Métadébat

Il y avait le débat.

Puis il y eut le débat de société : «Pour un débat de société sur l’agriculture» (le Devoir, 1er décembre 2003, p. A2).

Il y a dorénavant le colloque sur le débat de société : «Des couvents en héritage. Un colloque international sur un débat de société» (le Devoir, 18 septembre 2009, p. A5, publicité).

On n’arrête pas le progrès.

Avancez en arrière

Mêlez Facebook et une bonne dose de nostalgie, et vous vous retrouvez avec une nouvelle catégorie socialo-affective : le rétrosexuel. Définition de Slate.fr : «Le Boston Phoenix a […] inventé un terme pour ces personnes qui renouent avec leurs premiers amours [grâce à Facebook] : les “rétrosexuels”.»

Sous la plume de Claire Suddath, le magazine Time, dont s’inspire l’article de Slate.fr, parle de «recycled love». C’est un peu plus brutal.

Des goûts et des saveurs…

À saveur : l’expression fait florès au Québec. Dans la Presse du 16 septembre, elle apparaît deux fois dans le premier cahier : «Ignatieff fait deux promesses à saveur internationale» (p. A2); «Une rencontre à saveur économique» (p. A17). Un peu plus tôt cette année, on pouvait lire dans le même journal : «Un défilé à saveur historique et multiculturelle» (25 juin 2009, p. A2).

Il est vrai que l’exemple vient de haut : «Du matériel didactique, parfois à saveur culturelle, a été mis à la disposition de nos professeurs […]» (Commission scolaire de Montréal, 2004-2005).

Faune politique

Expression un brin sibylline dans le Devoir de ce samedi, sous la plume de Louis Hamelin : «la lutte larvée qui continue d’opposer les tenants du “projet de société” aux caribous, ou partisans pressés de l’indépendance pure» (12-13 septembre 2009, p. F4).

Caribous ? Il ne doit pas s’agir du renne du Canada, le Rangifer tarandus, qu’on voit mal discuter avec «les tenants du “projet de société”». Mais alors ?

Il s’agit en fait d’une créature politique qui existe de longue date — le militant-indépendantiste-québécois-pur-et-dur —, à laquelle on a trouvé une nouvelle étiquette.

Dès 2006, Patrick Bourgeois et René Boulanger postulaient une opposition nette : «Le courage d’un côté, et la peur de l’autre. Voilà ce qui différencie les purs et durs des réalistes, les caribous des farouches chevreuils à l’œil toujours larmoyant, les oreilles bien campées sur la nuque, effrayés par le moindre bruit.»

Le 17 avril 2008, sur le site AmériQuébec.net. Le portail de l’Amérique francophone, Louis-Joseph Benoit se montrait plus ouvert, quand il publiait un texte intitulé «Le “call” aux caribous» : «Cet article est un appel [«call»] à la mobilisation modestement lancé en tout respect à ceux que j’appelle avec affection, taquinerie et un certain sens historique “les caribous”, mes sœurs et frères compatriotes dans ce combat pour l’indépendance du Québec que nous menons.»

Double paradoxe. D’une part, pour défendre l’indépendance québécoise, les purzetdurs se réclament d’un animal qui est le «symbole du Nord canadien» (l’Oreille souligne). D’autre part, la mémoire collective n’a pas oublié la noyade de 10 000 caribous en 1984 dans la Caniapiscau, pour cause de mauvaise gestion du niveau d’eau de cette rivière.

De la mort collective comme symbole d’indépendance nationale ?