Citons François Blais

Lettres québécoises, 176, hiver 2019, couverture

Si elle en croit son logiciel de blogue (WordPress) — et elle le croit —, l’Oreille tendue a parlé ici une trentaine de fois de l’écrivain François Blais.

Elle a donc été intéressée par le dossier que vient de lui consacrer la revue Lettres québécoises (176, hiver 2019).

Elle en retient deux citations :

«Le livre qui fait partie intégrante de l’écrivain que je suis ? The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman, de Laurence Sterne» (p. 18).

«Par contre, je suis fier de dire que je n’ai jamais eu de période Bukowski. Je n’ai même jamais été capable de terminer un livre de Bukowski» (p. 21).

Comment ne pas être d’accord ?

Les zeugmes du dimanche matin et de Thierry Dimanche

Thierry Dimanche, Cercles de feu, 2019, couverture

«On avait eu trois fils et un divorce belliqueux» (p. 42).

«J’enfilais les bières et les parties de billard […]» (p. 228).

«Qu’est-ce que je cherchais, au fond ? C’était tantôt des morilles, puis mes clés de voiture, une amie mêlée à la foule, un tableau que je n’aurais jamais dû donner, le mot juste…» (p. 281)

«Gracieuseté de la canicule, il faisait un peu moins chaud. J’avais mon pulvérisateur de cayenne, une chemise de rechange, de l’eau de ruisseau, un briquet, des réserves de gras, un mauvais caractère ancestral et une voix qui portait loin» (p. 421).

Thierry Dimanche, Cercles de feu. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 138, 2019, 438 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Le mystère des lieux

Jean Echenoz et Guy Delisle, Ici ou ailleurs, 2019, couverture

Jean Echenoz accorde une très grande importance aux lieux. Écrivant Envoyée spéciale (2016), qui se déroule en partie en Corée du Nord, pays qu’il ne connaît pas, le romancier s’est inspiré de Pyongyang (2003) du bédéiste Guy Delisle. (L’Oreille tendue a parlé du roman d’Echenoz ici.)

Delisle lui rend la pareille, en quelque sorte, en publiant Ici ou ailleurs. Ce petit livre met en vis-à-vis quarante citations tirées des œuvres d’Echenoz et autant de dessins de Guy Delisle. (Les œuvres citées ? Tous les livres d’Echenoz, sauf Caprice de la reine.)

Il n’y a que des lieux, «volontairement déserts», en trois couleurs : noir, blanc, «gris léger» (1er rabat). Les extraits d’Echenoz sont recopiés à la main. Ses admirateurs sont plongés illico dans leurs souvenirs de lectures. Les illustrations ne sont pas des calques des textes; elles entrent plutôt en dialogue avec eux, et en un dialogue souvent assez lâche. La région parisienne est la plus représentée, avec ses rues, ses avenues, ses boulevards, ses passages, ses quais, ses ponts, ses stations de métro, ses gares, ses cimetières, ses hôpitaux, ses stades, ses piscines et ses places, mais il y a aussi Marseille, Saint-Brieuc, Prague et New York. On peut lire enseignes et graffitis, reconnaître des lieux iconiques (la tour Montparnasse, la tour Eiffel). La voie de Paris la plus souvent citée, sauf erreur, est la rue de Rome.

Ce serait une «promenade» (1er rabat). On y découvre des lieux choisis pour leur «banalité», dixit Echenoz.

C’est beau.

 

Références

Delisle, Guy, Pyongyang, Paris, L’association, coll. «Ciboulette», 2003, 152 p.

Echenoz, Jean, Envoyée spéciale. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2016, 312 p.

Echenoz, Jean et Guy Delisle, Ici ou ailleurs, Montréal, Pow Pow, 2019, [s.p.] Publié en France par L’association.

Les zeugmes du dimanche matin et de Julia Deck

Julia Deck, Propriété privée, 2019, couverture

«Il y avait même une salle de sport en bas de l’immeuble. Tu t’y rendais chaque matin pour entretenir ton cœur et ton allure, afin que je ne devienne pas une épouse acariâtre ou une veuve prématurée» (p. 11).

«Et pourtant j’ai vu, quelques secondes après qu’il a joui, dans cet intervalle où malgré tous nos efforts il n’est pas possible de mentir, dans ses yeux j’ai vu qu’il était heureux, triomphant même, non pas d’avoir fait l’amour avec moi, ni même de m’avoir fait jouir si facilement, mais de l’avoir trahie, elle, de l’avoir si bien baisée dans le dos et dans les grandes largeurs» (p. 78).

«J’ai essayé de ne pas penser que je les avais moi-même huilés au pinceau, avec un produit écologique respectueux du bois et de nos bronches, de toutes mes forces j’ai essayé de ne pas penser» (p. 102).

«Alors, pour m’endormir, j’ai imaginé des scénarios, et je me suis représenté nos voisins faisant de même, bien au chaud dans leurs lits, laissant libre cours à leurs fantasmes les plus fous mais tous persuadés, au fond d’eux, qu’Annabelle ne tarderait pas à réapparaître, avec son sourire ultrabright et une solide explication» (p. 123).

«Et ce policier statufié dans l’angle, qui gagnait son salaire en rayant de sa conscience tout sentiment humain pendant ses heures de service — j’espérais que son épouse le martyrisait, qu’il possédait trois enfants en bas âge et un crédit jusqu’au cou» (p. 148).

«Alors j’ai appris comment, ce dimanche-là, dans la torpeur de l’alcool et des microshorts, les mères avaient fini par remballer leurs stands et leurs enfants pour mettre ces derniers au lit, laissant les mâles finir entre eux la soirée» (p. 161).

Julia Deck, Propriété privée. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2019, 173 p.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 18 novembre 2019.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Thierry Dimanche

Thierry Dimanche, Cercles de feu, 2019, couverture

«Il n’était plus exagéré de parler d’un chant; dans le brûlis mûr l’espèce prolifère, de l’aubier des pins calcinés s’élevait le chant des longicornes, clameur massive pour mon oreille tendue, faisant apparaître un présent qui m’était inconnu jusqu’alors.»

Thierry Dimanche, Cercles de feu. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 138, 2019, 438 p., p. 126.