L’oreille tendue de… Gilles Marcotte

Gilles Marcotte, Notes pour moi-même, 2017, couverture
«le 22 février [2009] — Je me promettais depuis quelque temps de tendre l’oreille vers l’émission littéraire de Radio-Canada, le dimanche à quatorze heures trente. J’y ai entendu ce bout de phrase, ânonné par l’animatrice : “Quand on est le premier à débuter…” J’ai fermé l’appareil.»

Gilles Marcotte, Notes pour moi-même. Carnets 2002-2012, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2017, 354 p., p. 219.

Citation raisonnable du jour

Alain Vaillant, l’Histoire littéraire, éd. de 2017, couverture

 

«Il faut aussi se garder de ce qu’on pourrait appeler le littératurocentrisme. Même les historiens de la littérature convaincus qu’il faut sortir les textes de leur splendide isolement et les mettre en relation avec l’ensemble des savoirs et des pratiques culturelles risquent souvent de commettre une erreur de perspective. Spontanément et à leur insu, ils tendent à placer la littérature au centre de leur système puis ils font tourner autour d’elle les sciences, les arts et les autres pratiques culturelles — comme si l’écrivain jouissait d’une prééminence effective et avait le privilège de synthétiser le travail des philosophes, des peintres, des savants, des historiens, des psychologues… Or le monde ne tourne pas plus autour de la littérature que le soleil autour de la terre. La littérature n’est au centre de rien. Au sein de l’espace social, elle n’est elle-même qu’une institution, d’une importance très variable selon les époques, entretenant avec d’autres des relations complexes, mais ténues et plus ou moins périphériques : la première des illusions d’optique consiste à lui accorder a priori plus d’influence sociale et culturelle qu’elle n’en a effectivement et à fausser ainsi par avance la vision de la réalité.»

Alain Vaillant, l’Histoire littéraire, Paris, Armand Colin, coll. «U», 2017 (deuxième édition revue et augmentée), 408 p., p. 260. Édition originale : 2010.

Les zeugmes du dimanche matin et de Régis Jauffret

Régis Jauffret, la Ballade de Rikers Island, 2014, couverture

«Il l’a appelée, elle s’est mise à courir. Il a fait quelques enjambées, mais déjà une femme arrêtée au feu rouge riait de ce gros bonhomme candidat à la chute et à la crise d’apoplexie» (p. 21).

«Un voile de tristesse sur son visage. Il avait la conscience en deuil, la bouche pâteuse, le gosier sec» (p. 187).

«Le vieux ne prie pas, il est trop replié sur sa peine pour entendre les bruits, à moins qu’il n’ait perdu la foi en même temps que sa famille dont il ne cherche plus que les cadavres» (p. 295).

«Au matin, il regrette ces vantardises et se propose d’entreprendre une cure de modestie et d’eau» (p. 306).

Régis Jauffret, la Ballade de Rikers Island. Roman, Paris, Seuil, 2014, 425 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Jean-Patrick Manchette

Jean-Patrick Manchette, le Petit Bleu de la côte ouest, 1976, couverture

«En attendant l’heure du déjeuner, tendant l’oreille pour saisir le bruit lointain des tronçonneuses et incapable de déterminer si c’était bien ce qu’il entendait, ou bien si c’était le vent dans les arbres, il se traîna sur le sol et s’empara des revues graveleuses. Le texte était en anglais, et fort pauvre des points de vue littéraire et même fantasmatique.»

Jean-Patrick Manchette, le Petit Bleu de la côte ouest, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1714, 1976, 181 p., p. 103.