épistolaire vient de paraître (2020, 285 p., ISSN : 0993-1929). L’Oreille y parle des lettres humaines, chez Pablo de Santis, Jules Verne, Barbey d’Aurevilly, Bougainville et d’autres.

Table des matières

Haroche-Bouzinac, Geneviève, «Avant-propos», p. 5.

«Dossier. Albert Camus épistolier»

Prouteau, Anne et Agnès Spiquel, «Ouverture», p. 9-16.

«Dialogues épistolaires»

Blondeau, Marie-Thérèse, «Camus/Grenier : un ami “capital”», p. 19-29.

Kleltz-Drapeau, Françoise, «Écrire un “roman d’amour” : la correspondance avec Maria Casarès», p. 31-38.

Bove, Laurent, «L’absurde et l’esprit d’orthodoxie. La correspondance A. Camus-F. Ponge», p. 39-50.

Novello, Samantha, «Un “Mythe de Sisyphe en action” : la correspondance en tant qu’espace politique chez Camus et Chiaromonte», p. 51-60.

Phéline, Christian, «D’amitié, en réplique, imaginaire… La lettre publique dans tous ses états», p. 61-71.

«L’amitié au service de l’œuvre»

Rey, Pierre-Louis, «“Cher ami”», p. 75-83.

Lager, Alexis, «La correspondance de Camus avec les poètes : “un long débat avec la poésie” ?», p. 85-97.

Walker, David H., «Camus — Lettres et théâtre», p. 99-111.

Lund, Hans Peter, «L’œuvre à l’épreuve du doute dans la correspondance d’Albert Camus», p. 113-124.

«Perspectives»

Rothé, Sophie, «Mutisme, censure et révolte de l’épistolier : Mirabeau à Vincennes», p. 127-139.

Dupond, Marie, «La correspondance du géomètre Gaspard Monge (1746-1818). Pratique scientifique et action publique», p. 141-149.

Alrahabi, Motasem, Pauline Flepp et Camille Koskas, «Polémiques dans le rituel épistolaire : le cas des correspondances Ponge et Paulhan», p. 151-162.

Vernier, Béatrice, «Le Bruit des clés d’Anne Goscinny. Épistolarité et recherche de filiations», p. 163-175.

«Chroniques»

Basset, Guy, «La correspondance d’Albert Camus. État de la question», p. 179-191.

«Leïla Sebbar : son œuvre, ses lettres, ses fragments», p. 193-202. Propos recueillis par Karin Schwerdtner.

Melançon, Benoît, «La cabinet des curiosités épistolaires», p. 203-205. Sur les lettres humaines.

«Recherche»

Cousson, Agnès (édit.), «Bibliographie», p. 209-234. Avec la collaboration de Déborah Roussel, Luciana Furbetta, Benoît Grévin, Clémence Revest, Benoît Melançon et Béatrice Obitz.

«Comptes rendus», p. 235-277.

«Résumés des articles du dossier», p. 279-285.

Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture