De l’article Bibliographie sur André Belleau
De l’article Bouddha
De l’article Couronnement
De l’article Dormir sur la corde à linge
De l’article Équipé pour veiller tard
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
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(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
En 1984, l’Oreille tendue rendait compte d’un recueil de chroniques de l’écrivain québécois Gilles Archambault. Elle écrivait ceci : «Alors que le romancier est d’un ennui uniforme, l’“écrivain du dimanche” est alerte, enjoué, prêt à dénoncer ses travers comme ceux de ses collègues.»
Dans le Devoir du jour, Louis Cornellier parle du plus récent livre du même Archambault : «Depuis presque 60 ans, Archambault, qui dit écrire pour trouver une réponse inexistante à l’inconfort de vivre, ne parle que de lui-même, dans un style dépouillé, voire minimaliste, qui ne va pas sans distiller un certain ennui. Mais c’est cet ennui, justement, ce chant monotone, qui recèle la force de l’œuvre, en ce qu’il révèle de l’expérience humaine, dans laquelle les imprévus sont plus souvent décevants que bienvenus, quoi qu’en dise un discours à la mode.»
Ils s’entendront donc au moins sur un mot.

Il n’y a rien à faire.
L’Oreille tendue — elle l’a montré à de multiples reprises, et depuis des lustres — aime Diderot. En revanche, la Religieuse ne lui procure à peu près aucun bonheur de lecture. L’Oreille vient de relire le roman et il lui tombe toujours des mains.
Pourquoi ?
On peut louanger la dimension picturale de certaines descriptions (p. 34, par exemple), il n’en reste pas moins que l’écriture est assez ronflante. Il y a des limites à l’amour que l’on peut porter à l’anaphore.
L’obsession démonstrative de l’auteur lasse. Les couvents, c’est mal ? Le lecteur l’a compris fort tôt, merci.
Que la cruauté soit le propre de la couventine et qu’il y ait une «fureur des religieuses» (p. 81), on veut bien le croire. Mais le catalogue des sévices imposés à la narratrice en vient à vider certains passages de tout réalisme (p. 80-103). Trop, c’est trop.
Le roman ne manque pas d’incohérences chronologiques. Dans leur édition, Anne-Marie et Jacques Chouillet parlent de «légers défauts de fonctionnement» (p. 271). C’est être bienveillant.
Marie-Suzanne Simonin est enfermée, contre son gré, dans trois couvents («on était résolu à disposer de moi, sans moi», p. 22). Dans le troisième, la supérieure tente à répétition de séduire la jeune femme. La naïveté de celle-ci en matière sexuelle confine à la bêtise. Autre signe de bienveillance des éditeurs : «Le dossier est plus subtil et plus complexe qu’il n’y paraît» (p. 289). Non.
Les collègues de l’Oreille aiment vanter les relations complexes entre le roman (les Mémoires de Suzanne) et sa préface (parfois dite «préface-annexe»). De la même façon, on souligne à l’envi que cet ensemble de textes constituait une mystification visant à faire revenir à Paris un ami de Diderot, le marquis de Croismare. S’il faut se rabattre sur cela, c’est bien que le roman en lui-même ne se suffit pas.
Vivement Jacques le fataliste.
Référence
Diderot, Denis, la Religieuse, Paris, Librairie générale française, coll. «Le livre de poche», 2077, 1983, 314 p. Préface de Henry de Montherlant. Édition établie et commentée par Jacques et Anne-Marie Chouillet.
«Matt est revenu les bras chargés, des croissants, une baguette, des confitures, du beurre, du vin, encore du vin, des fraises, et des nouvelles fraîches : Bruxelles.»
«Ils ont marché longtemps tous les trois, en quête d’un restaurant ouvert, au patron assez fou pour défier Daech, les autorités belges, et la soif de trois énergumènes en quête de désir réciproque.»
«On se revoit très bientôt, a dit le petit prince du documentaire engagé, imbibé de vin et d’espoir d’aller à Cannes avec la future vedette de ce qui serait un film “criant de vérité et sans compromis”.»
«J’ai fait le reste du chemin toute seule, tanguant un peu, encore sous l’effet de son étreinte et de l’alcool.»
«Sa fille, si elle avait vécu, aurait été fantasque et fluide, un mercure qui s’évade. Elle aurait parcouru le monde sans hésitation, à l’abri des abrasions, de l’amertume et des coups, une vie libre comme celle de Matt.»
«Dans la chambre neuve de l’hôtel Pantone, ça sentait la peinture fraîche, le chauffage central et la mélancolie.»
«Le soir, étouffée par l’odeur de la peinture fraîche, du chauffage central et de la tristesse, Catherine est sortie de l’hôtel Pantone.»
Geneviève Lefebvre, Toutes les fois où je ne suis pas morte, Montréal, Libre expression, 2017. Édition numérique.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«Le Sage aussi me regardait d’un autre œil. Il m’a scruté le fond de l’âme, a analysé chaque trait de mon visage, avant de conclure : Je peux pas croire que t’as fait ça, ostie. Tu lui as enfoncé un crayon dans’ tête? Ssshhht, ssshhht ! Je lui ai chuchoté l’ordre de parler moins fort. Dany, le screw de service, feignait de fouiner dans la section des bandes dessinées. Je savais qu’il tendait l’oreille et se serait fait un malin plaisir de me faire plonger. Je ne peux rien te confirmer, mais en tant que bibliothécaire, tu peux sûrement lire entre les lignes… Il n’en revenait pas.»
David Goudreault, la Bête et sa cage (2016), dans la Bête intégrale, Montréal, Stanké, 2018. Édition numérique.