Mange ta ville urbaine

L’Oreille tendue a, en garde partagée, un blogue où sont recensées les plus absurdes utilisations — il y a de la compétition — de l’urbain. Cela s’appelle Vivez la ville urbaine et rejoint cette rubrique.

L’Oreille n’y arriverait pas seule; elle a des informateurs sur plusieurs continents (au moins deux). Deux de ces informateurs lui ont annoncé la parution de l’ouvrage suivant.

Bernard Lavallée, «Le nutritionniste urbain», 2018, couverture

On pourrait se gausser, mais cela ne rendrait pas justice à la complexité de l’alimentation urbaine. Allons-y voir.

En ville, on peut manger du sirop d’érable urbain, de la pizza urbaine, du miel urbain, du bbq urbain, de la viande fumée urbaine, un grilled-cheese urbain, de la fondue urbaine, un hot-dog urbain, un steak urbain, des grillades urbaines portugaises.

On peut y boire du vin rouge urbain (y compris à Bordeaux et à La Prairie), du cidre urbain, du café urbain, du thé urbain, de la bière urbaine.

Si on ne souhaite pas cuisiner soi-même, on n’a qu’à aller au restaurant urbain savourer de la cuisine urbaine (à Saint-Jérôme, à Joliette, à Laval, à Montréal — ici ou ou encore là —, en Finlande, en Ontario). Il y a des établissements réservés aux demoiselles.

Vous n’aimez pas les restaurants urbains ? Essayez la cafétéria urbaine, la brûlerie urbaine, le banquet urbain, la brasserie urbaine, la taverne urbaine ou l’épicerie urbaine. Au besoin, le fermier urbain vous guidera, peut-être jusqu’au marché urbain ou jusqu’à son potager urbain. Normal : l’agriculture urbaine est partout. Si vous préférez la nature (en quelque paradoxale sorte), le pique-nique urbain est pour vous.

Il nous fallait un nutritionniste pour nous y retrouver, non ? Sinon, comment l’épicurien urbain ferait-il ?

L’adverbe culinaire

L’Oreille tendue a un jour proposé de parler de langue de margarine pour désigner la langue de certains chroniqueurs gastronomiques, langue pétrie de lieux communs, de clichés, de tournures alambiquées.

Elle n’avait pas noté avant le 14 octobre combien cette langue raffole des adverbes. Exemples, tous tirés du même article : «totalement par hasard», «comptoir où commander, façon cantine, justement», «Apparemment, je suis la dernière à découvrir ce lieu», «le midi notamment», «résolument moderne» — le moderne n’existe que «résolument» —, «une cuisine vietnamienne qui ne nous fait pas perdre nos repères, mais qui est en même temps franchement actuelle», «la viande carrément fondante», «bouillon maison […] impeccablement doux», «profiter, justement, de tous ces éléments», «ce qui ne fait pas partie des manières de manger en Asie, généralement», «absolument essayer le café glacé à la vietnamienne», «c’est franchement délicieux». On aura remarqué que quelques-uns de ces adverbes sont utilisés plus d’une fois.

Ce sera tout pour l’instant.

Bon appétit.

Néologismes de bouche du mercredi matin

Avolatte

Vous buvez votre café dans une pelure d’avocat ? C’est un avolatte, dit la Presse+ du 27 mai 2017.

Vous prisez l’apéritif à base d’érable ? Vous faites dans l’acéritif, parole d’Office québécois de la langue française.

Ces deux produits relèvent peut-être de la gastroéconomie, soit l’économie de la gastronomie (@CaribouMag). Ou pas.

Toujours dans le registre financier, on parle dorénavant de canabusiness. Il ne s’agit pas des affaires du Canada, mais de commerce du cannabis (@lkblais).

Il est encore question de passage en bouche, au sens large, dans cette citation d’Antoine Robitaille : «Remarquez, ce n’est pas toujours facile avec les lecteurs-militants de QS [Québec solidaire]. Toute nuance aux apparences critiques sera interprétée par eux comme une attaque. Le militant réclame la plupart du temps des articles au ton “fellatoire” (si vous me permettez un néologisme).» (L’Oreille tendue vous le permet.)